2e jour : Troisième République. Voici venu le temps des présidents insignifiants et du pouvoir au Parlement. La politique devient à la fois un métier et un jeu : de crise en crise, les acteurs seront souvent médiocres et le spectacle de la « politique politicienne » lassera le pays. « République des camarades », voire des copains et des coquins…
« Je vote pour Pams parce que c’est le plus bête ! »2560
La Légende du siècle : l’Est républicain, 1889-1989 (1989), Michel Caffier.
L’argument a déjà servi contre, ou plutôt pour le président Sadi Carnot, élu en 1887.
Poincaré, président du Conseil, fait campagne en cette fin d’année 1912 pour la présidence de la République. Clemenceau, son ennemi politique, choisit de voter pour Pams, ministre de l’Agriculture, homme aimable, très riche et inoffensif, proposé par les groupes de gauche.
Poincaré est élu et succède à Fallières - huitième président de la Troisième, carrière politique classique : maire, député, sénateur, plusieurs fois ministre, président du Conseil. Il a le physique de l’emploi : la barbe et la moustache, le ventre, une assurance tranquille. Il a choisi de ne pas se représenter et accueille Poincaré qui a une carrière et un physique comparables : « La place n’est pas mauvaise, mais il n’y a pas d’avancement », dit-il à son successeur qu’il reçoit à l’Élysée.
Le premier septennat de Poincaré sera bouleversé par la tragédie du siècle - la guerre mondiale. Bien qu’il ne l’aime pas, il doit se résoudre à appeler Clemenceau en 1917. Président du Conseil avec tous les pouvoirs, le Tombeur de ministères devient le Père la Victoire. Après la guerre, il sera candidat à la présidence.
Toutes les citations qui suivent
sont commentées dans nos Chroniques.
« Nous voterons pour Deschanel en criant « vive Clemenceau ! ». »2636
Exclamation d’un député, février 1920. La Vie politique sous la IIIe République, Jean-Marie Mayeur
Le vieux Tigre s’est fait des ennemis à gauche comme à droite et le Bloc national lui préfère Deschanel. La France en paix pense pouvoir se passer d’un homme fort et la règle du jeu politique éloigne de la présidence tout personnage risquant de porter ombrage au pouvoir parlementaire.
« Il y a deux organes inutiles : la prostate et le président de la République. »2391
CLEMENCEAU, Histoire des présidents de la République (1960), Adrien Dansette
Une des raisons de la faiblesse du régime : le président n’est là que pour « inaugurer les chrysanthèmes ». Mot du général de Gaulle qui changera les institutions, redonnant le pouvoir exécutif au Président.
« Sans doute faut-il incriminer d’abord les institutions qui, d’avance, détruisent les chefs. Nul régime n’aura, autant que le nôtre, usé d’individus plus rapidement. »2624
MAURIAC, Mémoires politiques (1967)
L’écrivain engagé écrit ces mots 1933 : valse des gouvernements, crédibilité du régime entamée dans l’opinion, politique frappée d’impuissance. C’est le « tous pourris », devenu plus tard slogan délétère et populiste.
« Il n’y a eu de France que grâce à l’État. La France ne peut se maintenir que par lui. Rien n’est capital que la légitimité, les institutions et le fonctionnement de l’État. »2974
De GAULLE, Conseil d’État, 28 février 1960
Parole de crise (au lendemain des barricades d’Alger), mais idée chère à de Gaulle, admirateur de Richelieu qui fit de la France un État moderne. Témoin de la crise dans l’entre-deux-guerres, il fera de la légitimité un thème récurrent, dès la Résistance.
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