Dernier jour de notre série de citations sur la réforme. De gauche à droite, on réforme la France ou du moins, on affiche cette volonté politique. Mais certaines réformes passent mal. Les ministres de l’Éducation le savent.
« Si l’on veut effectivement changer en profondeur la société, il faut savoir, selon la belle expression de François Mitterrand, « donner du temps au temps ». « Savoir au juste la quantité d’avenir qu’on peut introduire dans le présent, c’est là tout le secret d’un grand gouvernement », écrivait voici un siècle Victor Hugo. »3288
(1930-2016), Premier ministre, Discours à la Convention nationale des clubs « Forum et convaincre », 27 janvier 1990
Nouvel exemple de citation (doublement) référentielle.
Dans un discours dont le fond et la forme tranchent sur les discours politiques souvent limités à la « petite phrase », Rocard cite deux autorités morales. Hugo fut un authentique visionnaire, militant inlassablement pour l’abolition de la peine de mort, pour les États-Unis d’Europe et pour l’entente franco-allemande, à une époque où cela semblait totalement utopique. Quant à Mitterrand, son rapport au temps est aussi surprenant que sa patience et son acharnement pour arriver au pouvoir suprême qui semblait toujours lui échapper : exemple d’une carrière politique parfaitement accomplie.
Tel n’est pas le cas de Rocard qui rate tous ses rendez-vous avec l’Histoire. Il incarnait la « deuxième gauche, décentralisatrice, régionaliste, héritière de la tradition autogestionnaire, qui prend en compte les démarches participatives des citoyens, en opposition à une première gauche, jacobine, centralisatrice et étatique » (1977, au congrès de Nantes du Parti socialiste). Malgré sa popularité et toutes ses évidentes qualités, les jeux politiciens l’empêcheront de se présenter aux présidentielles et d’exister comme Premier Ministre de Mitterrand. Son plus cher ennemi feignait de ne jamais prendre au sérieux ses initiatives et ses projets : « Si ça vous amuse », souvenirs publiés vingt ans après en 2010, ironiquement sous-titrés « Chronique de mes faits et méfaits ».
Toutes les citations qui suivent
sont commentées dans nos Chroniques.
Devaquet au piquet.
Touche pas à ma fac.
Touche pas à mon bac.3269Slogans des manifestations, fin novembre et début décembre 1986
La loi Devaquet devait réformer l’Université. Les intentions du ministre (autonomie, sélection, orientation) sont mal comprises. Étudiants et lycéens se mobilisent, le mouvement se répand et s’organise incroyablement vite et bien. Le gouvernement tergiverse. Les affrontements avec les CRS se durcissent, jusqu’à la mort d’un étudiant, Malik Oussekine. Projet retiré le 8 décembre.
« Il faut dégraisser le mammouth. »3344
Claude ALLÈGRE, ministre de l’Éducation nationale, 24 juin 1997
Il prévoit une réforme des lycées pour « l’égalité dans la diversité » des filières, mais son langage choque le milieu enseignant. L’image fait mouche, le mammouth devient l’emblème de la contestation. Le ministre revient sur sa petite phrase et va ajouter 70 000 emplois au million existant. Mais Lionel Jospin doit sacrifier Allègre et rappeler Jack Lang à l’Éducation nationale, en 2000.
« D’aussi loin que je me souvienne, j’ai toujours voulu agir. Transformer le quotidien, rendre l’impossible envisageable. »3326
Nicolas SARKOZY, Témoignage (2006)
Autoportrait, un an avant l’élection… autant dire avant-propos de campagne et profession de foi - pourquoi ne serait-elle pas sincère ? Au passage, notons la parenté avec Mai 68 qu’il n’aime guère : « Soyez réaliste, demandez l’impossible ». Avocat, maire de Neuilly à 28 ans, plusieurs fois ministre et président de l’UMP, élu à 52 ans, il réalise l’ambition de sa vie. Avalanche de réformes annoncées par cet hyperprésident, volontariste et présent sur tous les fronts.
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