Napoléon et Fouché. Un duo-duel où chacun connaît la valeur de l’autre et ne pense qu’à l’utiliser dans son intérêt.
Napoléon joue le même jeu qu’avec Talleyrand, mais Fouché sera souvent le compère du Diable boiteux contre lui. Deux ministres bien différents du fait de leur caractère et leur ministère !
« L’art de la police est de ne pas voir ce qu’il est inutile qu’elle voie. »1760
(1769-1821), Premier Consul, Au citoyen Fouché, 24 mai 1800
Dictionnaire des citations françaises, Le Robert.
Il s’adresse au ministre de la Police, éminence grise et pilier du régime, qui fait souvent couple avec Talleyrand, tout aussi talentueux, corrompu et détestable. Fouché est en plus responsable de beaucoup de morts, vu son passé révolutionnaire.
« Abolissons l’or et l’argent, traînons dans la boue ces dieux de la monarchie, si nous voulons faire adorer les dieux de la République, et établir le culte des vertus austères de la liberté. »1548
Joseph FOUCHÉ (1759-1820)
Base de données des députés français depuis 1789 [en ligne], Assemblée nationale
Selon la rumeur, une partie des trésors ainsi réquisitionnés fut détournée, servant de début à son immense fortune. Dénué de tout scrupule, l’homme se révèle d’une intelligence et d’une habileté hors pair, d’où sa carrière politique.
Séminariste chez les Oratoriens et devenu athée, professeur de sciences et franc-maçon convaincu sous l’Ancien Régime, Girondin se radicalisant en Montagnard sous la Révolution et votant la mort du roi, il se distingue sous la Terreur en réprimant l’insurrection fédéraliste et royaliste de novembre 1793 : le « Mitrailleur de Lyon » remplace la guillotine trop lente par le canon, pour exécuter les condamnés par centaines.
C’est l’une des plus longues carrières politiques (avec son complice Talleyrand, prudemment émigré avant la Terreur)
« Tous ces hommes n’ont pas été pris le poignard à la main, mais tous sont universellement connus pour être capables de l’aiguiser et de le prendre. »1715
Joseph FOUCHÉ (1759-1820), ministre de la Police, 1er janvier 1801
Mémoires de Joseph Fouché, duc d’Otrante (1824)
Bonaparte lui a demandé une liste de 130 « anarchistes » (terroristes) à déporter sans jugement, après l’attentat de la rue Saint-Nicaise, 24 décembre 1800 : 22 morts, un quartier de Paris détruit par l’explosion de la « machine infernale » et Bonaparte indemne, par miracle. L’idée de tuer le tyran venait en fait d’extrémistes royalistes, l’exécution fut l’œuvre de trois Chouans. Fouché, après enquête, en a la preuve. Cependant, le Premier Consul s’entête et veut éliminer la « vermine jacobine ». Un sénatus-consulte (5 janvier 1801) déportera aux Seychelles une centaine d’extrémistes jacobins qui ne sont pas les vrais coupables – Fouché en a averti quelques-uns qui ont le temps de s’enfuir.
L’attentat est un bon prétexte pour frapper un coup à gauche, un coup à droite. Les deux chefs royalistes confondus par Fouché seront guillotinés. Mais Fouché, qui a contredit le Premier Consul, se retrouve sénateur (autant dire, « au placard »). Il reviendra à la Police, au lendemain d’un autre attentat (signé Cadoudal). Bonaparte ne pouvait se passer des services d’un homme aussi compétent - même réflexion pour Talleyrand.
« L’air est plein de poignards. »1741
Joseph FOUCHÉ (1759-1820), mi-janvier 1804
Fouché (1903), Louis Madelin
Bien que n’étant plus au ministère de la Police (supprimé entre 1802 et 1804), il apprend la présence de Pichegru à Paris, général traître, déporté par le Directoire, évadé du bagne. Cadoudal est complice, chef chouan charismatique, déjà impliqué dans l’attentat de la rue Saint-Nicaise, fin 1800. Le général Moreau s’est plus ou moins joint au complot, s’estimant mal payé des services rendus au pouvoir, mais refusant de servir les royalistes. Ces hommes ont le projet d’enlever le Premier Consul. Bonaparte informé, la capitale est mise aussitôt en état de siège.
Ce n’est pas une paranoïa de dictateur. Le comte d’Artois (futur Charles X) entretenait 60 assassins dans Paris. Et il a nommé Cadoudal lieutenant général des armées du roi. Au terme d’une course-poursuite meurtrière, arrêté au Quartier latin, Cadoudal parle sans le nommer d’un prince français complice : de l’avis de tous, c’est le duc d’Enghien, émigré, qui vit près de la frontière, en Allemagne. Le lendemain, le Premier Consul, hors de lui, donne l’ordre de l’enlever, ce qui sera fait dans la nuit du 15 au 16 mars, par une troupe d’un millier de gendarmes, au mépris du droit des gens. Le jugement est plus que sommaire, suivi de l’exécution la nuit, dans les fossés de Vincennes. « Qu’il est affreux de mourir ainsi de la main des Français ! » Mot de la fin du jeune prince qui allait se marier.
« C’est pire qu’un crime, c’est une faute. »1747
BOULAY de la MEURTHE (1761-1840), apprenant l’exécution du duc d’Enghien, le 21 mars 1804
Conseiller d’État et fidèle à Bonaparte du début (coup d’État de brumaire) à la fin (Cent-Jours compris), il a ce jugement sévère. Le mot est parfois attribué à Fouché (par Chateaubriand) ou à Talleyrand (par J.-P. Sartre). Mais les deux hommes ont eux-mêmes poussé Bonaparte au « crime », et il n’est pas dans leur caractère de s’en repentir !
Cette exécution sommaire indigne l’Europe et toutes les têtes couronnées se ligueront contre l’empereur – là est la « faute ». Le drame émeut la France : détails sordides de l’exécution et douleur de la princesse Charlotte de Rohan-Rochefort, qui portera toute sa vie le deuil de cet amour. Mais les royalistes se rallieront majoritairement à Napoléon – et en cela, conseillé par le couple Fouché-Talleyrand, il a politiquement bien joué.
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