Mitterrand Président. Aussi intelligent que Giscard qui l’est assurément, mais plus blessant, l’humour mitterrandien devient une arme redoutable contre l’adversaire.
Deux répliques d’anthologie, bien trouvées, bien placées, l’aident à gagner ses présidentielles contre Giscard en 1981, contre Chirac en 1988, dans le fameux débat télé de l’entre-deux-tours.
« Vous avez tendance à reprendre le refrain d’il y a sept ans, « l’homme du passé ». C’est quand même ennuyeux que dans l’intervalle, vous soyez devenu l’homme du passif. »3204
(1916-1996), débat télévisé de l’entre-deux-tours, 5 mai 1981
Il déstabilise l’adversaire avec cet argument, aussi évidemment que Giscard l’avait déstabilisé, en lui déniant le « monopole du cœur » sept ans avant. C’est de bonne guerre politicienne.
Mitterrand, profession avocat avant d’avoir la vocation politique, se régale au jeu du chat et de la souris, usant de l’effet boomerang face à l’adversaire : « Vous ne voulez pas parler du passé, je comprends bien, naturellement et vous avez tendance à reprendre le refrain d’il y a sept ans « l’homme du passé ». C’est quand même ennuyeux que dans l’intervalle vous soyez devenu l’homme du passif. Cela gêne un peu votre démonstration d’aujourd’hui. Vous m’avez reproché d’avoir exercé un ministère de la parole, mais j’étais dans l’opposition et j’ai rempli mon rôle démocratiquement. Et ce n’est pas rien l’opposition dans une République. J’ajoute que j’ai utilisé ce temps pour faire avec d’autres un grand parti qui est devenu menaçant pour la majorité presque ancienne que vous représentez aujourd’hui. Si je pouvais faire demain pour la France, à la mesure de la France, ce que j’ai fait pour le socialisme, ce ne serait pas perdu. »
Le débat fut courtois, le résultat reste indécis, la presse est majoritairement favorable à Mitterrand, servi par l’impopularité du couple Giscard-Barre usé par le pouvoir. Et l’alternance est l’oxygène de la démocratie.
Toutes les citations qui suivent
sont commentées dans nos Chroniques.
« Ce soir, je ne suis pas le Premier ministre et vous n’êtes pas le président de la République, nous sommes deux candidats […] Vous me permettrez donc de vous appeler Monsieur Mitterrand.
— Mais vous avez tout à fait raison, Monsieur le Premier ministre. »3275Jacques CHIRAC et François MITTERRAND, débat télévisé de l’entre-deux-tours, 28 avril 1988
Mitterrand a changé d’adversaire. Il s’oppose cette fois-ci à Chirac, Premier ministre sortant et usé par cette épreuve. Situation originale qui aboutit au passage le plus marquant de leur duel. Mitterrand est réélu le 8 mai, avec 54 % des suffrages exprimés au second tour. Dure défaite pour Chirac, mais un homme politique n’est jamais mort.
« L’inflation, impôt pour les pauvres, prime pour les riches, est l’oxygène du système. Regardez-le qui s’époumone. »3235
François MITTERRAND, L’Abeille et l’Architecte (1978)
Arrivé au pouvoir, il en fait les frais. Après la folle générosité des lois sociales au début de son (premier) septennat, le franc est attaqué, malgré deux dévaluations (3 % en octobre 1981, 5,75 % en juin 1982). C’est l’échec du Programme commun, vaincu par la force des choses économiques. Fuite des capitaux, nouvelle dévaluation inéluctable et tous les indicateurs financiers au rouge (déficit du budget, de la balance commerciale, de la balance des paiements).
« Si ça vous amuse… »3293
François MITTERRAND, accueillant avec un mépris agacé les propositions du Premier ministre, jusqu’au jour où il lui demande sa démission, 15 mai 1991. C’est aussi le titre des Mémoires de Michel Rocard
Vingt ans après, Rocard s’amuse du cynisme dont il fut victime ! Ces relations conflictuelles ont gêné son action de Premier ministre. Il incarne la « deuxième gauche, décentralisatrice, régionaliste, héritière de la tradition autogestionnaire, qui prend en compte les démarches participatives des citoyens » (Rocard en 1977, au congrès du PS). Un rendez-vous raté avec l’histoire, pour la gauche et le socialisme, pour Rocard et pour la France.
Vous avez aimé ces citations commentées ?
Vous allez adorer notre Histoire en citations, de la Gaule à nos jours, en numérique ou en papier.