Boigne : « Cette Chambre, que dans les premiers temps le roi qualifia d'introuvable, se montra folle... »

XIXe siècle. Après l’Empire, Restauration et réaction. Puis nouvelle révolution. République volée aux républicains. Apprentissage chaotique de la démocratie. L’Assemblée (dite aussi Chambre des députés) en est à la fois témoin et acteur.

« Cette Chambre, que dans les premiers temps le roi qualifia d’introuvable, se montra folle, exagérée, ignorante, passionnée, réactionnaire, dominée par des intérêts de caste. »1963

Comtesse de BOIGNE (1781-1866), Mémoires (posthume)

Restauration. Les élections des 14 et 21 août 1815 font à Louis XVIII ce cadeau empoisonné d’une assemblée plus royaliste que le roi ! Avec 350 députés ultras sur 402, cette fameuse Chambre n’est pas si « introuvable », puisqu’elle sera « retrouvée » lors de prochaines élections.

La raison en est simple : l’étroitesse du pays légal par rapport au pays réel. Le régime censitaire donne le droit de vote aux hommes de plus de 30 ans, payant au moins 300 francs d’impôts directs. Soit 110 000 électeurs sur 9 millions d’adultes. Pour être député, il faut avoir au moins 40 ans et payer 1 000 francs d’impôts directs : soit 15 000 Français éligibles.

Cette Chambre royaliste ne représente que ses intérêts et s’oppose aux ministres modérés, les empêche de gouverner et provoque la seconde Terreur blanche de notre histoire. La haine des royalistes contre les hommes de la Révolution et de l’Empire est encore exaspérée après les Cent-Jours (le retour de Napoléon). « Ils finiraient par m’épurer moi-même ! », dit Louis XVIII avec son humour royal.

Toutes les citations qui suivent
sont commentées dans nos Chroniques.

« L’Assemblée nationale […] déclare, au nom du peuple français, à la face du monde entier, que la République proclamée le 24 février 1848, est et restera la forme du Gouvernement de la France. »2163

Assemblée constituante, Proclamation du 4 mai 1848

La nouvelle assemblée élue au suffrage universel le 23 avril ne siégera qu’un an. Elle (re) proclame la République, désigne une Commission exécutive de cinq membres (dont Lamartine, Arago, Ledru-Rollin). Les socialistes avec Louis Blanc sont éliminés : choix logique des républicains modérés qui sont la majorité.

« Il faut avoir vécu dans cet isoloir qu’on appelle Assemblée nationale, pour concevoir comment les hommes qui ignorent le plus complètement l’état d’un pays sont presque toujours ceux qui le représentent. »2164

PROUDHON, Les Confessions d’un révolutionnaire (1849)

Cet homme du peuple mérite le titre de « représentant du peuple ». Le plus célèbre socialiste de France est très critiqué, sur le fond et plus encore la forme de ses premiers discours, lus à la tribune, difficiles à comprendre. Même handicap pour le futur Napoléon III.

« Une Chambre ressemble trop à un théâtre où les grands acteurs seuls peuvent réussir. »2183

Louis-Napoléon BONAPARTE, Améliorations à introduire dans nos mœurs et nos habitudes parlementaires (1856)

Conscient de ses insuffisances à la tribune, le talent lui venant en parlant, il se révèle un personnage public et populaire. Hugo est à l’évidence le plus éloquent des orateurs. Élu député aux élections complémentaires du 4 juin 1848, il entre le même jour que Proudhon et le futur Napoléon III à l’Assemblée constituante.