Slogan de 1981 : « Faire payer les riches. » | L’Histoire en citations
Chronique du jour

 

Les années Pompidou, Giscard d’Estaing et Mitterrand

Les nationalisations et l’abolition de la peine de mort

Après dissolution de l’Assemblée, les législatives des 14 et 21 juin 1981 consolident largement la victoire de la gauche : 285 députés socialistes, et 44 communistes. Face a 88 RPR et 62 UDF (et 12 non-inscrits). La majorité peut alors mettre en œuvre son programme, avec des mesures emblématiques : les nationalisations, l’impôt sur les grandes fortunes et l’abolition de la peine de mort.

Les commentaires sont allégés, les coupes signalées (…) Retrouvez l’intégralité dans nos Chroniques de l’Histoire en citations.

Faire payer les riches.3214

Slogan de la nouvelle majorité, été 1981

Un pays comme le nôtre : textes politiques, 1986-1989 (1989), Michel Rocard.

(…) Le gouvernement Mauroy inclut quatre ministres communistes qui resteront avec lui jusqu’en juillet 1984.

Et la majorité, profitant d’un véritable « état de grâce », se lance dans une frénésie de réformes, certaines structurelles : nationalisations, décentralisation. Des mesures immédiates sont prises pour améliorer le sort des défavorisés : relèvement de 25 % des allocations familiales, majoration de 20 % du minimum vieillesse, relèvement du SMIC, mais aussi création d’un impôt sur les grandes fortunes.

« Le gouvernement va trop vite. Il donne l’impression de vouloir résoudre tous les problèmes en même temps. Je ne comprends pas cette précipitation, puisqu’il dispose de cinq ans au moins. »3215

André BERGERON (1922-2014), Le Monde, 10 septembre 1981

(…) Beaucoup d’observateurs politiques s’inquiètent, et Raymond Barre, devenu député du Rhône, donne de la voix et va beaucoup gagner en popularité : « En quatre mois, les décisions annoncées ou mises en œuvre menacent l’avenir et le sort des Français. La précipitation dont fait preuve le nouveau pouvoir est un aveu de faiblesse plus qu’une manifestation de confiance en soi […] »

« Le débat qui va enfin s’instaurer sur l’impôt sur les grandes fortunes permettra de tracer à peu près à coup sûr la ligne de partage entre les partisans de l’équité et les défenseurs des possédants. »3216

Laurent FABIUS (né en 1946), ministre du Budget, Assemblée nationale, 27 octobre 1981

A 35 ans, le brillant énarque reprend cette lutte menée en d’autres temps par Joseph Caillaux, Jean Jaures et Léon Blum : « Est-il acceptable que 5 % des Français détiennent à eux seuls près de 40 % du patrimoine de notre pays, alors que les 50 % des moins riches de nos concitoyens n’en possèdent que quelques pour cent ? » (…)

« La peine de mort est contraire à ce que l’humanité depuis deux mille ans a pensé de plus haut et rêvé de plus noble. Elle est contraire à la fois à l’esprit du christianisme et à l’esprit de la Révolution. »3217

Robert BADINTER (né en 1928), garde des Sceaux, citant mot pour mot Jean JAURÈS (1859-1914), et plaidant pour l’abolition, Assemblée nationale, 17 septembre 1981

(…) Allant à l’encontre de l’opinion publique, l’abolition est la 17e des « 110 propositions pour la France » du candidat Mitterrand, et Badinter, l’avocat des grandes causes (…)

L’Assemblée vote massivement l’abolition le 18 septembre : 363 pour, 127 contre, certains députés de l’opposition se joignant à la majorité. Au Sénat : 160 pour, 126 contre. Le 9 octobre 1981, la peine de mort est abolie par la loi (…)

« La logique de ces nationalisations n’est pas nationale : elle est partisane et totalitaire. »3218

Raymond BARRE (1924-2007), Journal Rhône-Alpes, 23 septembre 1981

Les nationalisations font partie des « 110 propositions pour la France » et l’élan sera donné le 26 septembre, par une conférence de presse du président Mitterrand : « Les nationalisations sont pour nous une arme de défense de la production française. Cela correspond à une certaine vue de la société moderne et cela correspond aussi à un souci d’efficacité. » (…)

