Restauration, Monarchie de Juillet, Deuxième République
Après la Révolution et l’Empire, les régimes se succèdent au XIXe s., l’Histoire a toujours du talent et la France d’aujourd’hui en découle, pour le pire et le meilleur.
Restauration (6 avril 1814, le Sénat fait appel à Louis XVIII - 2 août 1830, abdication de Charles X)
Période étonnante : en fait, il y a deux Restaurations (… de la monarchie) en 16 ans, avec l’incroyable entracte des « Cent-Jours » de Napoléon qui entraîne la 7e (et dernière) coalition européenne contre la France. Pour finir par une deuxième révolution, soldée en trois jours (27-28-29 juillet 1830) et volée aux républicains par la nouvelle Monarchie (de Juillet) !
Période passionnante : engagement politique des grands noms de la littérature (Chateaubriand en tête), naissance de la presse, des partis politiques et du socialisme encore à l’état d’utopie.
Prologue
Les commentaires sont allégés, les coupes signalées (…) Retrouvez l’intégralité dans nos Chroniques de l’Histoire en citations.
« Retomber de Bonaparte et de l’Empire dans ce qui les a suivis, c’est tomber de la réalité dans le néant. »1892
(1768-1848), Mémoires d’outre-tombe (posthume)
Parole d’un génie de notre littérature. En politique, Chateaubriand a surtout une vocation d’éternel opposant. Émigré sous la Révolution, sévère pour Napoléon à qui il ne pardonne pas la mort du duc d’Enghien, ultraroyaliste sous les Bourbons revenus (…) il se retrouvera dans l’opposition, aux côtés des libéraux.
« L’Ancien Régime moins les abus. »1893
LOUIS XVIII (1755-1824), formule plusieurs fois énoncée au temps de son exil. Dictionnaire critique de la Révolution française (1992), François Furet, Mona Ozouf
(…) Il a compris le vœu de la France profonde et pensante (…) représentée par les « constitutionnels », satisfaits de la Charte (constitution) octroyée le 4 juin 1814 (…) Centristes pris entre deux extrêmes : ultras – plus royalistes que le roi – qui veulent le retour à l’Ancien Régime et indépendants ou libéraux (…) qui rejettent le drapeau blanc, la prééminence du clergé et de la noblesse. La Restauration se joue dans ce tripartisme toujours vivant (…)
« Le matin, royaliste,
Je dis : “vive Louis !”
Le soir, bonapartiste,
Pour l’Empereur j’écris,
Suivant la circonstance,
Toujours changeant d’avis,
Je mets en évidence
L’aigle ou la fleur de lys. »1894La Girouette (1814), chanson anonyme. Histoire secrète de Paris (1980), Georges Bordonove
Sous-titrée : « Couplet dédié à M. Benjamin Constant, ci-devant royaliste, puis conseiller d’État de Bonaparte, et en dernier résultat redevenu royaliste. » Il n’est pas le seul opportuniste (…) Mais très intelligent, irrésolu, faible jusqu’à la lâcheté, romancier de sa propre vie, célèbre et brillant orateur, le personnage est particulièrement en vue (…)
« J’appartiens à cette génération née avec le siècle, qui, nourrie de bulletins par l’Empereur, avait toujours devant les yeux une épée nue et vint la prendre au moment même où la France la remettait dans le fourreau des Bourbons. »1895
Alfred de VIGNY (1797-1863), Servitude et grandeur militaires (1835)
Témoignage d’un grand écrivain de ce temps plus riche en talents que la Révolution et l’Empire ! Vigny traduit l’état d’esprit de toute une génération de jeunes romantiques « bien nés ». Ils rallieront l’opposition libérale quand la monarchie selon Charles X deviendra plus ultra que royaliste, à la fin de la Restauration.
« À moi, mes châtelains,
Vassaux, chassez-moi ces vilains !
C’est moi, dit-il, c’est moi
Qui seul ait ramené le Roi ! […]
Chapeau bas !
