John Law : « Votre Altesse Royale sera en état de relever le royaume de la triste situation à laquelle il est réduit... »

Siècle des Lumières. Avant le règne personnel de Louis XV.
Régence (suite).

Le tristement fameux Système de Law.

Les commentaires sont allégés, les coupes signalées (…) Retrouvez l’intégralité dans nos Chroniques de l’Histoire en citations.

« Votre Altesse Royale sera en état de relever le royaume de la triste situation à laquelle il est réduit et de le rendre plus puissant qu’il n’a encore été, de rétablir l’ordre des finances, de remettre, entretenir et augmenter l’agriculture, les manufactures et le commerce, d’augmenter le nombre des peuples […] d’augmenter les revenus du Roi en soulageant les peuples et de diminuer la dette de l’État sans faire tort aux créanciers. »1078

John LAW (1671-1729), Première Lettre au duc d’Orléans

Recherches historiques sur le système de Law (1854), Émile Levasseur.

Louis XIV lui-même fut séduit par le « Système », mais la mort devança ses projets (…) Le principe est simple : on remplace les pièces d’or et d’argent par du papier-monnaie à la circulation plus rapide. Des crédits sont ouverts, garantis par les bénéfices des entreprises de Law qui vont s’étendre à toute l’économie (…) Théoriquement aucun risque (…)

« Quoi, ces drôles-là s’en mêlent aussi ! »1079

Philippe d’ORLÉANS (1674-1723). Les Origines de la France contemporaine, tome I, L’Ancien Régime (1875), Hippolyte Taine

Le Régent s’emporte contre les parlementaires et les avocats qui s’agitent, à la suite de grèves ouvrières. Le 21 avril 1718, un arrêt du Conseil du roi condamne les tentatives du Parlement de Paris « pour partager l’autorité souveraine » et limite la permission de faire des remontrances. Le 26 août, un lit de justice le réduit au silence (…)

« Mon fils, votre Parlement a-t-il des troupes ? Pour nous, nous avons cent cinquante mille hommes, voilà à quoi tout se réduit. »1080

Marc René d’ARGENSON (1652-1721) à son fils, René Louis d’Argenson, conseiller au Parlement. Journal et Mémoires du marquis d’Argenson (posthume, 1859)

(…) Président du Conseil des Finances et garde des Sceaux en 1718. Son fils aîné, René-Louis (surnommé Argenson la Bête et ami de Voltaire), conseiller au Parlement, lui représente avec force détails ce que les compagnies judiciaires préméditent pour s’imposer à l’autorité royale (…) D’Argenson père remet les Parlements au pas (…)

« [Les conseillers] ressemblent à des gens qui, en sortant d’une maison, en emportent les meubles. »1081

Charles Pinot DUCLOS (1704-1772), Considérations sur les mœurs de ce siècle (1751)

Les polysynodies, conseils délibératifs composés de magistrats et de grands seigneurs ayant fait preuve de leur inefficacité depuis trois ans, sont progressivement supprimées : on revient peu à peu au système de gouvernement qui prévalait sous Louis XIV. Mais, privés de leurs titres, les Grands conservent leurs appointements.

« Dieu ne tire pas plus rapidement les hommes du néant. »1082

MONTESQUIEU (1689-1755), parlant du système de Law en 1719, Lettres Persanes (1721)

Le Système fait des miracles et permet de tout espérer : « Que de valets servis par leurs camarades, et peut-être demain par leurs maîtres ! » Des fortunes colossales naissent en quelques heures (…) Trop de spéculateurs l’ignorent encore, mais c’est une loi de la Bourse que la baisse suit la hausse. Chaque siècle va l’apprendre à ses dépens (…)

« Lundi, je pris des actions,
Mardi, je gagnai des millions,
Mercredi, je pris équipage,
Jeudi, j’agrandis mon ménage,
Vendredi, je m’en fus au bal,
Et samedi, à l’hôpital. »1083

Lundi je pris des actions (1720), chanson de rue. Histoire du vaudeville (1899), M.E. Prioleau

Le Système s’effondre en 1720, au terme d’un emballement affolé : chute des dividendes, perte de confiance des porteurs, spéculation à la baisse de banquiers rivaux, trop forte émission de billets que la banque ne peut rembourser à vue, panique boursière (…) Bourse de la rue Quincampoix fermée en mars, débâcle financière générale, émeutes en juillet (…)

« Les cœurs sont si abattus et consternés qu’on ne songe qu’à mourir et qu’on envie le sort de Marseille ! »1084

Mathieu MARAIS (1665-1737), Journal de Paris, année 1720

(…) Il témoigne des conséquences dramatiques de la banqueroute de Law à Paris, alors qu’à Marseille sévit la dernière grande peste de l’histoire (…) plus de 1 000 morts certains jours de septembre (…) Le souvenir de ce drame financier va freiner la modernisation de la France (…) L’Angleterre est mieux armée pour devenir la grande puissance européenne, à travers la prospérité du commerce et l’essor du capitalisme industriel.