Idée force, idée fixe dans ce parcours politique d’un demi-siècle : la France doit vivre en République. C’est aujourd’hui, une évidence. Mais sous la Restauration, le pays est monarchiste, modéré ou conservateur, les Français sont majoritairement paysans ou bourgeois, le socialisme n’est encore qu’une utopie, avant de faire peur… Thiers ne sera jamais républicain comme Hugo (qui le deviendra passionnément), mais comme le futur Gambetta, et c’est déjà beaucoup !
« Faisons donc la République, la République honnête, sage, conservatrice. »2060
(1797-1877), Manifeste de M. Thiers
Portraits historiques (1883), H. Draussin.
Louis Adolphe Thiers entre en politique. C’est un jeune avocat qui a fréquenté les milieux libéraux et collaboré au Constitutionnel. En janvier 1830, il crée un autre journal d’opposition (nuance orléaniste), Le National. Il défend une monarchie constitutionnelle de type anglais, si chère aux philosophes des Lumières : « Le roi n’administre pas, ne gouverne pas, il règne. » Grâce à quoi l’Angleterre a fait l’économie d’une révolution sanglante. Il s’oppose aux Doctrinaires pour qui « le trône n’est pas un fauteuil vide ». Ces débats politiques agitent l’opinion, jusqu’à la brève Révolution de 1830 et ses Trois Glorieuses (journées des 27, 28, 29 juillet). Fin du règne des Bourbons !
Très peu de morts. Mais la république est volée aux républicains par les orléanistes. La Charte revue et corrigée, approuvée le 7 août 1830 par une majorité de députés, reconnaît la liberté de la presse, l’abolition de la censure, l’initiative des lois à la Chambre, la suppression des justices d’exception, tandis que le catholicisme n’est plus religion d’État. On se retrouve quand même en monarchie.
Le 9 août, le duc d’Orléans prête serment sur la Charte et devient Louis-Philippe Ier, roi des Français (et non plus roi de France). Thiers va cautionner cette monarchie constitutionnelle, tout comme le très républicain La Fayette qui s’y est rallié. Ministre de Louis-Philippe à plusieurs reprises, Thiers tentera de sauver le régime en 1848.
« La République est le gouvernement qui nous divise le moins. »2201
Adolphe THIERS (1797-1877), Assemblée législative, 13 février 1850. Le parti de l’Ordre est au pouvoir et cette majorité satisfait ou rassure, sous cette Deuxième République qui a vécu des émeutes sanglantes, en 1848.
« Des amis de la vraie liberté, je dirai les vrais républicains, redoutent la multitude, la vile multitude qui a perdu toutes les républiques. »2205
Adolphe THIERS (1797-1877), Assemblée législative, 24 mai 1850. Il s’oppose ici à Hugo qui défend le suffrage universel (masculin). Lequel fait peur aux bourgeois et ne séduit guère les « intellectuels » - le peuple n‘est pas suffisamment éduqué pour donner des citoyens éclairés. Le suffrage universel et la manipulation de l’opinion vont d’ailleurs donner le pouvoir au futur Napoléon III.
« La République existe, elle est le gouvernement légal du pays, vouloir autre chose serait une nouvelle révolution et la plus redoutable de toutes. »2422
Adolphe THIERS (1797-1877), Discours de rentrée parlementaire, 13 novembre 1872. Vingt ans après, la France est (presque) prête à devenir républicaine. Le Président veut défendre « sa » République qui n’est toujours qu’un régime provisoire. Il assure que c’est « le régime qui nous divise le moins » (autre idée « opportuniste ») et met en garde les monarchistes, majoritaires de l’Assemblée.
« La République sera conservatrice ou elle ne sera pas. »2423
Adolphe THIERS (1797-1877), Discours de rentrée parlementaire, 13 novembre 1872. Fort de son autorité, Thiers veut rassurer le pays et pour faire la République, jouer l’alliance des républicains modérés et des orléanistes, contre les extrêmes : légitimistes ultras inconditionnels du drapeau blanc et nostalgiques de la Commune révolutionnaire. Le conflit va éclater quelques mois plus tard et il perdra la présidence au profit de Mac-Mahon, monarchiste et beaucoup plus conservateur.
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