Second Empire, même usage du plébiscite. Logique ! Napoléon III a les mêmes raisons que Napoléon Ier, et d’abord légitimer son coup d’État.
Mais le personnage est différent, les temps ont changé… Et certains plébiscites sont déjà d’authentiques référendums populaires.
« Nos cœurs ont suivi le cours de nos rivières. »2280
Parole des Savoyards, devenu proverbe, printemps 1860
Napoléon III et le Second Empire : le zénith impérial, 1853-1860 (1976), André Castelot.
Les Savoyards votent leur rattachement à la France, par plébiscite des 22 et 23 avril 1860, en vertu du traité de Turin du 24 mars 1860 (épilogue de la campagne d’Italie de 1859). Avec 250 000 oui, contre seulement 230 non ! Manifestations d’enthousiasme dans tout le duché de Savoie. Un événement européen et une première historique.
Le plébiscite de 1860 est présenté comme l’application du droit des peuples à disposer d’eux-mêmes. Mais les Savoyards ont en fait ratifié une cession de territoire, décidée en 1858 par accord secret, lors de l’entrevue de Plombières du 20 juillet – Cavour, au nom du roi Victor-Emmanuel II, se rend dans cette petite station thermale des Vosges où Napoléon III est en cure. Ils conviennent d’un troc « gagnant-gagnant » : en échange de l’aide diplomatique et militaire pour libérer l’Italie de l’occupation autrichienne, le comté de Nice et le duché de Savoie reviennent à la France.
Les Niçois feront le même choix, le 15 avril 1860. Ces conquêtes pacifiques sont à porter au crédit du Second Empire.
« Représentant à tant de titres la cause du peuple et la volonté nationale, ce sera la nation qui, en m’élevant au trône, se couronnera elle-même. »2231
Louis-Napoléon BONAPARTE (1808-1873), Sénat, 4 novembre 1852
Un premier plébiscite a permis de reconnaître l’autorité de LNB après son coup d’État du 2 décembre 1851. La Constitution lui interdisait de se présenter pour un second mandat comme président de la (Deuxième) République. D’où l’emploi de la force contre la loi. Cette « opération de police un peu rude » sera son remords obsédant.
Un an après, message du prince-président à la nation, invitée à un nouveau plébiscite. Les 21 et 22 novembre, la nation répond massivement oui : 7,8 millions de voix, contre 250 000 non.
Émile Zola explique ce triomphe : « La société, sauvée encore une fois, se félicitait, se reposait, faisait la grasse matinée, maintenant qu’un gouvernement fort la protégeait et lui ôtait jusqu’au souci de penser et de régler ses affaires. La grande préoccupation de la société était de savoir grâce à quels amusements elle allait tuer le temps […] Paris se mettait à table et rêvait gaudriole au dessert. »
Le 2 décembre, l’Empire est proclamé. C’est l’anniversaire d’Austerlitz, la plus grande victoire de Napoléon Ier, l’oncle prestigieux. Respectant l’Aiglon, éphémère Napoléon II, le prince Louis-Napoléon prend le nom de Napoléon III.
« J’ai dans ma main le ministère / Et dans ma manche le Sénat,
Je fais la paix, je fais la guerre, / Enfin c’est moi qui suis l’État !
Mon peuple est un mouton docile / Dont je sais tondre la toison. »2303Paul AVENEL (1823-1902), Le Plébiscite (1870), chanson
Le ton a changé. Le Second Empire, d’abord très autoritaire, prit un tournant libéral en 1860 : « demi-tour à gauche » pour donner des gages à l’opinion publique où les mécontents se multiplient. En 1869, le régime est doublement ébranlé. Sur le front politique, l’opposition profite de la presse libérée et des élections plus loyales du 24 mai : 3,5 millions de voix, contre 4,4 millions aux bonapartistes. Sur le front social, c’est la crise et les syndicats tolérés depuis 1866 poussent à des grèves qui virent au drame : Firminy en juin 1869, Carmaux en octobre.
Napoléon III décide d’aller plus avant sur la voie libérale, pour satisfaire les hommes du centre gauche.
« Mon enfant, tu es sacré par ce plébiscite. L’Empire libéral, ce n’est pas moi, c’est toi ! »2304
NAPOLÉON III (1808-1873), à son fils, le prince impérial Eugène Louis Napoléon, âgé de 14 ans, 8 mai 1870
Oubliant sa maladie de la pierre (calculs de la vessie) qui ôte toute énergie, l’empereur rayonne, après le plébiscite triomphal du 8 mai : 7 350 000 oui (et 1 538 000 non) pour approuver le sénatus-consulte du 20 avril 1870. L’Empire devient une monarchie parlementaire : ministres responsables devant les Chambres qui ont aussi l’initiative des lois.
« Nous pouvons maintenant envisager l’avenir sans crainte », dit-il au Corps législatif. L’empereur a joué et gagné, en refaisant appel directement au peuple, comme il y a vingt ans : « J’ai retrouvé mon chiffre. » L’opposition républicaine se divise et Gambetta résume la pensée de tous : « L’Empire est plus fort que jamais ! » C’est oublier la Prusse. La guerre, le désastre de Sedan emportent tout, et d’abord le Second Empire.
Notre série de citations sur les plébiscites et référendums :
- Napoléon : « On ne fait de grandes choses en France qu’en s’appuyant sur les masses… »
- Constitution de 1793 : « Quand le gouvernement viole les droits du peuple… »
- De Gaulle : « Il va peser lourd le oui que je demande… »
- Séguin : « Dès lors que, dans un territoire donné, il n’existe qu’une seule monnaie… »
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