« Quand la France aura fait entendre sa voix souveraine […] il faudra se soumettre ou se démettre. »2453
(1838-1882), Discours de Lille, 15 août 1877
Histoire de la France (1947), André Maurois.
Expression devenue célèbre, en forme d’ultimatum.
Avocat, député républicain d’extrême gauche et « grande gueule », Gambetta s’adresse au président de la République, après la crise institutionnelle ouverte le 16 mai, le renvoi du président du Conseil et la dissolution de la Chambre des députés. Le président Mac-Mahon (maréchal célèbre pour son « J’y suis, j’y reste ! ») a tenté d’imposer au pays un régime présidentiel et c’est toute l’orientation de la IIIe République qui se joue alors.
La campagne électorale est dure, le peuple étant rendu arbitre de l’opposition entre le législatif et l’exécutif – le Parlement et le président.
Le président va se soumette le 14 décembre, dans un message aux deux Chambres : « La Constitution de 1875 a fondé une république parlementaire en établissant mon irresponsabilité, tandis qu’elle a institué la responsabilité solidaire et individuelle des ministres. » Il finira par se démettre : il démissionne en 1879, les républicains devenant majoritaires au Sénat. Avec le départ de ce président monarchiste, la République sera totalement acquise.
Non sans mal et sans drame, depuis la chute du Second Empire de Napoléon III, en 1870.
« Trochu : participe passé du verbe trop choir. »2349
Victor HUGO (1802-1885) à la démission du général Trochu, 22 janvier 1871
L’Année terrible (2009), Pierre Milza
Hugo ne va pas rater le mot, quand le gouverneur militaire de Paris démissionne, après une résistance bien passive. Dans la capitale assiégée et révoltée d’une France engagée dans une guerre déjà perdue avec la Prusse, il aurait fallu un homme d’une autre trempe que Louis Jules Trochu.
Il disposait des forces suffisantes pour résister, mais plus que la peur des Prussiens, il a la hantise des émeutes populaires – comme nombre de bourgeois et de paysans, à l’époque. Les cris de « Vive la Commune » poussés à chaque tumulte terrorisent ce conservateur timoré, qui se définit comme « Breton, catholique et soldat ».
Le 20 janvier, les Parisiens, affamés, désespérés, ont tenté une « sortie torrentielle » à l’Ouest, ils sont arrêtés à Buzenval. L’opération s’achève par une piteuse retraite et 4 000 morts. Trochu se refuse à de nouveaux combats, qui « ne seraient qu’une suite de tueries sans but. » Il démissionne donc de son poste, le 22 janvier 1871 – nouveau jour d’émeute, 50 morts – avant de renoncer aussi à la présidence du gouvernement de la Défense nationale. On lui doit ce mot sur l’impopularité de certains rôles et l’inconfort de certaines situations historiques : « On ne peut faire deux choses à la fois : tenir un fusil d’une main et un bulletin de vote de l’autre. »
« Il faut tout prendre au sérieux, mais rien au tragique. »2427
Adolphe THIERS (1797-1877), Discours à la Chambre des députés, 24 mai 1873
Annales de l’Assemblée nationale, volume XVIII (1873)
Président d’une République encore fragile, contesté pour son parti pris républicain par les monarchistes majoritaires et défenseurs de l’ « ordre moral », Thiers a perdu son droit de parole à l’Assemblée : il ne peut plus s’exprimer que par un message lu, ne donnant lieu à aucune discussion. Il se conforme à ce « cérémonial chinois ».
En son absence, par 360 voix contre 334, l’Assemblée vote un blâme contre Thiers. Il offre sa démission. Il n’y est pas obligé, mais il est sûr qu’on le rappellera, sa position en sera renforcée.
Le soir, sa lettre est lue à l’Assemblée, qui procède aussitôt à l’élection du nouveau président. La gauche s’abstient et Mac-Mahon, candidat des royalistes, est élu. Thiers a joué, et perdu. Il est quand même beau joueur : « Il faut tout prendre au sérieux, mais rien au tragique. » Six ans après, Mac Mahon sera le démissionnaire et le perdant.
La France est désormais républicaine. Mais que de crises ministérielles, suivies de démissions parfois retentissantes !
« J’en appelle à la France ! Elle dira que, pendant neuf années, mon gouvernement a assuré la paix, l’ordre et la liberté. Elle dira qu’en retour, j’ai été enlevé du poste où sa confiance m’avait placé. »2490
Jules GRÉVY (1807-1891)
Gouvernements, ministères et constitutions de la France depuis cent ans (1893), Léon Muel
Démission forcée du président de la République, le 2 décembre 1887.
Grévy avait été préféré à Gambetta, en 1879. Ce septuagénaire, très « bourgeois moyen », rassurait l’Assemblée nationale - Sénat et Chambre des députés, réunis pour élire le président.
Après l’échec de la république présidentielle, version Mac-Mahon, le nouveau président opte pour une république parlementaire : c’est la « Constitution Grévy ». L’équilibre des pouvoirs est rompu au bénéfice de la Chambre et les députés, trop sûrs que le président n’osera plus jouer de la dissolution, vont désormais user et abuser de ce pouvoir, faisant tomber les ministères et se succéder les crises. Tel est le vice inhérent au régime de la IIIe République.
Mais Grévy symbolise aussi la « République des Jules » et des camarades, des passe-droits et des scandales. Son second mandat présidentiel est entaché par le scandale des décorations. Son gendre, Daniel Wilson, est accusé de trafic d’influence : il faisait payer les Légions d’honneur. Grévy s’accroche au pouvoir, tente de former un gouvernement, mais tous les ministres pressentis se récusent. Octogénaire politiquement usé, il démissionne donc.
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