La Quatrième République finissante offre un spectacle politique affligeant, avec la tragique guerre d’Algérie. Le général de Gaulle, appelé au pouvoir, va changer du tout au tout la politique de la France. « L’ennui avec nos hommes politiques, c’est qu’on croit faire leur caricature, alors qu’on fait leur portrait. » 2844 SENNEP (1894-1982), Potins de la Commère, France-Soir, 18 juin 1958 C’est l’un des plus talentueux caricaturistes de la presse française, résolument de droite (venu de l’Action française), mais gaulliste rallié en 1941, dessinateur attitré du Figaro. Il cible les politiques, en forçant systématiquement le trait : les gros sont énormes, les maigres filiformes, parfois représentés sous forme d’animaux. À la fin de la Troisième République, il est déjà présent, pour caricaturer Léon Blum et Hitler. Sa réflexion s’applique parfaitement au dictateur. Les documents d’époque (film ou photo) en témoignent, et la voix complète le personnage – génialement incarné par Chaplin, en 1940.Plus tard, les Guignols de l’info (Canal Plus), le Bébête show, les marionnettes et les humoristes populaires vont décrédibiliser la classe politique, encourager le populisme et le « tous pourris » . Cette liberté d’expression ne doit en aucun cas faire regretter la censure des précédents régimes. Toutes les citations qui suivent sont commentées dans nos Chroniques. « Le corps sain et vigoureux de notre pays est atteint par un mal purement politique qui nous interdit de plus en plus d’accomplir les grandes tâches de l’État. » 2915 Félix GAILLARD, Déclaration d’investiture, Assemblée nationale, 5 novembre 1957 « Crise » est un faible mot pour qualifier la guerre d’Algérie et la France au bord de la guerre civile : « Le cadavre bafouille » . Plus aucune réforme n’est possible dans un tel contexte. « La Quatrième République doit, pour une large part, la suite ininterrompue de ses désastres et sa ridicule fin à un personnel politique mal préparé qui n’avait pas fait ses classes. » 2843 François MAURIAC, Le Nouveau Bloc-notes, II, 1958-1960 Gaulliste, il fait pourtant un autre diagnostic que de Gaulle : « Ce ne sont pas les institutions qui corrompent les hommes ! […] Ce sont, au contraire, les hommes qui corrompent les institutions. » « Il est tout à fait naturel qu’on ressente la nostalgie de ce qui était l’Empire, tout comme on peut regretter la douceur des lampes à huile, la splendeur de la marine à voile, le charme du temps des équipages. Mais, quoi ? Il n’y a pas de politique qui vaille en dehors des réalités. » 2992 Charles de GAULLE, Allocution radiotélévisée, 14 juin 1960 Il faut achever la décolonisation – Afrique noire et Madagascar. De Gaulle prend acte, au risque d’être impopulaire. L’opinion publique y est par ailleurs moins sensible qu’au problème algérien. « Je lis Paris-Turf. J’en ai rien à faire de la politique […] Moi je suis un vieux libertaire, un vieil anar. Un anar bourgeois […] d’ailleurs tous les anars sont des bourgeois. Ils veulent pas être emmerdés. Ils veulent la sûreté, la tranquillité. » 3004 Jean GABIN, L’Express, 22 février 1962 Dans cette période politisée à l’extrême, il exprime le ras-le-bol de nombreux Français devant les événements. Il a quand même risqué sa vie (et sa carrière) à la guerre, engagé volontaire dans la marine en 1943.