« Vous avez juridiquement tort, parce que vous êtes politiquement minoritaire. »3219

André LAIGNEL (né en 1942), à Jean Foyer, Assemblée nationale, 13 octobre 1981. Crises et alternances, 1974-2000 (2002), Jean Jacques Becker, Pascal Ory

(…) Il faut replacer cette phrase dans son contexte. Le débat fait rage entre la majorité et l’opposition. Cette dernière soutient que les nationalisations sont inconstitutionnelles et Foyer défend l’exception d’irrecevabilité.

D’où la réplique de Laignel : « Les nationalisations sont-elles conformes aà l’article 17 de la Déclaration des droits de l’homme ? M. Foyer répond par la négative. C’est sa responsabilité. Mais, à ce moment précis, son raisonnement bascule du juridique au politique. De ce fait, il a juridiquement tort, car il est politiquement minoritaire. » (…)

« Ça va se terminer mal, par un coup de poing sur la gueule. C’est comme ça qu’on traite ce genre d’affaire dans les cours de récréation. »3220

Jacques TOUBON (né en 1941), Assemblée nationale, octobre 1981. Manager en toutes lettres (2011), François Aelion

Les nationalisations sont toujours en cause. Toubon, fidèle chiraquien, député de droite et licencié en droit, ne peut que regretter la manière dont le débat dégénère en foire d’empoigne (…)

La loi définitive sur les nationalisations sera promulguée le 13 février 1982. Mais le feuilleton sera bientôt relancé, avec des privatisations imposées par la raison économique.

« Il ne faut pas non plus se contenter de dire de façon évasive, comme Robespierre à la Convention, le 8 thermidor 1794 : des têtes vont tomber ; il faut dire lesquelles et le dire rapidement, c’est ce que nous attendons du gouvernement. »3221

Paul QUILÈS (né en 1942), Congrès du PS à Valence, 23-25 octobre 1981

Le député de Paris a précisé juste avant : « Je pense a certains directeurs, à certains préfets, à certains dirigeants d’entreprise, à certains fonctionnaires. » Le Congres applaudit. Quiles donne le ton, après la victoire de mai-juin. « Il faut que le gouvernement frappe vite et fort », déclare le président de l’Assemblée nationale, Mermaz (…)

« On a fait dire à Paul Quilès le contraire de ce qu’il avait dit, puisque ses propos visaient précisément à empêcher toute chasse aux sorcières. »3222

Michel ROCARD (1930-2016), tenant à rétablir la vérité sur une citation devenue fâcheusement célèbre, dans la revue Histoire (1993)

(…) Quiles voulait montrer qu’en politique il faut nommer ses adversaires, sous peine de coaliser contre soi tous ceux qui, à tort ou à raison, peuvent se sentir visés. Subtil, mais juste (…)

« Je ne conclurai pas que Dieu est socialiste, mais que le socialisme tel que nous pouvons le créer, l’inventer en France, est une formule dont d’autres peuples peuvent à leur manière un jour s’inspirer. »3223

Louis MERMAZ (né en 1931), Club de la presse d’Europe I, 25 octobre 1981

(…) Mitterrand a dit dans le même esprit, au cours d’une conférence de presse, le 24 septembre 1981 : « Notre politique va à contre-courant d’une politique répandue dans le monde occidental. Nos voisins finiront par regarder de notre côté en se disant : après tout, puisque toutes nos issues sont bouchées, celles qu’ouvrent la France ne sont peut-être pas si mauvaises. » (…)

« Si nous réussissons, il n’y aura pas de retour au passé, certaines forces d’opposition auront été détruites. »3224

Louis MERMAZ (né en 1931), Club de la presse d’Europe I, 25 octobre 1981

Autre idée chère aux socialistes parvenus au pouvoir, l’irréversibilité du socialisme. A la fin de cette décennie, les événements qui vont bouleverser toute l’Europe de l’Est (communiste) prouvent que le sens de l’Histoire n’est pas un sens unique, comme on l’a cru trop longtemps (…)

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