Quatrième République. Mal aimée, mal connue, un passé à la fois trop proche et trop lointain, entre la Troisième et la Cinquième. Après la guerre, le pays redevient « ingouvernable ». Humour aidant, le constat critique passe mieux, avec quelques vérités bonnes à dire. Commençons par de Gaulle, si absent et pourtant si présent entre 1945 et 1958.
« En 1944, les Français étaient malheureux, maintenant ils sont mécontents. C’est un progrès. »2858
(1890-1970), de nouveau chef du gouvernement provisoire depuis le 21 octobre 1945
De Gaulle, l’exil intérieur (2001), Jacques Baumel.
La France est libre, les nationalisations ont commencé, la Sécurité sociale est créée par ordonnance, les femmes ont enfin le droit de vote, mais les conditions de vie des Français restent très dures : pain rationné et cartes d’alimentation pour la plupart des produits, charbon rare et production désorganisée.
Peu avant la Révolution (en 1770), le pays avait d’autres motifs de mécontentement et le Dauphin (futur Louis XVI) faisait la même remarque avec d’autres mots : « Les Français sont inquiets et murmurateurs, les rênes du gouvernement ne sont jamais conduites à leur gré. On dirait que la plainte et le murmure rentrent dans l’essence de leur caractère. »
Toutes les citations qui suivent
sont commentées dans nos Chroniques.
« La France est divisée en quarante-trois millions de Français. La France est le seul pays du monde où, si vous ajoutez dix citoyens à dix autres, vous ne faites pas une addition, mais vingt divisions. »2838
Pierre DANINOS, Les Carnets du major Thomson (1954)
Grand succès de ces Carnets présentés comme la traduction des pensées d’un major anglais et jouant sur le décalage entre les mentalités nationales. Le procédé rappelle les Lettres persanes de Montesquieu et la division des Français renvoie au mot de Rochefort (en 1868) : « La France compte 36 millions de sujets, sans compter les sujets de mécontentement. »
« La France ? Une nation de bourgeois qui se défendent de l’être, en attaquant les autres parce qu’ils le sont. »2852
Pierre DANINOS, Les Carnets du major Thomson (1954)
La France s’embourgeoise et s’installe dans le confort de la société de consommation. Mais il y a des Français « plus bourgeois » que d’autres : le mieux-être est inégalement réparti. La publicité, le mythe de l’accès de tous à tout rendent les écarts plus insupportables encore pour les exclus. On mettra un nom sur ce phénomène : « fracture sociale ».
« La France a toujours cru que l’égalité consistait à trancher ce qui dépasse. »2853
Jean COCTEAU, Discours de réception à l’Académie française (1955)
Ce mot d’artiste fait naturellement allusion à la « régénération guillotinière » sous la Terreur et rejoint la pensée d’un homme de gauche, Édouard Herriot, radical-socialiste et maire de Lyon près d’un demi-siècle, jusqu’à sa mort en 1957 : « Il est plus facile de proclamer l’égalité que de la réaliser » (Aux sources de la liberté).
Vous avez aimé ces citations commentées ?
Vous allez adorer notre Histoire en citations, de la Gaule à nos jours, en numérique ou en papier.