Jacques Chirac. De tous les présidents, celui qui a aujourd’hui la meilleure cote de popularité.
Portrait facile, l’homme n’est pas avare de ses mots et ne pratique pas la langue de bois. Mais ce personnage sympa, bien français et plus vrai que nature, est plus complexe que l’image qu’il affiche et moins bon enfant qu’il n’y paraît. Quant à ses idées politiques, l’histoire en jugera, mais l’idéologie n’est pas son fort.
« Les feux rouges, je les ai grillés toute ma vie, tu crois peut-être qu’on en arrive là en auto-stop ? »3316
(1932-2019), Dans la peau de Jacques Chirac (2006), Karl Zéro et Michel Royer
Le film retrace sa carrière, depuis son entrée au gouvernement Pompidou, sous de Gaulle, en 1967. Ce « documarrant », faux documentaire et autobiographie non autorisée, a remporté le César du meilleur documentaire, gage d’un certain sérieux. Et à travers l’humour chiraquien, quelques vérités passent.
« Comme on dit en Corrèze, qui s’est frotté à l’ail ne peut sentir la giroflée. » Fatalement, il y a les mauvaises rencontres, et les « affaires » accumulées – cité dans neuf affaires judiciaires, il sera protégé par son immunité présidentielle. Alain Juppé (« le meilleur d’entre nous », dit-il) paiera pour cette République qui n’est pas « irréprochable ». Charles Pasqua (conseiller, ministre de l’Intérieur), impliqué dans neuf affaires politico-financières, sera condamné trois fois… Ces écarts de conduite sont l’une des zones d’ombre de la chiraquie.
Le film de Karl Zéro se présente comme « un hommage à notre plus grand acteur français ». À travers quarante années d’archives audiovisuelles retraçant la « geste chiraquienne », le président témoigne de cette quête éperdue du pouvoir. Avec ce personnage ambitieux et roublard, coléreux et comique, la réalité dépasse la fiction et le dialogue offre des citations à foison, avec un sens de l’image qui fait mouche et tranche sur les envolées lyriques ou les discours intellectuels.
Déjà comme maire de Paris, Chirac se confiait à L’Auto-Journal : « J’apprécie plus le pain, le pâté, le saucisson, que les limitations de vitesse. » 1er Août 1977. Le futur président témoignera dans le même esprit à la veille de l’élection tant attendue.
Toutes les citations qui suivent
sont commentées dans nos Chroniques.
« Bien sûr que je suis de gauche ! Je mange de la choucroute et je bois de la bière. »3312
CHIRAC, Libération, 17 février 1995
L’homme dévore la vie et pas que… Son biographe, Franz-Olivier Giesbert, donne à voir un « ogre » tout terrain. Malin comme tout bon politicien, Chirac en rajoute et se plaît dans l’autoportrait popu qui tient lieu d’image à défaut de pensée.
« Un chef, c’est fait pour cheffer. »3317
CHIRAC, Le Figaro Magazine, 20 juin 1992
L’autorité est une vertu première, il le fera savoir, face à Sarkozy, ministre : « Je décide et il exécute. » Bernadette confirme : « Sa femme doit l’accompagner, le suivre, et ne pas prendre position à tout bout de champ. »
« Il ne faut pas blesser une bête : on la caresse ou on la tue. »3309
CHIRAC, Mémoires, tome I, Chaque pas doit être un but (2009)
Il a lui-même tué : Chaban-Delmas, Giscard, Barre, Balladur… « Le monde politique est une jungle. » Il saura blesser Sarkozy qui prend leçon et lui emprunte ses mots : « Dans une campagne, il faut aller chercher les électeurs avec les dents. »
« Les promesses n’engagent que ceux qui les reçoivent. »3273
CHIRAC, Le Monde, 22 février 1988. Formule empruntée au « petit père Queuille », 21 fois ministre sous la Troisième et la Quatrième Républiques
Ce cynisme décrédibilise la politique et permet de dire n’importe quoi : « En 1994 [on pourra] se baigner de nouveau dans la Seine. Et je serai le premier à le faire. » Le Nouvel Observateur, lors du lâcher de 5 000 brochets dans la Seine, 1988.
« L’Europe, ça m’en touche une, sans faire bouger l’autre. »3298
CHIRAC, Dans la peau de Jacques Chirac (2006), Karl Zéro et Michel Royer
Humour chiraquien, expression qui lui est familière en privé. Appliqué à l’Europe, ça témoigne d’un engagement européen tardif. Peu de vraies convictions et une forme popu, qui fera école avec Sarko, l’enfant terrible de la chiraquie.
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