Henri IV et Sully : duo, entente quasi parfaite entre deux personnages très différents et complémentaires.
Sully (protestant qui le restera) est le compagnon de route le plus fidèle, le conseiller le plus écouté du roi, le gestionnaire (public et privé) le plus compétent. Mais l’homme n’est guère aimé du peuple.
« Sire, il ne faut plus tortignonner […] Avisez de choisir : ou de complaire à vos prophètes de Gascogne et retourner courir le guilledou en nous faisant jouer à sauve qui peut, ou de vaincre la Ligue qui ne craint rien de vous tant que la conversion […] gagnant plus en une heure de messe que vous ne feriez en vingt batailles gagnées et en vingt années de périls et de labeurs. »622
(1560-1641), à Henri IV, mars 1593
La Monarchie française, 1515-1715, du roi-chevalier au Roi-Soleil (1971), Philippe Erlanger.
Sully est l’un des plus anciens compagnons d’Henri IV. Ingénieur militaire, gravement blessé à la bataille d’Ivry, c’est un conseiller très écouté. Il parle ici en sage politique, étant lui-même protestant. Il sait que la conversion (la messe) est la seule solution à cette guerre qui dure, épuise les deux partis et semble sans issue militaire.
Henri IV tortignonne, hésite encore et toujours. Il tient de son père Antoine de Bourbon sa versatilité et n’est plus à une conversion près – il est vrai que le jour de la Saint-Barthélemy, c’était « la messe ou la mort ». Il doit aussi se rappeler Henri III qui choisit de faire alliance avec lui et prophétisa juste avant de mourir : « Henri de Navarre est d’un caractère trop sincère et trop noble pour ne pas rentrer dans le sein de l’Église ; tôt ou tard, il reviendra à la vérité. »
« La couronne vaut bien une messe. »623
Duc de SULLY (1560-1641), en 1593
Les Grandes Figures de l’histoire : Henri IV et l’Église (1875), Pierre Féret
Mot plus ou moins apocryphe : sans doute jamais dit par Henri IV, malgré ce qui est parfois écrit, mais attribué à Sully, dans le recueil satirique des Caquets de l’accouchée (1623), satire anonyme.
Qu’importe, il résume parfaitement la situation de fait et l’état d’esprit du roi. Sully, quant à lui, restera protestant. La religion d’un ministre des Finances n’a pas la même importance que celle du roi de France !
Henri IV fait annoncer sa prochaine conversion-abjuration par l’archevêque de Bourges, le 17 mai 1593. Reste plus qu’à fixer la date. « Ce sera dimanche que je ferai le saut périlleux. » Lettre à Gabrielle d’Estrées, juillet 1593. Le Vert Galant lui écrit surtout pour lui parler d’amour, galamment et gaillardement. Cette fois, il l’entretient de sa proche conversion.
25 juillet : les Parisiens se pressent à la basilique de Saint-Denis, pour assister à la cérémonie publique de l’abjuration royale. Le sacre se fera à Chartres, 27 février 1594. Henri IV devient Roi Très Chrétien.
« Je me passerais mieux de dix maîtresses comme vous, que d’un serviteur comme lui. »647
HENRI IV (1553-1610), à Gabrielle d’Estrées, 1599
Dictionnaire historique, critique et bibliographique (1822), Louis Maïeul Chaudon
Sa belle maîtresse vient de se plaindre de Sully, qu’elle appelle un « valet » ! Le mot est mal choisi.
Maximilien de Béthune, baron de Rosny, duc de Sully (bientôt premier au Conseil et pair de France), est déjà grand voyer de France (contrôlant toutes les voies de communication), superintendant des Fortifications et Bâtiments, grand maître de l’artillerie, chargé de l’agriculture, surintendant des Finances. Il s’acquitte de toutes ses tâches, aussi loyal que compétent.
Mais Gabrielle d’Estrées est la plus aimée des femmes et le roi ne peut s’en passer. Il projetait même de l’épouser, après annulation en cour de Rome de son mariage sans enfant avec la reine Margot (Marguerite de Valois).
« Labourage et pâturage sont les deux mamelles dont la France est alimentée et les vrais mines et trésors du Pérou. »649
Duc de SULLY (1560-1641), Économie royale (1594-1597)
Cette phrase est bien de Sully et se trouve dans le tome III de ses Mémoires ainsi nommées, publiées de 1638 à 1662.
Au tournant du siècle, le principal ministre peut enfin entreprendre de réorganiser l’agriculture française, établir un programme de routes, ponts et canaux. Henri IV l’a nommé surintendant des Finances : il récompense sa fidélité de toujours, sa sagesse politique, et reconnaît ses talents de gestionnaire et d’administrateur grâce auxquels Sully fait honnêtement fortune - l’homme est pourtant peu sympathique et le ministre impopulaire, à l’opposé du roi.
Deux autres protestants bien nés sont d’une grande aide pour Henri IV, dans le domaine économique. Premier agronome français, Olivier de Serres répand la culture du mûrier et l’élevage du ver à soie. Barthélemy de Laffemas, contrôleur général du commerce, favorise l’établissement de nombreuses manufactures. Ainsi, la France fabrique de précieuses soieries, au lieu de les importer.
Henri IV et Sully, un duo efficace ! Sully privilégie l’agriculture et prend des mesures, pour pallier les injustices et les misères les plus criantes, chez les petits paysans ruinés par l’usure et les ravages des soldats et contraints de céder leurs parcelles à vil prix. Il n’est donc pas pour rien dans la popularité du roi Henri IV. Ce duo complémentaire est à redécouvrir dans le tome 2 des Chroniques de citations historiques (Feuilletez les 20 premières pages de notre livre électronique).
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