Après cette histoire chaotique et meurtrière, on rêve d’une autre Europe. Mais laquelle ? Les mots, les idées, les citations abondent. La seconde moitié du XXe siècle invente la construction européenne, du simple Marché commun (à 6) à l’Union (à 28).
La réalité déçoit les peuples et les politiques, la crise est économique, sociale, institutionnelle, voire sociétale et civilisationnelle. Mais cette Europe est quand même en paix. Alors…
« Les États-Unis d’Europe se feront dans la douleur, et les États-Unis du monde ne sont pas encore là. »2874
(1901-1976), Appel aux intellectuels, 5 mars 1948 à la salle Pleyel
André Malraux (1952), Pierre de Boisdeffre.
Les rêves du XIXe siècle, ceux de Michelet, Hugo, Jaurès et autres apôtres des « États-Unis du monde », sont révolus selon Malraux : « Pour le meilleur comme pour le pire, nous sommes liés à la patrie. » Il défend la notion d’héritage culturel, au nom de quoi la France doit retrouver son rôle en Europe. C’est aussi de Gaulle qui parle par sa voix.
« Oui, c’est l’Europe depuis l’Atlantique jusqu’à l’Oural, c’est l’Europe, toutes ces vieilles terres où naquit, où fleurit la civilisation moderne, c’est toute l’Europe qui décidera du destin du monde. »2987
Charles de GAULLE (1890-1970), Discours de Strasbourg, 23 novembre 1959
Discours prophétique. Mais de quelle Europe s’agit-il ? Un an plus tôt, de Gaulle écrit à Paul Reynaud : « On peut voir l’Europe et peut-être la faire de deux façons : l’intégration par le supranational, ou la coopération des États et des nations. C’est à la deuxième que j’adhère. » Il précise, en conférence de presse, 1962 : « Il ne peut pas y avoir d’autre Europe que celle des États… Dante, Goethe, Chateaubriand appartiennent à toute l’Europe dans la mesure même où ils étaient respectivement et éminemment Italien, Allemand et Français. Ils n’auraient pas beaucoup servi l’Europe s’ils avaient été des apatrides et s’ils avaient pensé, écrit en quelque esperanto ou volapük intégré ».
L’Europe a vécu la réunification de l’Allemagne et la réconciliation des deux pays jadis ennemis. La guerre froide et le communisme appartiennent au passé. La maison commune « de l’Atlantique à l’Oural » ne relève plus de l’utopie.
« La France est notre patrie, l’Europe est notre avenir. »3279
François MITTERRAND (1916-1996), campagne pour les élections européennes de juin 1989
Prononcés en janvier 1989, ces mots seront souvent repris, pour devenir citation. Dix ans plus tôt, Fernand Braudel l’a fort bien écrit : « La seule solution d’une certaine grandeur française, c’est de faire l’Europe. » Le Temps du monde (1979).
Pour en sourire, citons Chirac : « L’Europe, ça m’en touche une, sans faire bouger l’autre. » Une expression qui, en privé, lui est familière. Appliqué à l’Europe, cela témoigne d’un engagement européen tardif.
« Ce qui s’est fait sous le nom d’Union européenne ne ressemble à rien de connu jusqu’ici. Sans cohésion politique ni identité commune, c’est essentiellement un espace de paix régi par le droit. Il faut rappeler inlassablement que la paix n’est ni fatale ni même naturelle en Europe. Ce “machin” à 25 nations qui rend toute guerre impossible entre elles est historiquement déjà miraculeux. »2968
Michel Rocard (1930-2016), point de vue sur l’Europe, paru dans Le Monde du 28 novembre 2003
(Le « machin » fait allusion à l’expression du général de Gaulle pour qualifier l’ONU, et non l’Europe)
Rocard le socialiste est un européen convaincu et toujours militant pour dire notre « besoin d’Europe », avec des arguments comparables à ceux du centriste François Bayrou : « Sans Europe, sans union politique et sans démocratie, la marche du monde devient une fatalité sur laquelle les peuples de notre continent auront perdu le pouvoir de peser. Chaque fois qu’il s’agit de peser sur l’avenir du monde, on retrouve « le besoin d’Europe ». » Discours de Strasbourg, 6 mars 2012.
Bien au-delà de l’intérêt économique, qu’on peut éternellement discuter, surtout dans la situation de crise récurrente depuis 2008, l’argument de la paix demeure indiscutable et doit être sans cesse mis en avant, pour les nouvelles générations qui n’ont pas connu la guerre. Le prix Nobel de la paix attribué à cette Union européenne le 12 octobre 2012 viendra consacrer cette évidence.
« Dans la tourmente, l’Europe reçoit le prix Nobel de la paix. »3494
Le Monde, dépêche AFP, 10 décembre 2012
« On comprend qu’elle [l’Union européenne] n’ait pas reçu le prix Nobel d’économie, tant sa politique aggrave la crise et le chômage. » Jean-Luc Mélenchon, coprésident du Parti de gauche et eurodéputé.
Quoiqu’on dise et quoiqu’on pense en France et bien au-delà, l’Europe, quelle qu’en soit la forme et le destin, est l’un des enjeux économiques et géopolitiques du XXIe siècle… Et l’Angleterre aura toujours un pied dedans, un pied dehors.
Notre série de citations sur l’Europe :
- Angilbert : « Charles […] sommet de l’Europe […] est en train de tracer les murs de la Rome nouvelle. »
- Tocqueville : « [La France] la plus brillante et la plus dangereuse des nations de l’Europe… »
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