Dernière série de « Vrais faux » historiques. Cela relève de la légende, la propagande, « la com », voire le « story-telling » aussi vieux que l’histoire. Ce qui nous renvoie à la problématique du héros national, dont la France a passionnément fait usage, de Vercingétorix à de Gaulle, en passant par Jeanne la Lorraine et Napoléon le Corse.
« Prends-les ! Je suis brave, mais tu es plus brave encore, et tu m’as vaincu. »23
(vers 72-46 av. J.C.), jetant ses armes aux pieds de César, fin septembre 52 av. J.C., à Alésia
Commentaires de la guerre des Gaules, Jules César.
Ces mots du vaincu rapportés par le vainqueur servent d’épilogue à la brève épopée du guerrier gaulois, face au plus illustre des généraux romains. Grand stratège, César est parvenu à enfermer Vercingétorix et son armée à Alésia (en Bourgogne). L’armée de secours, mal préparée, est mise en pièces par César. Vercingétorix juge la résistance inutile et se rend pour épargner la vie de ses hommes - quelque 50 000, mourant de faim après quarante jours de siège.
La chute d’Alésia marque la fin de la guerre des Gaules et l’achèvement de la conquête romaine. Mais le mythe de Vercingétorix demeure bien vivant, en France. Ce vaincu, redécouvert par les historiens au XIXe siècle et popularisé jusque dans la bande dessinée, est notre premier héros national : « Sa courte vie de combattant eut cette élégante beauté qui charmait les Anciens et qui était une faveur des Dieux. » Camille Jullian, auteur de sa première biographie savante, Vercingétorix (1902). L’épopée n’a duré que dix mois. Emmené captif à Rome, jeté dans un cachot, il attendra six ans pour être finalement exhibé comme trophée, lors du triomphe de César, puis décapité : « Vae Victis ! ».
« Une enfant de douze ans, une toute jeune fille, confondant la voix du cœur et la voix du ciel, conçoit l’idée étrange, improbable, absurde si l’on veut, d’exécuter la chose que les hommes ne peuvent plus faire, de sauver son pays. »334
Jules MICHELET (1798-1874), Jeanne d’Arc (1853)
Le personnage inspire ses pages les plus émouvantes à l’historien : « Née sous les murs mêmes de l’église, bercée du son des cloches et nourrie de légendes, elle fut une légende elle-même, rapide et pure, de la naissance à la mort. » D’autres historiens font de Jeanne une bâtarde de sang royal, peut-être la fille d’Isabeau de Bavière et de son beau-frère Louis d’Orléans, ce qui ferait d’elle la demi-sœur de Charles VII.
Où est le vrai, où est le faux dans cette histoire qui inspire des milliers d’œuvres littéraires et artistiques ? Qu’importe ! Princesse ou bergère, c’est un personnage providentiel qui va rendre l’espoir au peuple de France, et d’abord à son roi.
« On tient les paysans en France dans une telle sujétion qu’on n’ose pas leur donner des armes. On leur laisse à peine de quoi se nourrir. »588
Sir George CAREW (??-1613), ambassadeur anglais (1609)
Encyclopædia Universalis, « Henri IV, roi de France et de Navarre »
Témoignage plus conforme à la réalité que la « poule au pot » du dimanche, qualifiée de légende du « Bon roi » par les historiens. La fiscalité écrase la masse paysanne, provoquant des révoltes continuelles, depuis celle des « croquants » du Limousin, du Périgord et de Guyenne (1594). Les disettes céréalières sont fréquentes et le futur saint Vincent de Paul confirme ce qui va entraîner sa vocation de charité : « Le pauvre peuple des champs meurt de faim et se damne. »
« Capitaine Bon Vouloir, il n’est pas grand abatteur de bois. »607
TALLEMANT des RÉAUX (1619-1692), Historiettes (posthume)
Faut-il revoir la légende d’Henri IV sur ce point aussi et retoucher le portrait du Vert Galant ? Grand coureur de jupons, n’est-il pas si bon amant sur le terrain ? Une chose est sûre : sceptique envers les hommes, il s’est tourné passionnément vers les femmes, laissant de belles intrigantes se mêler un peu trop de sa politique. Il multiplie les maîtresses et les bâtards et mettra en danger la paix du royaume pour littéralement courir après son dernier amour, Charlotte Marguerite de Montmorency : elle a 15 ans, et lui 56.
« Sire, il ne faut plus tortignonner… »622
Duc de SULLY (1560-1641), à Henri IV, mars 1593
Ancien compagnons de guerre, Sully est aussi un conseiller très écouté. Il parle ici en sage politique, poussant le roi (protestant comme lui) à se convertir pour mettre fin aux guerres de Religion. Mais Henri IV hésite encore. Il tient de son père Antoine de Bourbon sa versatilité et n’est plus à une conversion près, depuis le jour de la Saint-Barthélemy.
C’est l’assassinat d’Henri IV qui fait du roi un martyr et change aussitôt son image, fait taire toute critique et donne au personnage une immense popularité. La légende fera le reste. D’autant que sa femme, Marie de Médicis, la régente qui lui succède, manque totalement de ces vertus politiques qui font les grands règnes.
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