« Petite histoire de la com », cinquième jour.
Star de l’Histoire en citations, Napoléon est le génie de la com qui tourne à la propagande, dans ce parcours où forme et fond se révèlent indissociables. Surdoué en tout (sauf en amour), hyperactif, autocrate, orateur et meneur d’hommes, courageux et téméraire, son orgueil est la seule limite à son intelligence. Égaré par son ego, il perd tout, l’Empire et l’Europe. Mais l’exilé de Sainte-Hélène contrôle son image jusqu’à la fin, pour entrer dans la légende.
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« Napoléon vole comme l’éclair et frappe comme la foudre. Il est partout et il voit tout. Il sait qu’il est des hommes dont le pouvoir n’a d’autres bornes que leur volonté, quand la vertu des plus sublimes vertus seconde un vaste génie. »1649
La France vue de l’armée d’Italie, 1797
Journal créé par Bonaparte qui a vite compris l’importance de la propagande et la nécessité de se créer une légende. C’est son deuxième journal, après le Courrier de l’armée d’Italie, diffusé en France pour exalter les exploits d’un jeune général encore inconnu, avant le Journal de Bonaparte et des hommes vertueux, qui pousse plus loin encore le culte du héros. Cette propagande est financée par le butin de l’armée d’Italie, pendant la campagne. Napoléon empereur aura une maîtrise parfaite de cette « communication médiatique ».
« Je me regardai pour la première fois non plus comme un simple général, mais comme un homme appelé à influer sur le sort des peuples. Je me vis dans l’histoire. »1662
Napoléon BONAPARTE (1769-1821), au soir de Lodi, 10 mai 1796
Victoire décisive sur les Autrichiens : « C’est le succès qui fait les grands hommes ! », dira plus tard Napoléon Ier. À Lodi, le tacticien prend les dimensions d’un stratège et le Petit Caporal corse a soudain conscience de son destin. La métamorphose a frappé ses biographes. Six mois plus tard, la victoire de Bonaparte au pont d’Arcole est le titre et le sujet du plus célèbre tableau d’Antoine-Jean Gros, élève de David, jeune peintre inspiré par son modèle, qui affiche l’image du héros, à la fois classique et romantique, étonnamment contemporain.
L’histoire, il la vit, il l’écrit, il la réécrit. Les peintres seront à sa disposition pour transformer la réalité selon ses désirs.
« Soldats, songez que du haut de ces pyramides, quarante siècles vous contemplent. »1671
Napoléon BONAPARTE (1769-1821), Proclamation supposée, avant la bataille des Pyramides du 21 juillet 1798
Débarquement à Alexandrie, le 1er juillet : la ville tombe aux mains des Français le 2 juillet, et le 23, ils entrent dans la capitale, Le Caire. Cette expédition est un rêve oriental qui se réalise. La proclamation est un « faux », pour servir la légende, mais un faux authentique. Napoléon (devenu empereur) lit cette formule dans Une histoire de Bonaparte (anonyme, publiée en 1803), elle lui plaît et il la fait sienne.
« Sans trop de respect pour notre espèce, [Bonaparte] ordonna de nous transformer sur-le-champ en bêtes de somme et de trait, ce qui fut effectué comme par enchantement. »1701
Capitaine GERVAIS (1779-1858), évoquant le passage du col du Grand-Saint-Bernard, 18-20 mai 1800
David, peintre de génie conseillé par Bonaparte, dépasse la représentation de l’événement, pour en faire le prototype de la propagande napoléonienne. Le Premier Consul a souhaité être peint « calme sur un cheval fougueux » et l’artiste cabre l’animal, pour donner un dynamisme à sa composition, renforcé par le geste grandiloquent de Bonaparte drapé dans un ample manteau de couleur vive. Le général victorieux, au visage idéalisé, regarde le spectateur et lui montre la direction à suivre, cette troisième voie politique qu’il cherche à imposer entre les royalistes et les républicains… Dans la réalité, Bonaparte a franchi le col à dos de mule, revêtu d’une redingote grise. C’est quand même un exploit…
« Il faut avant tout arriver à l’unité, et qu’une génération tout entière puisse être jetée dans le même moule. »1757
NAPOLÉON Ier (1769-1821) au comte Louis-Mathieu MOLÉ
L’instruction publique est un moyen de « diriger les opinions publiques et morales », et pour Napoléon, « tout en dépend, le présent et l’avenir ». Les premiers lycées sont fondés en 1802. La mission assignée à l’Université en 1808 sera également de « former dans le même moule une jeunesse bourgeoise dévouée à l’État ». L’empereur prétend aussi asservir à sa loi philosophes et écrivains, mais c’est un tout autre problème.
« Ce qui paraît est misérable ! cela dégoûte. »1758
NAPOLÉON Ier (1769-1821). Journal : notes intimes et politiques d’un familier des Tuileries (posthume, 1909), Pierre-Louis Roederer
L’empereur a souvent ce mot, déçu par la production littéraire. Il veut diriger la pensée des créateurs et des intellectuels. La plupart sont dociles et les « best-sellers » d’une époque où les amateurs de romans abondent sont aujourd’hui illisibles. Les seuls grands talents seront des opposants au régime : Chateaubriand, Mme de Staël. Même pauvreté dans le domaine théâtral. Le mélo fait fureur sur les boulevards, mais Napoléon n’aime que la tragédie, le genre noble, à la Comédie-Française. Aucun auteur ne peut rivaliser avec les dramaturges du siècle de Louis XIV.
« La liberté de la pensée est la première conquête du siècle. L’Empereur veut qu’elle soit conservée. »1811
NAPOLÉON Ier (1769-1821), Le Moniteur, 22 janvier 1806
Précisons que c’est un journal très officiel… et il n’en reste pratiquement plus d’autres. Après les 1 500 périodiques nés au début de la Révolution, plus de 70 périodiques paraissaient encore à Paris sous le Directoire. Ils ne seront plus que 4 en 1811. En 1810, un seul journal par département – reproduisant les pages politiques du Moniteur, sous contrôle du préfet.
« Le cœur d’un homme d’État doit être dans sa tête. »1771
NAPOLÉON Ier (1769-1821). Mémorial de Sainte-Hélène (1823), Las Cases
Emmanuel Augustin Dieudonné, comte de Las Cases, nommé chambellan et comte d’Empire en 1810, fidèle compagnon de Napoléon en 1815, note précieusement les propos de l’illustre exilé durant 18 mois. Le Mémorial est une contribution à l’histoire, mais aussi à la légende napoléonienne. Les deux se confondent, dans ce cas.
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