Argenson : « M. le cardinal de Fleury mourut enfin hier à midi. On n'avait jamais vu d'agonie si comique... » | L’Histoire en citations
D'Argenson : « M. le cardinal de Fleury mourut enfin hier à midi. On n'avait jamais vu d'agonie si comique... »
Citation du jour

 

Le règne personnel de Louis XV commence enfin. Enfant roi adoré par le peuple, adolescent beau comme l’amour, séducteur jusqu’à la fin de sa vie, Louis le Bien-Aimé finira haï.

Ses aventures amoureuses défraient la chronique, en un siècle où les jeux amoureux passionnent la cour, les bourgeois, le peuple, les artistes - l’amour dans tous ses états, au siècle de Fragonard. Sans jamais oublier l’humour, omniprésent au siècle de Voltaire.

« M. le cardinal de Fleury mourut enfin hier à midi. On n’avait jamais vu d’agonie si comique, par toutes les chansons, épigrammes et démonstrations. »1111

Marquis d’ARGENSON (1694-1757), 30 janvier 1743

Journal et Mémoires du marquis d’Argenson (posthume, 1859).

Mort à 90 ans, le vieux cardinal ne fut jamais populaire. Sa politique prudente passait pour sans grandeur et la guerre de Succession d’Autriche voulue par le pays fut déclarée contre son avis.

Mais le roi rend un juste hommage à son précepteur. Il lui a laissé tout pouvoir depuis 1726 et lui est resté tendrement attaché : « Ayant eu le malheur de perdre mes père et mère avant que j’eusse connaissance, je l’ai toujours regardé comme tel, ce qui rend sa perte plus douloureuse » (Lettre à Philippe V d’Espagne).

Louis XV, 33 ans, va désormais gouverner seul. Le souverain n’est pas préparé à cette tâche et son indolence naturelle est un autre handicap. Ses amours seront toujours plus commentées que sa politique, pour le meilleur et pour le pire.

Toutes les citations qui suivent
sont commentées dans nos Chroniques.

« Notre monarque, enfin,
Se distingue à Cythère.
De son galant destin
On ne fait plus mystère.
Mailly, dont on babille,
La première éprouva
La royale béquille
Du père Barnabas. »1107

Chanson

Le peuple respire : son roi Bien-Aimé n’est plus sans divertissement. Les quatre sœurs de Nesle seront ses maîtresses…

« Puisqu’il a repris sa catin, il ne trouvera plus un Pater sur le pavé de Paris. »1120

Les poissardes en novembre 1744

Elles ont prié pour la guérison du roi qui reprend sa maîtresse, troisième des sœurs de Nesle. Scandale. La cour se tait, la rue a son franc-parler.

« Toujours coucher, toujours grosse, toujours accoucher. »1106

Marie LECZINSKA

En dix ans de mariage, la reine donne dix enfants au roi (dont sept filles). Rude métier de femme amoureuse et soumise.

« Puisqu’il en faut une, mieux vaut que ce soit celle-là. »1126

Marie LECZINSKA parlant de la Pompadour

Toujours éprise de son mari, mais digne et résignée, la reine ne se plaint jamais de ses liaisons et trouve même certains avantages à la maîtresse en titre depuis 1745, la marquise de Pompadour : cette jeune et jolie femme de 23 ans la traite avec plus d’égards que les précédentes passantes, et durant près de vingt ans, leurs relations seront cordiales.

La vie de favorite royale, surtout sous le règne de Louis XV, est un métier ingrat, malgré les apparences. Il faut être perpétuellement en représentation, souriante, séduisante, esclave. L’amour avec le roi fait place à l’amitié après 1750, et la marquise lui fournit de très jeunes personnes, logées dans un quartier de Versailles : le Parc-aux-Cerfs. On a beaucoup fantasmé sur ce lieu de débauche, il s’agit surtout de rumeurs.

L’impopularité, la haine de la cour, les cabales incessantes épuisent la Pompadour. Elle écrit à son frère, en 1750 : « Excepté le bonheur d’être avec le roi qui assurément me console de tout, le reste n’est qu’un tissu de méchancetés, de platitudes, enfin de toutes les misères dont les pauvres humains sont capables. »

« Sans esprit, sans caractère
L’âme vile et mercenaire,
Le propos d’une commère
Tout est bas chez la Poisson – son – son. »1127

Poissonnade brocardant la marquise de Pompadour, fille de financier, née Jeanne Antoinette Poisson

Propos injuste, mais le peuple déteste la favorite en titre et Louis XV lui devra une part de son impopularité.

« À mon mari je suis fidèle,
Mais je tremble pour mon honneur,
J’ai jour et nuit dans la cervelle
Les trois queues de l’ambassadeur. »1108

Chanson

Le nouvel ambassadeur turc met tout-Paris en émoi : son costume à trois queues réveille la gaillardise française.

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