« République française, Napoléon Empereur. »

L’humour sous l’Empire.

Ce n’est pas la première qualité impériale, mais l’on peut toujours trouver de l’humour au second degré, les chansons populaires n’en manquent jamais et certains auteurs vont se distinguer, le plus souvent dans l’opposition au nouveau maître de la France.

« République française, Napoléon Empereur. »1793

En-tête sur les actes officiels, à dater du 18 mai 1804

L’Europe et la Révolution française (1907), Albert Sorel.

Il faut oser ! Étrange inscription, oxymore institutionnel, même logique que la déclaration de Cambacérès, grand juriste aux ordres : « Pour la gloire comme pour le bonheur de la République, le Sénat proclame à l’instant même Napoléon empereur des Français. »

Plus empereur que républicain, Napoléon écrit dans Le Moniteur : « La liberté de la pensée est la première conquête du siècle. L’Empereur veut qu’elle soit conservée. » Mais c’est un journal très officiel… et il n’en reste pratiquement plus d’autres. Après les 1 500 périodiques nés au début de la Révolution, plus de 70 paraissaient encore à Paris sous le Directoire. Il en reste 4 en 1811. Un seul journal par département – reproduisant les pages politiques du Moniteur, sous contrôle du préfet.

La liberté de pensée est réduite comme celle de la presse. Même les tragédies classiques, répertoire préféré de l’empereur, sont épurées : les habitués du Théâtre-Français, brochure en main, s’amusent à traquer les nouvelles coupes imposées par la censure impériale à Racine et Corneille. Les contemporains sont dociles. Sauf exception.

Rouget de l’Isle, officier et auteur de La Marseillaise, ose prédire et écrire à l’empereur, au lendemain du Sacre : « Bonaparte, vous vous perdez, et ce qu’il y a de pire, vous perdez la France avec vous ! » Mais l’on entend surtout et partout les cris de « Vive l’empereur ! »

Toutes les citations qui suivent
sont commentées dans nos Chroniques.

« Bonaparte, soldat, chef d’armée, le premier capitaine du monde, vouloir qu’on l’appelle Majesté ! Être Bonaparte et se faire Sire ! Il aspire à descendre… »1794

Paul-Louis COURIER, Lettre datée de Plaisance, mai 1804, sur le plébiscite dans l’armée

L’auteur paiera cher sa liberté d’esprit et ses provocations : censure, prison, procès, tracasseries administratives. Il finit assassiné (sous la Restauration) - il le prévoyait, l’enquête n’aboutira jamais. Éternel clandestin, marginalité atypique pour l’époque.

« Joseph, si notre père nous voyait ! »1798

NAPOLÉON Ier, à son frère aîné le jour du sacre, 2 décembre 1804. Encyclopédie Larousse, article « La jeunesse de Napoléon Bonaparte »

Parole peu protocolaire, en ce jour solennel ! Leur père a tout fait pour que ses quatre fils mènent de bonnes études. Il est mort en 1785 - cancer à l’estomac, comme son fils, plus tard. Leur mère, bien vivante, est absente, au grand dam de son fils qui la voudra, sur le tableau du Sacre.

« J’entendons ronfler l’canon, / Y g’na plus à s’en dédire :
On couronn’ Napoléon / Empereur de ce bel Empire.
Ça nous promet pour l’av’nir / Ben du bonheur et du plaisir. »1800

Le Sacre de Napoléon, chanson

On chante à la gloire du grand homme, au front si couvert de lauriers que c’est à peine si on peut trouver « un petit coin pour y placer la couronne » ! Une certaine ironie commence à poindre.

« On va leur percer le flanc / En plain plan, r’lan tan plan […]
Ah ! que nous allons rire ! / R’lan tan plan tire lire. »1808

Marche d’Austerlitz, 2 décembre 1805, chanson

Jour anniversaire du sacre, les grenadiers montent à l’assaut. Sur ordre de Napoléon redevenu chef militaire, la musique de chaque bataillon joue la chanson connue de chaque homme : « C’était à entraîner un paralytique ! » (capitaine Coignet)