Seconde Guerre Mondiale. L’humour de guerre change au fil du temps, le voilà plus intellectuel et grinçant. L’humour juif apparaît, tragiquement « en situation », l’épuration finale, quoique dramatique, sera aussi une bonne occasion. Et de Gaulle entre en scène, à 50 ans. Notre dernier grand homme, Auteur et Acteur de l’Histoire en citations et toujours en action.
« Chez de Gaulle, il n’y a pas de Charles. »2725
Tout est bien (1989), Roger Stéphane.
(Roger Stéphane donne pour titre à cette chronique le mot de la fin d’André Gide. Citant par ailleurs le mot de Malraux, il doute personnellement qu’il y ait un André chez Malraux)
La vie privée du général reste très privée et sa famille très discrète. La pudeur de De Gaulle passe souvent pour de l’orgueil. Même très populaire, le personnage en impose à tous. On imagine mal quelqu’un le tutoyant, même pas sa femme, la mystérieuse tante Yvonne. Une exception, dit-on, le maréchal Juin.
Fidèle compagnon de route du général, Malraux fut son plus célèbre historiographe, recueillant ses propos dans Ces chênes qu’on abat, un essai au titre superbement gaullien. Leur dialogue « au sommet », que seule la mort interrompra, est l’une des rencontres du siècle, saluée par François Mauriac : « Ce qu’ils ont en commun, c’est ce qu’il faut de folie à l’accomplissement d’un grand destin, et ce qu’il y faut en même temps de soumission au réel. »
Malraux a parfait le personnage du général de Gaulle aussi soigneusement que le sien propre - « son côté Chateaubriand » que décèle si bien Mauriac en Malraux. De Gaulle lui ressemblait en cela aussi, cultivant son personnage et soucieux de laisser ses Mémoires. Trois tomes très riches en Histoire et en citations.
Toutes les citations qui suivent
sont commentées dans nos Chroniques.
« Un fou a dit « Moi, la France » et personne n’a ri parce que c’était vrai. »2709
François MAURIAC. Encyclopædia Universalis, article « France »
Simple général de brigade, Charles de Gaulle refuse la défaite entérinée par le gouvernement légal, continue la lutte dans l’Angleterre toujours en guerre, mobilise des résistants de plus en plus nombreux à entendre cette autre voix de la France parlant espoir et grandeur, se fait reconnaître des Alliés et permet à la France d’être présente au jour de la victoire.
« Comment voulez-vous que je fasse avec un homme qui se prend à la fois pour Jeanne d’Arc et Napoléon ! »2724
Franklin Delano ROOSEVELT, président des États-Unis, La Vie politique en France de 1940 à 1958 (1984), Jacques Chapsal
Roosevelt n’éprouve pas la sympathie d’un Churchill pour le chef de la France libre, qui se bat dans les coulisses de la guerre pour ne pas être systématiquement éliminé des opérations. Cela dit, Napoléon est le grand homme du général (avec César et Alexandre) et il dialogue avec la France dans ses Mémoires : « Je suis son fils qui l’appelle […] J’entends la France me répondre. »
« La guerre commence infiniment mal. Il faut donc qu’elle continue. »2751
Charles de GAULLE, Mémoires de guerre, tome I, L’Appel, 1940-1942 (1954)
Idée fixe, idée folle, idée simple : la France ne peut pas être la vaincue de l’Histoire. Le caractère, « vertu des temps difficiles », et la rencontre de ces temps particulièrement difficiles vont permettre à ce quinquagénaire inconnu de se révéler en quelques jours, d’avoir raison envers et contre tout et tous, d’associer son destin à celui du pays pendant quatre ans de lutte et jusqu’à la victoire.
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