Portrait de Talleyrand, en quelques citations extraites (comme toujours) de notre Histoire. Elles viennent en complément de l’article en deux épisodes, consacré à la longue carrière du « Diable diplomate », sur notre site partenaire, Herodote.net.
« Talleyrand, ci-devant noble, ci-devant prêtre, ci-devant évêque, avait trahi les deux ordres auxquels il appartenait. »1785
(1871-1956), De Brumaire à Marengo, Histoire du Consulat et de l’Empire, tome III (1938)
Prêtre sans vocation religieuse sous l’Ancien Régime, noble rallié à la Révolution et au tiers-état en tant que député, Talleyrand, dit « le Diable boiteux » (pied bot), se retrouve ministre sous le Directoire, le Consulat et l’Empire, trahit l’empereur qui lui a retiré son poste, mais le garde comme conseiller. Il survivra encore à deux régimes et trois rois, avec d’importantes fonctions politiques et diplomatiques.
L’accusation de trahison revient souvent à son propos, la formule la plus célèbre et cinglante venant de Napoléon lui-même : « Vous avez trompé, trahi tout le monde […] Tenez, Monsieur, vous n’êtes que de la merde dans un bas de soie. »
« Quand Monsieur de Talleyrand ne conspire pas, il trafique. »1786
CHATEAUBRIAND (1768-1848), Mémoires d’outre-tombe (posthume)
Chateaubriand le méprise et l’accuse d’être le Vice incarné (au bras de Fouché, le Crime). Âpre au gain et libre de tout scrupule, accusé à tort et à raison de trahisons, on lui reproche tout autant ses malversations. Talleyrand est corrompu, comme son ami Mirabeau avec lequel il partageait une vie dissolue et de gros besoins d’argent. C’est un expert en « enrichissement personnel » - Richelieu et Mazarin ont également bien profité de leur pouvoir politique. Les États étant prêts à payer de gros dessous de table dans les négociations, les « douceurs diplomatiques » ont fait sa fortune.
« Ne dites jamais de mal de vous. Vos amis s’en chargeront toujours. »1787
TALLEYRAND (1754-1838)
Dictionnaire des citations françaises, Jean-Yves Dournon
Le mot convient à ce cynique, sans illusion sur les hommes. Mérimée, dans ses Lettres d’Espagne, reprend la citation : « Un vieux diplomate de mes amis, homme très fin, m’a dit souvent… » En 1833, promu haut fonctionnaire, Mérimée rencontre à Londres Talleyrand, ambassadeur de France aussi encensé qu’il est méprisé à Paris. Dans une lettre à Stendhal, il décrit l’octogénaire comme « un gros paquet de flanelle enveloppé d’un habit bleu et surmonté d’une tête de mort recouverte d’un parchemin. » Napoléon fut plus cruel, qualifiant Talleyrand de « merde dans un bas de soie » - il est vrai que la situation s’y prêtait (en 1809).
« On me croit immoral et machiavélique, je ne suis qu’impassible et dédaigneux. »1788
TALLEYRAND (1754-1838), à Lamartine
Talleyrand (1936), comte de Saint-Aulaire
Et précisant sa pensée : « Mirabeau était un grand homme, mais il lui manquait le courage d’être impopulaire. Sous ce rapport, voyez, je suis plus homme que lui : je livre mon nom à toutes les interprétations et à tous les outrages de la foule. » De fait, Talleyrand se moque éperdument de sa cote de popularité : « On dit toujours de moi ou trop de mal ou trop de bien ; je jouis des honneurs de l’exagération. »
« Si, quand cet homme vous parle, son derrière recevait un coup de pied, sa figure ne vous en dirait rien. »1789
MURAT (roi de Naples), parlant de Talleyrand
Murat (1983), Jean Tulard
Supérieurement intelligent, il garde le souvenir de son éducation religieuse et ses manières de seigneur, jointes à des qualités de grand diplomate. Aussi différent que possible de Murat, jeune homme pauvre, fils d’aubergiste, remarqué par Bonaparte dans sa campagne d’Italie, intrépide et impétueux, surnommé, le Sabreur, et piètre politicien.
« Je me suis mis à la disposition des événements et, pourvu que je restasse Français, tout me convenait. »1836
TALLEYRAND (1754-1838), Mémoires et Correspondance du prince de Talleyrand (posthume, 1891)
Voilà bien la clé du personnage ! Le plus grand diplomate de notre histoire respecte toujours les intérêts supérieurs de la France – qu’il comprend mieux que Napoléon et tous les rois servis avant et après. Il voulait éviter la course à l’abîme, prévisible dès 1809, et l’humiliation du pays vaincu, au Congrès de Vienne où il a fait miracle (ou presque) en 1814-1815. Défendant la Révolution de 1789 et la jeune République sous la Constituante, il a tenté de faire triompher une monarchie constitutionnelle à l’anglaise – solution qui aurait épargné aux Français les excès de la Terreur et qui verra le jour sous la Monarchie de Juillet en 1830, avec Louis-Philippe qu’il adoube littéralement.
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