Mauriac : « Il ne faut pas beaucoup de mitraillettes pour disperser cent mille citoyens armés de grands principes. » | L’Histoire en citations
Mauriac : « Il ne faut pas beaucoup de mitraillettes pour disperser cent mille citoyens armés de grands principes. »
Citation du jour

 

XXe siècle. Les rumeurs vont bon train, les médias s’en font écho, les réseaux sociaux vont même les créer. Tout va plus vite, trop vite.

Les affaires se succèdent, le public se régale, la classe politique se désole. Mais parfois, une (vraie fausse) rumeur peut avoir des conséquences bénéfiques. En 1958.

« Il ne faut pas beaucoup de mitraillettes pour disperser cent mille citoyens armés de grands principes. »2924

François MAURIAC (1885-1970), L’Express, 12 juin 1958, Bloc-notes, 1958-1960, II (1961)

Guerre d’Algérie, la IVe République agonise. Suite au coup d’État du 13 mai 1958 à Alger, l’idée s’est répandue d’un dénouement possible de la crise par l’établissement d’une dictature militaire en France. Des parachutistes venus d’Algérie pourraient débarquer, faire jonction avec les réseaux favorables à l’Algérie française en métropole, les putschistes bénéficiant même de complicités dans l’appareil de l’État. Rumeur, rumeurs. Le 28 mai, à Paris, une foule immense et pacifique défile de la Nation à la République, conspuant les paras et criant : « Le fascisme ne passera pas ! »

Mauriac qui en rend compte dénonce le danger fasciste dans L’Express, au fil de sa fameuse chronique hebdomadaire. Cette menace va précipiter la solution de Gaulle, recours à l’ultime sauveur. Pour Mauriac, c’est l’homme du destin. Face à la réelle menace de guerre civile, le président René Coty se tourne donc vers « le plus illustre des Français ». De Gaulle sera élu président de la République le 21 décembre. La Ve République est née constitutionnellement le 5 octobre.

« Il faut laisser les choses basses mourir de leur propre poison. »3193

Valéry GISCARD D’ESTAING (1926-2020), interrogé sur l’« affaire des diamants », Antenne 2, 27 novembre 1979

Le 10 octobre dernier, Le Canard enchaîné publie que Bokassa, président déchu de la République centrafricaine, fit cadeau de diamants à Giscard d’Estaing, ministre des Finances, en 1973. Valeur, un million de francs, selon une note de Bokassa. « C’est grotesque », selon VGE. Les diamants, oubliés dans un tiroir, ont été estimés entre 4 000 et 7 000 francs. La note est un faux grossier.

Mais la rumeur s’emballe, Le Monde reprend l’info et dénonce le silence de l’Élysée. La semaine suivante, Le Canard publie une nouvelle note de Bokassa, sur des diamants remis à Giscard devenu président, et la presse internationale se déchaîne sur ce « Watergate parisien ». VGE ne change pas de ligne de défense, autrement dit, il ne se défend même pas. Le Point publiera une contre-enquête infirmant la plupart des accusations. La DST révélera qu’on a aidé Bokassa dans cette manipulation. Trop tard, le mépris silencieux de l’accusé l’a rendu suspect : « J’imaginais que les Français écarteraient d’eux-mêmes l’hypothèse d’une telle médiocrité », écrit-il dans Le Pouvoir et la vie, L’Affrontement (1991).

« Toutes les explications du monde ne justifieront pas qu’on ait pu livrer aux chiens l’honneur d’un homme et, finalement, sa vie. »3306

François MITTERRAND (1916-1996), Discours aux funérailles de Pierre Bérégovoy, 4 mai 1993

Le président défend la mémoire de son ex-Premier ministre et ami, qui s’est tiré une balle dans la tête le 1er mai, après un acharnement médiatique injuste. La presse (Canard enchaîné en tête) reprochait à cet homme honnête, luttant contre la corruption et les corrompus, un prêt sans intérêt, pour une somme relativement modeste (un million de francs). Cet ancien militant, fidèle à ses convictions comme à ses amis, mais attaqué, puis lâché par les siens et notoirement déprimé, se reprochait surtout la défaite de la gauche, aux législatives de mars 1993.

La véhémence de Mitterrand a une autre raison : il est lui-même très attaqué sur son passé d’ex-vichyste, devenu résistant. La politique est un métier dur, qui peut devenir cruel. Ses successeurs l’éprouveront, le temps venu.

« Un jour, je finirai par retrouver le salopard qui a monté cette affaire et il finira sur un croc de boucher. »3398

Nicolas SARKOZY (né en 1955), ministre de l’Intérieur, citation authentifiée après coup par « le salopard » visé, Dominique de Villepin

Dans la série « duels fratricides », voici la séquence Villepin-Sarkozy et l’affaire Clearstream, obscure histoire de corbeaux et de manipulations, feuilleton financier, politique et judiciaire qui passionne le public entre 2004 et 2010.

Résumons. Un petit groupe de politiciens et d’industriels tente de manipuler la justice pour évincer des concurrents, en les impliquant dans le scandale des frégates de Taïwan. Ils auraient touché des commissions sur la vente de ces navires de guerre et l’argent se trouverait sur des comptes occultes. Parmi les dizaines de noms cités, Sarkozy, alors ministre de l’Économie, mais aussi Chevènement, Strauss-Kahn, Madelin.

La presse dévoile l’existence d’un rapport de la DST sur l’affaire et ces listings falsifiés. Une fausse rumeur peut toujours nuire et Sarkozy accuse Villepin de dissimuler à la justice les conclusions de l’enquête qui l’innocenterait. Il se constitue partie civile. Villepin est mis en examen. Et Sarkozy devenu président qualifie de coupables les prévenus au procès Clearstream. Le procureur requiert 18 mois de prison avec sursis contre l’ex-Premier ministre, complice de dénonciation calomnieuse : « Nicolas Sarkozy avait promis de me pendre à un croc de boucher, je vois que la promesse a été tenue. » Mais le 28 janvier 2010, le tribunal correctionnel de Paris rend son jugement : Villepin est relaxé. Le « cerveau » de l’affaire, Gergorin, et Imad Lahoud, auteur des lettres anonymes, sont condamnés à la prison ferme.

Cinquième République

 

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