Chateaubriand : « La Révolution m'aurait entraîné, si elle n'eût débuté par des crimes… »  

Chronique Révolution citationsNé sous l’Ancien Régime, royaliste et chrétien très attaché à ces deux valeurs françaises, voilà déjà le jeune vicomte de Chateaubriand dans son rôle de prédilection : témoin attentif et naturellement critique de la Révolution, cette Histoire en marche plus passionnante que jamais.

À feuilleter pour tout savoir.

« La Révolution m’aurait entraîné, si elle n’eût débuté par des crimes : je vis la première tête portée au bout d’une pique et je reculai. »  1329

François René de CHATEAUBRIAND (1768-1848), Mémoires d’outre-tombe (posthume)

La tête « au bout d’une pique »   est un classique de l’horreur révolutionnaire. La « première tête »   peut être celle du gouverneur de la Bastille, de Launay, massacré par le peuple le 14 juillet, lors de la prise du fort. Chateaubriand, 21 ans, né à Saint-Malo, réformé de l’armée, hésitant sur sa vocation, s’est essayé à la vie politique au début de l’année, en participant aux États de Bretagne (assemblée provinciale). Présent à Paris au début de la Révolution, il est très choqué par cette violence « cannibale »  .

Représentatif de sa classe, il écrit aussi : « Jamais le meurtre ne sera à mes yeux un objet d’admiration et un argument de liberté ; je ne connais rien de plus servile, de plus méprisable, de plus lâche, de plus borné qu’un terroriste. »  

« La nature semblait avoir moulé sa tête pour l’Empire ou pour le gibet, taillé ses bras pour étreindre une nation ou pour enlever une femme. »  1292

François René de CHATEAUBRIAND (1768-1848), Mémoires d’outre-tombe (posthume)

Mirabeau connut la gloire et évita le gibet – il meurt dans son lit, épuisé par une vie d’excès. Il souleva le peuple par ses talents d’orateur et multiplia les conquêtes féminines.

Quant au style, on dirait Hugo (qui voulait « être Chateaubriand ou rien »  ). Quant au fond, c’est un fait avéré, qu’on peut aussi traiter avec humour, à la manière de Rivarol dans son Petit Dictionnaire des grands hommes de la Révolution (1790) : « Mirabeau (le comte de). – Ce grand homme a senti de bonne heure que la moindre vertu pouvait l’arrêter sur le chemin de la gloire, et jusqu’à ce jour, il ne s’en est permis aucune. »  . Dans le même esprit : « Mirabeau est capable de tout pour de l’argent, même d’une bonne action. »   Avant la Révolution, Mirabeau vendait sa plume (et ses idées) comme publiciste à gages ; il vendra ensuite ses services – très cher – au roi et à la reine, et sera accusé de trahison par certains députés.

« Dans le nouveau monde, Monsieur de La Fayette a contribué à la formation d’une société nouvelle ; dans le monde ancien, à la destruction d’une vieille société. »  1337

François René de CHATEAUBRIAND (1768-1848), Mémoires d’outre-tombe (posthume)

En quête d’inspiration et de paysages, au gré de ses multiples voyages, l’écrivain trouve des personnages comme il les aime : La Fayette, héros sans peur, ne fut pas sans reproche. Mais Chateaubriand est de la même caste, la même classe, presque de la même généraltion. Le marquis trouve grâce à ses yeux. Le monde est petit : il le retrouvera à Paris, septuagénaire encore actif dans la Révolution de juillet (1830).

Dans le « nouveau monde »  , rappelons le rôle du très populaire « Héros des deux mondes »   : à 19 ans, il s’est engagé personnellement et financièrement dans la guerre d’Indépendance des « Insurgents »   contre l’Angleterre et contre la politique étrangère de Louis XVI. Le Congrès des jeunes États-Unis d’Amérique l’a fait citoyen d’honneur en 1781. Dans le « monde ancien »  , la France des Lumières et de la Révolution y a gagné un allié de poids, pour les siècles et les guerres à venir.

« Les Conventionnels […] faisaient couper le cou à leurs voisins avec une extrême sensibilité, pour le plus grand bonheur de l’espèce humaine. »  1573

François René de CHATEAUBRIAND (1768-1848), Mémoires d’outre-tombe (posthume)

Rappelons qu’il a pris ses distances avec la Révolution à la vue de la « première tête portée au bout d’une pique »  , en juillet 1789. Notons au passage l’humour (noir) de notre grand romantique. On le retrouve chez d’autres témoins et dans la rue même. Reflet de l’état d’esprit du sans-culotte et du terrorisme légal, authentifié dans le Dictionnaire critique de la Révolution française (1992) de François Furet et Mona Ozouf : « Y a-t-il guillotine aujourd’hui ? — Oui, lui répliqua un franc patriote, car il y a toujours trahison. »  

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