Le général a fui (à Baden-Baden)… De retour à son poste, de Gaulle dissout l’Assemblée, en appelle au pays. Ce 30 mai, la foule lui manifeste son soutien, sur les Champs-Élysées. Confirmé par les élections de juin. Le pays s’est remis au travail, fin de l’histoire et début du récit de ce Mai 68, entré dans l’Histoire comme la Révolution et le Front populaire.
« Depuis quelque chose comme trente ans que j’ai affaire à l’histoire, il m’est arrivé quelquefois de me demander si je ne devais pas la quitter. »3072
(1890-1970)
De Gaulle, 1958-1969 (1972), André Passeron.
Folle journée du 29 mai 1968 : le général a disparu. Conseil des ministres décommandé à la dernière minute. De Gaulle a quitté l’Élysée, mais il n’est pas à Colombey : « Oui ! le 29 mai, j’ai eu la tentation de me retirer. Et puis, en même temps, j’ai pensé que, si je partais, la subversion menaçante allait déferler et emporter la République. Alors, une fois de plus, je me suis résolu » (Entretien télévisé avec Michel Droit, 7 juin).
Jeudi 30 mai, discours radiodiffusé : il garde Pompidou, Premier ministre, mais dissout l’Assemblée nationale. Il ajoute que « partout et tout de suite, il faut que s’organise l’action civique ».
« Mitterrand, c’est raté ! Les cocos, chez Mao ! Le Rouquin, à Pékin ! Giscard, avec nous ! De Gaulle n’est pas seul ! »3075
Cris scandés par la foule sur les Champs-Élysées, 30 mai 1968
Ils sont 300 000 ou 400 000 à répondre à l’appel du général, dans une solidarité populaire presque spontanée. En fait, la manifestation était préparée, mais le succès est inespéré : ce ne sont pas seulement les anciens combattants et les bourgeois du XVIe qui défilent, on voit aussi beaucoup de jeunes et des gens modestes.
« Le 30 mai, en l’espace de cinq minutes que dura l’allocution du général, la France changea de maître, de régime et de siècle. Avant 16 h 30, on était à Cuba. Après 16 h 35, c’était presque la Restauration. » Jean Lacouture, biographe de De Gaulle, exprime le ressaisissement du pouvoir, le revirement de l’opinion, l’incroyable rapidité du retour à l’ordre des choses. Jusqu’à la fin, Mai 68 sera le plus surprenant des happenings.
« Voici qu’à l’avant-veille de la Pentecôte, un bruit devenu vite tapage, puis clameur, retentit d’un bout à l’autre du pays : l’essence est revenue. La révolution est finie ; les grèves vont cesser ; le temps est doux ; la mer, la campagne, la montagne nous appellent pour le long week-end. C’est la démobilisation générale. »3077
Pierre VIANSSON-PONTÉ (1920-1979), Histoire de la République gaullienne, II (1971)
Le travail reprend progressivement, après les fêtes de la Pentecôte. Le gouvernement Pompidou est remanié pour écarter momentanément les ministres trop exposés dans les événements (Éducation nationale, Jeunesse, Information, Intérieur, Affaires sociales). Et l’on prépare les élections.
Élections - trahison.
Élections - piège à cons.3078Slogans des gauchistes, juin 1968
« Pour plus d’un jeune révolté des barricades, il y aura du désenchantement, sinon du désespoir, à voir « sa » révolution se coucher dans les draps anonymes du suffrage universel. » Conclusion de Claude Imbert, L’Express.
Les élections des 23 et 30 juin donnent 293 sièges sur 487 à la majorité gouvernementale : majorité absolue, triomphe du pouvoir. De Gaulle parle des « élections de la trouille ». Et Viansson-Ponté (Le Monde) du « groupe le plus nombreux qui ait jamais forcé la porte d’une Assemblée française ».
« En mai dernier, on a pris la parole comme on a pris la Bastille en 1789. »3080
Michel de CERTEAU (1925-1986), « Pour une nouvelle culture : prendre la parole », Études, juin-juillet (1968)
La fête est finie. Les exégèses ne font que commencer. Une chose est sûre : tout le monde a eu droit à l’expression, presque tout le monde en a profité. Le meilleur a côtoyé le pire, éclairs de génie poétique et discours soporifiques. Foire aux idées, fraternité universelle, démocratie directe, société sans classe, spectacle permanent.
Était-ce si neuf ? En février 1848, Tocqueville, grand témoin de son temps, écrit à propos de la brève révolution d’alors : « J’avais sans cesse l’impression qu’ils étaient en train de représenter la Révolution française bien plutôt que de la continuer. » Et Proudhon : « La nation française est une nation de comédiens. »
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