La guerre vue par les militaires. Acteurs de la pire tragédie jamais vécue au monde, ils gardent une forme d’humour parfois volontaire. Paradoxe dont témoigne l’Histoire en citations, tout en signalant l’humour involontaire de certains mots en situation, jugés avec le recul du temps.
« Je tordrai les Boches avant deux mois. »2586
(1852-1931), août 1914
G.Q.G., secteur 1 : trois ans au Grand quartier général (1920), Jean de Pierrefeu.
Ces mots, souvent cités, font partie de la propagande, mais correspondent aussi à un plan de guerre.
Généralissime (chef suprême des armées en guerre et commandant à tous les généraux), tel est le titre de Foch. La croyance en une guerre courte prévaut en France, comme en Allemagne - qui a déclaré la guerre, le 3 août. Et tout commence par une guerre de mouvement. Le conflit s’enlisera après, dans le piège et la boue des tranchées de sinistre mémoire.
Joffre a élaboré le plan français (plan XVII) : se fiant aux forces morales et aux baïonnettes, il prévoit l’« offensive à tout prix » et la défense de l’Est. Mais la bataille des frontières va se dérouler selon le plan allemand (plan Schlieffen) : gros effectifs et artillerie lourde pour la tactique, et pour la stratégie, invasion de la Belgique. Selon le chancelier allemand Bethmann-Hollweg, le traité international garantissant la neutralité de ce pays n’est qu’un « chiffon de papier ». D’où l’attaque de la France par le Nord, et le contournement des défenses françaises.
Toutes les citations qui suivent
sont commentées dans nos Chroniques.
« La méprisable petite armée du général French. »2587
GUILLAUME II, Ordre du jour à Aix-la-Chapelle, 19 août 1914. Pages d’histoire, 1914-1918, La Folie allemande (1914), Paul Verrier
Grâce à son effort militaire, la France a pu aligner presque autant de divisions que l’Allemagne (plus peuplée). Mais nos soldats sont moins entraînés, moins disciplinés, mal équipés (uniformes trop voyants, manque d’artillerie lourde). Ayant perdu la bataille des frontières, Joffre ordonne le repli des troupes au nord de Paris, pour éviter l’enveloppement.
« Mon centre cède, ma droite recule, situation excellente, j’attaque. »2590
Général FOCH, Message au GQG (Grand Quartier Général), pendant la première bataille de la Marne, du 6 au 9 septembre 1914
Pour Foch, une bataille se perd moralement, mais se gagne de même. La défaite semblait certaine. Il la refuse. D’où ce télégraphe envoyé à Joffre. Suivent quatre jours de bataille acharnée avec les fameux taxis de la Marne : 1 100 chauffeurs réquisitionnés ont conduit sur le front 5 000 hommes. Cette victoire sauve Paris de l’assaut allemand et redonne son prestige à Joffre.
Lors d’un déjeuner au Grand Quartier Général, à un convive lui demandant ses intentions, alors que la guerre de mouvement semblait abandonnée :
« Je les grignote. »2591Généralissime JOFFRE, réponse laconique, citée dans Le Journal du 29 octobre 1914
Il parle de ses ennemis et justifie sa stratégie. La guerre de tranchées commence, guerre d’usure sur des fronts de centaines de kilomètres, réseaux ininterrompus de tranchées et d’abris. Le « grignotage » est une nouvelle forme de guerre, ni les hommes ni le matériel ne sont préparés. Manœuvre de débordement impossible et le front se solidifie de proche en proche, vers le nord, jusqu’à la mer.
« C’est la plus monumentale ânerie que le monde ait jamais faite. »2570
Maréchal LYAUTEY, Histoire de la Troisième République (1952), Jacques Chastenet
Parole de militaire au déclenchement du conflit, citation doublement étonnante du ministre de la Guerre (trois mois), dans le cabinet Briand. Par le jeu des alliances, des intérêts et des déclarations de guerre échelonnées sur trois ans, la Grande Guerre devient mondiale pour la première fois dans l’histoire. 65 millions de soldats s’affronteront.
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