Anatole France et Clemenceau se font de nouveau écho, dans l’Histoire en citations. Même critique de cette République qu’on peut juger en bout de course, d’autant qu’elle va droit vers l’abime - la Guerre mondiale. Mais le pire n’est jamais sûr, même en politique, la France est républicaine envers et contre tout - et les historiens (à partir de 1930) évoquent la « Belle Époque ».
« Puisqu’elle [la Troisième République] gouverne peu, je lui pardonne de gouverner mal. »2390
(1844-1924), Histoire contemporaine (publiée de 1897 à 1901)
La République est installée : modérée, mais surtout faible. La faute en revient aux hommes qui gouvernent et aux institutions qui ont débouché sur un parlementarisme où les crises se multiplient. Anatole France prête son scepticisme intellectuel et souvent désabusé à son héros, M. Bergeret, qui prend la défense du régime, faisant un éloge inattendu des faiblesses de cette République décriée.
L’ensemble de son Histoire contemporaine, rappelant l’Affaire Dreyfus dans un pays majoritairement antidreyfusard (en tout cas au début), dresse quand même un réquisitoire contre la bourgeoisie française, cléricale, patriote, antisémite et monarchiste. L’auteur, intellectuel de gauche convaincu, socialiste et bientôt communiste, adopte un ton modéré, loin des vociférations oratoires et des polémiques partisanes. Il garde son style classique, pratique volontiers la parodie et joue de l’archaïsme. Certains lecteurs ne comprennent pas, certains détracteurs se sentent visés par les sarcasmes dirigés contre l’extrême-droite. L’histoire est pleine de malentendus, même Clemenceau en fera les frais, quand il sera au pouvoir.
Toutes les citations qui suivent
sont commentées dans nos Chroniques.
« Il y a deux organes inutiles : la prostate et le président de la République. »2391
Georges CLEMENCEAU, Histoire des présidents de la République : de Louis Napoléon Bonaparte à Charles de Gaulle (1960), Adrien Dansette
Une des raisons de la faiblesse du régime : le Président n’est là que pour « inaugurer les chrysanthèmes ». Expression du général de Gaulle et c’est d’ailleurs lui qui va changer le fonctionnement des institutions françaises sous la Cinquième République, en redonnant le pouvoir exécutif au Président et en sacralisant son élection par le suffrage universel.
« Michelet appelait la République : « une grande amitié ». Michelet était un poète et les temps sont changés : la République n’est plus qu’une grande camaraderie. »2393
Robert de JOUVENEL, La République des camarades (1913)
Ce titre définit le régime : allusion directe à l’influence de la camaraderie sur la vie publique de la Troisième. Les mêmes hommes se retrouvent, dans des ministères qui se succèdent et se ressemblent, la politique devient à la fois un métier et un jeu : les acteurs seront souvent médiocres et le spectacle de la « politique politicienne » lassera le pays.
« Y’en a qui s’plaisent à contredire, / Qui n’aiment rien et qui s’plaignent de tout :
Royauté, République, Empire, / On n’peut jamais faire à leur goût.
Quoiqu’on fasse, quoiqu’on écrive, / Moi j’n’y mets pas d’acharnement,
Mais toujours et quoi qu’il arrive […] / J’suis d’l’avis du gouvernement. »2398Aristide BRUANT, J’suis d’l’avis du gouvernement, chanson. Histoire de France par les chansons (1982), France Vernillat, Pierre Barbier
Parolier populaire et un brin anar, il donne un reflet de la réalité sociale au tournant du siècle. Les oppositions donnent souvent de la voix, mais malgré tout, la majorité du pays s’est habituée à la République.
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