On retrouve Talleyrand sous la Monarchie de Juillet : issu de l’Ancien Régime, après la Révolution, l’Empire, la Restauration et un passage dans l’opposition, le revenant a toujours autant d’esprit, d’intelligence politique, et un nouveau pouvoir dont il jouit. Il se trouve en bonne compagnie avec le jeune Thiers et le vieux Sieyès. Quant à la misogynie, c’est un classique de l’Histoire en citations.
« Il n’est point parvenu, il est arrivé. » 2084
(1754-1838), parlant de Thiers, 1834
Monsieur de Talleyrand (1870), Charles-Augustin Sainte-Beuve.
Talleyrand a volontiers joué le rôle de parrain politique auprès de Thiers, personnage ambitieux et arriviste, comparable à lui par certains côtés, déchaînant aussi la critique, voire la haine, au fil d’une très longue carrière.
Selon les sources, le mot de « parvenu » (marseillais) fait référence à la fortune de Thiers, à sa carrière politique rapide, voire à sa réception à l’Académie française, où il est donc « arrivé » , en 1834. À ce propos, le jugement d’Hugo sur le style de Thiers est aussi dur pour lui que pour son public : « Thiers est un portier écrivain qui a trouvé des portiers lecteurs. »
Flaubert, dans une lettre à George Sand en 1863 (Second Empire), ne sera pas plus tendre : « Rugissons contre M. Thiers ! Peut-on voir un plus triomphant imbécile, un croûtard plus abject, un plus étroniforme bourgeois ! Non, rien ne peut donner l’idée du vomissement que m’inspire ce vieux melon diplomatique, arrondissant sa bêtise sur le fumier de la bourgeoisie ! Il me semble éternel comme la médiocrité ! »
Quinze ans après (Troisième République), Flaubert avouera : « Je n’aimais pas ce roi des prud’hommes. N’importe ! comparé aux autres, c’est un géant et puis il avait une vertu rare : le patriotisme. Personne n’a résumé comme lui la France, de là l’immense effet de sa mort. »
Toutes les citations qui suivent
sont commentées dans nos Chroniques.
« Faisons donc la République, la République honnête, sage, conservatrice. » 2060
Adolphe THIERS, Manifeste de M. Thiers. Portraits historiques (1883), H. Draussin
On peut sourire de ces vertus républicaines souhaitées à la Monarchie de Juillet, définie dans la Charte revue et corrigée, en 1830. Thiers a cautionné cette monarchie constitutionnelle. Ministre de Louis-Philippe, il tentera de sauver le régime en 1848, pour imposer enfin « sa » République – après le Second Empire et la guerre perdue de 1870-71.
« Si M. de Robespierre vient, vous lui direz que je n’y suis pas. » 2080
Abbé SIEYÈS, à son valet de chambre. Cité dans Le Crapouillot (1926)
Une mauvaise grippe tient au lit l’octogénaire et le valet de chambre, dans sa simplicité, a transmis le message à un autre domestique. Robespierre était son cauchemar et dans ses dernières années, on l’entendait répéter : « Éloignez de moi cet infâme ! » Quarante ans après la Révolution, l’abbé reste marqué par l’épisode de la Terreur.
« Une femme qui voterait les lois, discuterait le budget, administrerait les deniers publics, ne pourrait être qu’un homme. » 2081
Charles NODIER, L’Europe littéraire (mars 1832)
Pionnier du romantisme et héritier des Lumières, on ne peut le classer comme réactionnaire. C’est seulement un homme de son temps – considéré aujourd’hui comme très misogyne, ou phallocrate. Les féministes devront déployer beaucoup d’éloquence et de courage pour faire évoluer l’opinion et les mœurs.
« Naturellement, et par une de ces lois providentielles où le droit et le fait se confondent, le droit de suffrage n’appartient pas aux femmes. La Providence a voué les femmes à l’existence domestique. » 2124
François GUIZOT, La Démocratie pacifique, 10 janvier 1847
Il est ministre de la droite chrétienne, conservatrice et réactionnaire, mais tout le XIXe siècle est dur au sexe faible : Code civil, mode du corset qui coupe le souffle aux femmes du monde (évanouissements pas toujours feints !), travail aux champs comme à l’usine, qui épuise les femmes du peuple (et les enfants). La Deuxième République n’arrangera rien.

