Autre forme d’héroïsme, datée de la Seconde Guerre mondiale. La mort de Jean Moulin donne un sens à tout ce qu’il a dit, écrit, fait - et tout ce qui a été dit et écrit à son sujet.
Il incarne cette « armée des ombres » anonyme et muette - 30 000 résistants fusillés, plus de 110 000 déportés, la plupart morts dans les camps, ou à leur retour. Notre pays leur doit la même reconnaissance qu’à tous les glorieux volontaires des siècles passés.
« Je ne savais pas que c’était si simple de faire son devoir quand on est en danger. »2748
(1899-1943), Lettre à sa mère et à sa sœur, 15 juin 1940
Vies et morts de Jean Moulin (1998), Pierre Péan.
Sous-préfet à 27 ans, chargé en 1936 d’acheminer vers l’Espagne républicaine le matériel de guerre soviétique, nommé préfet d’Eure-et-Loir, il refusera, le 17 juin 1940, de signer une déclaration accusant de crimes de guerre les troupes coloniales engagées dans le secteur de Chartres. Suit une résistance exemplaire de trois ans.
Révoqué comme franc-maçon par le gouvernement de Vichy en juillet, il rejoint de Gaulle à Londres en automne. Parachuté en France dans les Alpilles le 1er janvier 1942 comme « représentant du général de Gaulle », il a pour mission d’unifier les trois grands réseaux de résistants de la zone sud (Combat, Libération, Franc-Tireur). Rôle difficile, vue l’extrême diversité des sensibilités, tendances et courants ! Il obtient pourtant le ralliement des communistes, particulièrement précieux par leur discipline et leur expérience de la clandestinité.
Il crée le Conseil national de la Résistance (CNR) à Paris, le 27 mai 1943. Mais il est livré aux Allemands le 21 juin à Caluire (département du Rhône).
Toutes les citations qui suivent
sont commentées dans nos Chroniques.
« La mort ? Dès le début de la guerre, comme des milliers de Français, je l’ai acceptée. Depuis, je l’ai vue de près bien des fois, elle ne me fait pas peur. »2785
Jean MOULIN, Vies et morts de Jean Moulin (1998), Pierre Péan
Emprisonné au fort de Montluc (à Lyon), interrogé, il meurt quelques jours après des suites de tortures, dans le train qui l’emmène en Allemagne. Pierre Brossolette qui agit dans la zone nord, lui aussi arrêté, se suicidera pour ne pas livrer de secrets sous la torture.
« Bafoué, sauvagement frappé, la tête en sang, les organes éclatés, il atteint les limites de la souffrance humaine, sans jamais trahir un seul secret, lui qui les savait tous. »2796
Laure MOULIN, sœur et collaboratrice de Jean Moulin, témoignage. Antimémoires : Le Miroir des limbes, volume I (1976), André Malraux
Son corps fut renvoyé à Paris en juillet 1943, incinéré au Père-Lachaise. Ses cendres (supposées telles) seront transférées au Panthéon : acte final des célébrations du 20e anniversaire de la Libération.
« Pauvre roi supplicié des ombres, regarde ton peuple d’ombres se lever dans la nuit de juin constellée de tortures. »2797
André MALRAUX, Discours au Panthéon, lors du transfert des cendres de Jean Moulin, 19 décembre 1964
Cette « panthéonisation » très médiatique et lyrique est la reconnaissance suprême de la patrie à ses héros. Coordinateur des réseaux de Résistance en métropole, Jean Moulin en fut à la fois le chef, le martyr et le symbole. C’est dire le sens très fort pris par cette vie et cette mort.
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