« Je suis du parti que l'on guillotine, et vous êtes du parti que l'on pend. »

Seconde Restauration. Les ultras (de droite) font sourire par leurs excès, comme l’utopie socialiste (de gauche) par ses métaphores. Le retour des jésuites inspire Béranger - il faut oser cette forme d’humour ! Quant au roi, le personnage est caricaturable à merci, dessins et chansons s’en donnent de nouveau à cœur joie.

« Je suis du parti que l’on guillotine, et vous êtes du parti que l’on pend. »1969

Mot d’une grande dame noble et légitimiste à Decazes, ministre et conseiller de Louis XVIII, janvier 1818

Histoire du gouvernement parlementaire en France, 1814-1848, volume III (1859), Prosper Duvergier de Hauranne.

Cette revendication de l’inégalité de classes jusque devant la mort reflète parfaitement l’état d’esprit des ultras. Ils vivent mal l’expérience libérale voulue par le roi avec raison et ils détestent son jeune « favori », le duc Decazes, royaliste modéré qui en est l’instrument.

Toutes les citations qui suivent
sont commentées dans nos Chroniques.

« L’art de gouverner […] est réduit à donner aux frelons la plus forte portion du miel prélevé sur les abeilles. »1970

Comte de SAINT-SIMON, L’Organisateur (1819)

Socialiste utopiste, il développe sa fameuse parabole : la perte subite des élites actives et productives de la nation serait une catastrophe pour la France, mais la disparition de la famille royale, des hauts fonctionnaires, des grands du clergé, de l’aristocratie foncière et oisive, serait sans conséquence. Pour cette « fable », il est cité en cour d’assises, mais acquitté.

« Hommes noirs, d’où sortez-vous ? / Nous sortons de dessous terre,
Moitié renards, moitié loups. / Notre règle est un mystère.
Nous sommes fils de Loyola, / Vous savez pourquoi l’on nous exila.
Nous rentrons ; songez à vous taire ! / Et que vos enfants suivent nos leçons.
C’est nous qui fessons, et qui refessons, / Les jolis petits, les jolis garçons. »1967

BÉRANGER, Les Révérends Pères, chanson. Histoire de la littérature française : de la révolution à la belle époque (1981), Paul Guth

Le célèbre chansonnier vise les jésuites, de retour avec la monarchie. La Charte (compromis constitutionnel) reconnaît la liberté du culte, mais fait du catholicisme la religion d’État et les pères jésuites pensent avoir le quasi-monopole de l’éducation. Les deux derniers vers aux accents polissons dénoncent en fait la pédophilie pratiquée dans certains collèges.

« Le Roi, dont la sagesse exquise / Sait mettre le temps à profit,
Passe trois heures à l’église, / Quatre à table et quatorze au lit.
Restent pour le soin de l’Empire, / Trois autres, mais hélas,
Ce temps peut à peine suffire / Pour ôter et mettre ses bas. »1973

Le Roi dont la sagesse exquise, chanson. La Révolution de juillet (1972), Jean-Louis Bory

Malgré les mesures libérales (loi militaire, loi électorale, liberté de la presse), malgré une politique économique bien menée, le régime a toujours de nombreux opposants, à gauche comme à droite. Et Louis XVIII, le roi podagre, est accusé de bien des pêchés : paresse, gourmandise et bigoterie. Les chansonniers s’en donnent à cœur joie.

« Il vaut mieux des élections jacobines que des élections ministérielles ! »1974

Mot d’ordre des ultras, aux élections de septembre 1819

C’est la politique du pire. Les ultras (de droite) vont s’allier à la gauche pour mieux perdre Decazes. L’ascension du jeune ministre, véritable favori du roi, suscite des jalousies. Les vieux royalistes qui le détestent l’accusent d’être un libéral – ce qui est vrai – et de faire le lit d’une prochaine révolution – ce qui est faux. Un attentat va bouleverser la donne politique.