Chevènement : « Un ministre, ça ferme sa gueule. » | L’Histoire en citations
Chevènement Un ministre, ça ferme sa gueule
Citation du jour

« Un ministre, ça ferme sa gueule. Si ça veut l’ouvrir, ça démissionne. »3234

Jean-Pierre CHEVÈNEMENT (né en 1939), ministre de la Recherche et de l’Industrie, qui démissionne le 22 mars 1983

Dans le genre ministre démissionnaire, on aura beaucoup parlé de Mme Taubira, garde des Sceaux jusqu’au 27 janvier : pas du genre qui « ferme sa gueule », elle ! Mais « le Che » demeure un classique du genre, en trois actes, trois démissions ! Record de France inégalé.  

Acte I. En février 1983, Mitterrand président a dénoncé en Conseil des ministres la « bureaucratie tatillonne » de son ministère. Dirigeant du CERES (Centre d’études, de recherches et d’éducation socialiste), Chevènement incarne l’aile gauche du PS. Minoritaire, face au changement de politique du gouvernement Mauroy, il dénonce la « parenthèse libérale » qui s’annonce et renonce à son poste, pour retrouver sa liberté de parole.

Acte II. Ministre de la Défense du gouvernement Rocard, Chevènement démissionne le 29 janvier 1991, remplacé par Pierre Joxe. Cette démission vaut ici protestation contre l’engagement de l’armée française dans la guerre en Irak, donc en plein feu de l’action.

Acte III. Ministre de l’Intérieur, il démissionne le 9 août 2000, à propos de la « guerre » en Corse et de la violence des nationalistes que le gouvernement de Lionel Jospin renonce à désarmer.

Trois démissions, c’est beaucoup, pour un seul homme. Mais l’histoire offre bien d’autres références.

« Je renonce aussi absolument aux charges ecclésiastiques qu’aux civiles, je ne veux pas seulement changer d’ambition, mais n’en avoir plus du tout. »723

Antoine LE MAÎTRE (1608-1658), Lettre de démission adressée au chancelier (1637)

Histoire de Port-Royal (1840), Charles-Augustin Sainte-Beuve

Fond et forme, on est à cent lieues de Chevènement. Autre siècle, autre régime, autres mœurs, autre cas.

La lettre de démission est prise par Richelieu comme un défi personnel. Le cardinal concilie non sans mal ses devoirs religieux et politiques, son Traité de la perfection du chrétien rappelant que la vie de méditation et de prière n’est faite que pour un petit nombre d’élus.

Cette lettre historique s’inscrit dans le courant du jansénisme : l’intransigeance de la nouvelle religion peut faire des ravages dans les classes de la société où l’État et l’Église recrutent leurs meilleurs serviteurs. Exemple, ce Le Maître, avocat de 30 ans, qui finira sa vie parmi les solitaires de Port-Royal.

Richelieu réagit violemment : 14 mars 1638, arrestation de l’abbé de Saint-Cyran, maître à penser du jansénisme. Le cardinal en fait un martyr et l’Église de France se déchire. Le jansénisme devient une « Église dans l’Église » et une nouvelle guerre de Religion aux épisodes dramatiques se prépare, sous le règne du prochain roi, Louis XIV.

« Je rentre avec joie dans les rangs de simple citoyen. »1678

Paul BARRAS (1755-1829), Lettre de démission, 18 brumaire an VIII (9 novembre 1799). Mémoires de Barras, membre du Directoire (posthume, 1896)

En terme d’aujourd’hui, c’est de la pure « langue de bois »

La France vit  la fin du Directoire, régime de transition entre la Révolution et le Consulat, bientôt l’Empire. Bonaparte obligea sans nul doute ce puissant Directeur à écrire ces mots : « Quel que soit le poste où l’appelle désormais l’intérêt public, les périls de la liberté sont surmontés et les intérêts des armées sont garantis. Je rentre avec joie… » Non sans raison, le futur empereur se méfie du personnage, « le roi des pourris » - conventionnel régicide, débauché sans scrupule.

Ce 18 brumaire, trois Directeurs ont donc déjà démissionné – Sieyès et Ducos, spontanément, et Barras contraint. Les deux autres, suspects de sympathies jacobines, sont destitués et arrêtés. Il n’y a plus d’exécutif. Reste le pouvoir législatif, avec deux Assemblées qui vont être littéralement bousculées. C’est le fameux coup d’État du 18 Brumaire, qui va donner tout pouvoir à Napoléon Bonaparte, Premier Consul.

Cinquième République

 

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