Gloire au marquis de Carabas. »1896BÉRANGER (1780-1857), Le Marquis de Carabas, chanson de 1816
Prompt à saisir la rumeur publique, comme tout bon chansonnier, il dénonce la morgue des émigrés de retour (sur l’air du roi Dagobert). Ainsi ce marquis : « Son coursier décharné / Clopin-clopant l’a ramené. » Et s’il méprise le peuple, il menace aussi le roi : « Mais s’il ne me rend / Les droits de mon sang / Avec moi, morbleu ! / Il aura beau jeu ! »
« Le peuple, c’est ma Muse. »1897
BÉRANGER (1780-1857). Œuvres complètes de Pierre Jean de Béranger (1840)
À l’écoute de « l’instinct du peuple », l’auteur en fait sa « règle de conduite » et résiste aux conseils, aux pressions de tous bords. Après la censure si sévère sous l’Empire, la chanson reprend ses droits et redevient reflet de l’opinion publique (…)
« Parler est bien, écrire est mieux ; imprimer est une excellente chose. »1898
Paul-Louis COURIER (1772-1825), Pamphlet des pamphlets (1824)
Quelle que soit la censure qui touche la presse plus que la littérature, la Restauration est une période de grande activité intellectuelle : des sciences exactes aux courants politiques, en passant par la poésie, la littérature, le théâtre (…) On a recensé 2 278 titres de journaux et périodiques, durables ou éphémères.
« Toutes les fois que les gouvernements prétendent faire nos affaires, ils les font plus mal et plus dispendieusement que nous. »1899
Benjamin CONSTANT (1767-1830), Cours de politique constitutionnelle (1836)
Il parle en chef du parti libéral, député d’une gauche qui défend la monarchie parlementaire (…) Le débat public porte avant tout sur des questions politiques – le socialisme n’est le fait que de précurseurs, tels Saint-Simon et Fourier.
« La société tout entière repose sur l’industrie. »1900
Comte de SAINT-SIMON (1760-1825), L’Industrie (revue)
Claude-Henri de Rouvroy, comte de Saint-Simon (arrière-cousin du duc de même nom, célèbre mémorialiste du règne de Louis XIV), philosophe et économiste admiré d’un petit cénacle qui, après sa mort, diffusera sa pensée tout en la déformant. Précurseur de la science sociale, il met tous ses espoirs dans le développement de l’industrie (…)
« La nation a admis pour principe fondamental que les pauvres devaient être généreux à l’égard des riches. »1901
Comte de SAINT-SIMON (1760-1825), L’Organisateur (1819)
C’est « le monde renversé » vu par ce socialiste pionnier : l’aristocratie terrienne exploite et domine le monde paysan, mais aussi l’État et l’administration.
« L’homme a jusqu’ici exploité l’homme. Maîtres, esclaves ; patricien, plébéien ; seigneurs, serfs ; propriétaires, fermiers ; oisifs et travailleurs. »1902
Comte de SAINT-SIMON (1760-1825), Doctrine de Saint-Simon : Exposition. Première année (1829)
Beau résumé de l’histoire du monde des origines à nos jours… et du socialisme à la française, aux accents messianiques, vingt ans avant le marxisme. Saint-Simon est mort. Mais avec les saint-simoniens se constitue en France une sorte de mouvement socialiste, à la veille de la Révolution de 1830 (…)
« Aimez le travail, nous dit la morale : c’est un conseil ironique et ridicule. Qu’elle donne du travail à ceux qui en demandent, et qu’elle sache le rendre aimable. »1903
Charles FOURIER (1772-1837), Livret d’annonce du nouveau monde industriel (1829)
Philosophe et économiste (…) il ajoute que le travail « est odieux en civilisation par l’insuffisance du salaire, l’inquiétude d’en manquer, l’injustice des maîtres, la tristesse des ateliers, la longue durée et l’uniformité des fonctions. » Il trace les grandes lignes d’une société nouvelle (…) où le « phalanstère » regroupe les travailleurs associés en coopérative. Il doit en résulter l’harmonie universelle (…) utopie qui fera des adeptes sous la Monarchie de Juillet, grande époque du socialisme.
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