Siècle des Lumières, jusqu’à la Révolution. Le bestiaire n’a plus aucun humour. Il devient menaçant, voire terrifiant, comme en nulle autre époque.
« Amitié de cour, foi de renards, société de loups. »954
(1740-1794), Pensées, maximes et anecdotes (posthume, 1803)
Renard et loup se retrouvent associés comme frères ennemis, dans cette fable humaine qu’est l’histoire, bien observée par le moraliste Chamfort.
La cour reste un microcosme où les places sont chères et les appelés toujours plus nombreux que les élus. Mais elle cesse d’être l’appareil d’État comme sous Louis XIV, pour devenir l’instrument des intérêts particuliers de la haute noblesse, lieu de toutes les intrigues, cabales et corruptions sous Louis XV. Pire encore sous Louis XVI : les coteries se font plus insolentes autour de la reine et des frères du roi, tandis que les scandales éclaboussent le trône.
« Ni chiens, ni filles, ni laquais, ni soldats. »1161
Écriteau à la porte des jardins et autres lieux publics
C’est dire la piètre estime pour l’armée, sous le règne de Louis XV qui n’est plus le « Bien aimé » ! Recrutement est organisé de telle manière qu’on enrôle les plus pauvres, avec tous les « déchets de la société », maraudeurs et vauriens, misérables et autres laissés pour compte. La notion de patrie est dévaluée, la philosophie antimilitariste et l’opinion souvent défaitiste, alors que l’Angleterre soutient l’effort de guerre, ses hommes et leurs chefs.
Choiseul, grand ministre, ne peut renverser la situation et faire des miracles.
« Notre saint père est un dindon
Le calotin est un fripon
Notre archevêque un scélérat / Alleluya. »1250Première chanson anticléricale attaquant le pape (sans titre, et sans auteur)
Dictionnaire des chansons de la Révolution (1988), Ginette Marty, Georges Marty
Le clergé était une cible habituelle, mais à la veille de la Révolution, Pie VI en personne est mis en cause. Ce n’est que le début des ennuis pour le 248ème pape qui verra passer non seulement la Révolution française, mais aussi la campagne d’Italie de Napoléon Bonaparte.
Quant au dindon, l’animal a toujours mauvaise presse, dans cette histoire. Du moins est-il présent.
« L’aigle marche toujours seul, le dindon fait troupe ! »1303
MARAT (1743-1793) en réponse à Fréron et Desmoulins, septembre 1789
L’aigle entre en scène et va bientôt voler la vedette aux autres animaux.
Marat est un solitaire, il ne supporte pas la moindre objection. Quand il crée son journal, l’Ami du peuple (à partir du 12 septembre 1789), il refuse en ces termes aux deux journalistes révolutionnaires de participer à la rédaction. La phrase explique aussi pourquoi cet éternel aigri, qui se pose en « ami du peuple », n’a pas d’ami. Marat sera tout à la fois le grand malade, le grand persécuté, le grand visionnaire de son temps.
« La plus grande joie du Père Duchesne après avoir vu de ses propres yeux la tête du Veto femelle séparée de son col de grue et sa grande colère contre les deux avocats du diable qui ont osé plaider la cause de cette guenon. »1543
Jacques HÉBERT (1757-1794), Le Père Duchesne, n° 299, titre du journal au lendemain du 16 octobre 1793
Voici donc l’oraison funèbre consacrée par le pamphlétaire jacobin à Marie-Antoinette, la reine sacrifiée. Le titre est un peu long et la chronique qui suit continue dans la démagogie populaire et animalière : « J’aurais désiré, f…! que tous les brigands couronnés eussent vu à travers la chatière l’interrogatoire et le jugement de la tigresse d’Autriche… » Hébert remplace Marat (assassiné), en plus extrême, fond et forme.
À ce rythme - 4 citations par jour - les 10 Chroniques de l’Histoire en citations sont à vous dans trois ans. Encore trois ans et vous aurez aussi le Dictionnaire. Mais que de temps perdu !
Faites un tour dans la Boutique, feuilletez les 20 premières pages de chaque volume et voyez si ça vaut le coût (4 € le volume).
Vous avez aimé ces citations commentées ?
Vous allez adorer notre Histoire en citations, de la Gaule à nos jours, en numérique ou en papier.