Républicain de gauche et de toujours, Clemenceau relaie Gambetta. Vedette de l’Histoire en citations, très populaire dans la mémoire nationale, il occupe la scène jusqu’après la guerre de 1914-18. La République lui doit beaucoup, la France aussi - comme à de Gaulle. Point commun à ces deux hommes d’État, leur mépris pour la politique politicienne.
« Il s’agit toujours du même. »2472
Encyclopædia Universalis, article « Gouvernement ».
Célèbre « tombeur de ministères » qui se ressemblent tous : les mêmes hommes reviennent, changeant seulement de portefeuille. Les « républicains de gouvernement », « opportunistes », modérés, sont attaqués sur leur droite par les bonapartistes (en perte de prestige, après la mort du prince impérial en 1879) et les monarchistes (avec une clientèle importante de ruraux et de catholiques), et sur leur gauche par les radicaux. Par la voix de Clemenceau et de Rochefort, ils réclament le « maximum de République », déjà talonnés sur leur propre gauche par les socialistes. Escalade idéologique classique.
Dans le même temps, conservateurs et radicaux n’hésitent pas à faire alliance pour renverser les ministères : « Les radicaux ne se distinguent des conservateurs que par l’hypocrisie », écrira Jules Guesde dans Le Citoyen, 24 février 1882.
Des compromis permettent heureusement de faire passer des lois importantes sur l’enseignement public, le divorce, la liberté de la presse, les syndicats. Au fil des années, la France devient républicaine et les républicains font moins peur. Les radicaux, dans l’opposition sous la République d’abord modérée, vont, à la faveur d’élections de plus en plus à gauche, accéder au pouvoir sous la République radicale, à partir de 1899 : leur politique sociale sera alors bien timide et la « République des députés » se heurtera aux socialistes insoumis, nouveaux épouvantails pour le bourgeois.
Toutes les citations qui suivent
sont commentées dans nos Chroniques.
« Qu’on soit modéré, radical ou révolutionnaire, on est avant tout député. »2394
Robert de JOUVENEL, La République des camarades (1913)
Le mécanisme des unions, ralliements, regroupements à des fins purement électorales laisse une impression de grande confusion. « La lacune la plus notable du régime était l’absence de grands partis politiques, sans lesquels un régime parlementaire est voué aux incertitudes, aux allures cahotantes et erratiques » (Georges Duby, Histoire de France)
« Qu’est-ce qui les sépare ? Leurs idées. Ils en ont si peu. »2535
Georges CLEMENCEAU, ironisant à la vue de deux députés fâchés à mort, ce qui ne les empêche pas de trinquer à la buvette du Palais-Bourbon
La République des députés devient « La République des camarades ». Robert de Jouvenel confirme : « Il y a moins de différence entre deux députés dont l’un est révolutionnaire et l’autre ne l’est pas, qu’entre deux révolutionnaires, dont l’un est député et l’autre ne l’est pas. » Quelques élus sortent quand même du lot.
« L’Épargne, cette divinité du jour, prêchée dans toutes les chaires, l’Épargne est une peste. »2467
Auguste BLANQUI, Critique sociale (1881)
Révolutionnaire, théoricien et militant, député socialiste en 1879, siégeant à l’extrême gauche de la Chambre, il se retrouve bientôt en prison à Clairvaux, à 75 ans - prisonnier plus de la moitié de sa vie. Il écrit aussi : « Le capital est du travail volé. » La stabilité du franc (jusqu’en 1914) favorise l’épargne et encourage l’esprit rentier du Français.
« La gentilhommerie du pair de France [Hugo] subsistait sous le poil broussailleux du radical-socialisant. »2446
Maurice BARRÈS, Mes cahiers, 1896-1898 (1929)
Hugo, pair de France en 1845, sénateur en 1876, idole de la gauche républicaine, se bat pour l’amnistie des communards : « Ô juges, vous jugez les crimes de l’aurore. » En 1880, la loi d’amnistie pardonne enfin… Hugo résume le meilleur de la France et meurt en 1885, sitôt panthéonisé : « Aux grands hommes, la patrie reconnaissante. »
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