Clemenceau, si critique contre le régime, se retrouve chef du gouvernement pour résoudre les problèmes du pays et d’abord une série de grèves dures. « Premier flic de France », piégé par le système et le personnel politique, il « tombe » au bout de trois ans - en 1917, le « Père la Victoire » disposera de tous les pouvoirs. En attendant, l’anarchie et le socialisme occupent la scène sociale.
« Ce sont les oies qui ont sauvé le Capitole. »2544
La Vie orgueilleuse de Clemenceau (1987), Georges Suarez.
À qui lui reproche de ne s’entourer que de personnages falots dans son gouvernement. Le « tombeur de ministères », le radical intransigeant des années 1880 devient à 65 ans président du Conseil et reste à ce poste de 1906 à 1909, cumulant avec le ministère de l’Intérieur.
Il garde son humour et son franc-parler pour enrichir le bestiaire historique avec ses oies. Il bouscule le régime tant critiqué, il arrive surtout avec un vrai programme de réformes sociales. Malgré le socialisme montant, la Troisième République ne s’est guère préoccupée de la condition ouvrière. Même Gambetta, républicain de gauche, avait dit en 1871 : « Il n’y a pas de question sociale. »
Les grèves dures sont durement réprimées par celui qui se nomme « premier flic de France ». La lutte anticléricale continue, dans le cadre de l’application de la loi de 1905, sur la séparation des Églises et de l’État. Autre souci, la représentation proportionnelle soutenue par les socialistes et les modérés. Jaurès, à cette occasion, parle de l’impuissance du gouvernement. D’où le mot de Clemenceau…
Toutes les citations qui suivent
sont commentées dans nos Chroniques.
« Que voulez-vous que je fasse entre Caillaux qui se prend pour Napoléon et Briand pour Jésus-Christ ! »2554
Georges CLEMENCEAU, 12 juillet 1909. Réponse à Jaurès qui déplore l’impuissance du gouvernement
Joseph Caillaux, ministre des Finances (créateur de l’impôt sur le revenu), ennemi personnel de Clemenceau, et Aristide Briand, ancien avocat qui va lui succéder, le 24 juillet. Président du Conseil 11 fois et 26 fois ministre jusqu’à sa mort en 1932, il incarne pour le meilleur et le pire le politicien professionnel, né sous la Troisième et désormais contesté.
« D’abord faut pus d’gouvernement, / Pis faut pus non pus d’République,
Pus d’Sénat et pus d’Parlement […] Pus d’lois, pus d’armées, pus d’église,
Faut pus d’tout ça, faut pus rien ! / Alors c’est nous qui s’ra les maîtres
C’est nous qui f’ra c’que nous voudrons, / Y’aura pus d’chefs, pus d’contremaîtres,
Pus d’directeurs et pus d’patrons. »2546Aristide BRUANT, Plus d’patrons, chanson. L’Argot au XXe siècle (1901), Aristide Bruant, Léon de Bercy
Reflet du climat social : effervescence ouvrière et hostilité confuse à tout pouvoir. L’anarchisme révolutionnaire fait la loi dans les syndicats et le désordre dans le pays. Il pose les vraies questions - la condition ouvrière -, mais ne permet aucune solution. Le socialisme, mouvement qui monte, mais divisé entre courants, est exclu des gouvernements dits bourgeois.
« Le socialiste par raison peut avoir tous les défauts du riche ; le socialiste par sentiment doit avoir toutes les vertus du pauvre. »2538
Jules RENARD, Journal, 9 janvier 1905
Né pauvre, il fut surtout malheureux en Poil de carotte, roman autobiographique d’un enfant martyr à force d’être mal aimé. Le succès lui apporta l’argent et la célébrité. Riche de toutes ses contradictions intellectuelles, démocrate hostile au suffrage universel, antimilitariste revanchard, athée interpellant Dieu, il se décrit « socialiste, mais pas pratiquant ».
« Le peuple est bête, pue et crache partout. »2553
Jules RENARD, Journal, 27 mars 1908
On est loin de l’empathie de Hugo dans Les Misérables (et dans son parcours politique) ou de Zola dans toute son œuvre. Cruel observateur de la société, l’humour et l’humeur de Jules Renard n’épargnent personne, pas plus le monde littéraire dont il fait partie en marginal, que celui des ouvriers et de la misère, qu’il critique en connaissance de cause.
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