Marignan. Victoire majuscule et date mémorable, 1515. Le jeune et fougueux François Ier, Roi Chevalier surnommé aussi le Roi guerrier, joue son destin sur cette journée du 13 septembre. Le récit national est beau comme un roman, avec ce héros rêvé, sa mère régente du royaume et le chevalier « sans peur et sans reproche », entré lui aussi dans la légende sous le nom de Bayard.
Feuilletez notre Chronique sur la Renaissance pour tout savoir.
« Je suis votre roi et votre prince. Je suis délibéré de vivre et mourir avec vous. Voici la fin de notre voyage, car tout sera gagné ou perdu. »438
(1494-1547), à ses troupes, avant la bataille de Marignan, 13 septembre 1515
François Ier, le souverain politique (1937), Louis Madelin.
Avec la fougue de ses 21 ans, le nouveau roi se lance dans la cinquième guerre d’Italie, allié à Venise, pour la reconquête du Milanais pris, puis perdu par Louis XII. Son armée passe les Alpes, forte des meilleurs capitaines, avec 300 canons et 30 000 hommes : chiffres considérables à l’époque. Le voilà parvenu à Marignan, ville de Lombardie (au sud-est de Milan).
1515, date mémorable. Mais, à part les historiens, qui sait vraiment ce qui s’est passé en deux jours et une nuit ?
« Et vous promets, Madame, que si bien accompagnés et si galants qu’ils soient, deux cents hommes d’armes que nous étions en défîmes bien quatre mille Suisses et les repoussâmes rudement, si gentils galants qu’ils soient, leur faisant jeter leurs piques et crier France. »439
FRANÇOIS Ier (1494-1547), Lettre à sa mère Louise de Savoie, au soir du 13 septembre 1515
Son « César triomphant » lui conte par le menu la première partie de la bataille de Marignan. Les Suisses sont les alliés du duc de Milan : redoutables combattants, ils barrent l’accès de l’Italie, en tenant les divers cols. Ces milices paysannes sont redoutées pour leurs charges en masses compactes, au son lugubre des trompes de berger.
À Marignan, dans l’après-midi, ils ont dispersé la cavalerie et vont s’emparer de l’artillerie française, quand François Ier, courageux et bien conseillé, prend le risque de charger. Le combat dure jusqu’au soir, l’épuisement est tel que les combattants qui ne sont pas morts tombent littéralement de sommeil sur place. Le lendemain, appelés en urgence, les alliés vénitiens prennent les Suisses à revers, les obligeant à fuir pour se réfugier à Milan. Victoire totale, mais bataille la plus meurtrière depuis l’Antiquité.
« Sonnez, trompettes et clairons / Pour réjouir les compagnons
Bruyez bombardes et canons / Donnez des horions,
Tous gentils compagnons / Suivez, frappez, tuez. »440Chanson de Marignan, 1515. Histoire de la France : dynasties et révolutions, de 1348 à 1852 (1971), Georges Duby
Le patriotisme précède le mot même de patrie, sous la Renaissance : il inspire d’innombrables hymnes et odes à la France, signés des plus grands poètes du temps (tel Ronsard), mais il éclate aussi dans les chansons qui accompagnent chaque haut fait des armées françaises.
« Bataille de géants », selon témoins et chroniqueurs, Marignan est également un carnage (toujours selon les critères de l’époque) : 14 000 Suisses tués, 2 500 Français et Vénitiens.
« Et tout bien débattu, depuis deux mille ans, n’a point été vue une si fière ni si cruelle bataille […] Au demeurant, Madame, faites bien remercier Dieu par tout le royaume de la victoire qu’il lui a plu nous donner. »441
FRANÇOIS Ier (1494-1547), Lettre à sa mère Louise de Savoie, au soir du 14 septembre 1515
Infatigable épistolier, le « César triomphant » rend compte à sa mère, par ailleurs régente quand il « s’en va-t-en guerre ». Femme de caractère, belle, intelligente, mais avide et intrigante, elle exerça sur son royal et adoré fils une influence politique souvent heureuse, parfois détestable.
Au lendemain de cette victoire française, le traité de Fribourg, dit « de la Paix perpétuelle » (29 novembre 1516), est imposé aux cantons suisses de la Confédération helvétique. Et les Suisses vont devenir les plus sûrs mercenaires du royaume, restant au service des rois de France jusqu’à la Révolution française.
« Bayard, mon ami, je veux aujourd’hui être fait chevalier par vos mains […]
— Sire, celui qui est couronné, loué et oint de l’huile envoyée du Ciel et est le roi du royaume, le premier fils de l’Église, est chevalier sur tous autres chevaliers. »442FRANÇOIS Ier (1494-1547) et BAYARD (vers 1475-1524), au soir de Marignan, le 14 septembre 1515
Dialogue courtois entre le roi et le chevalier. Pierre du Terrail, seigneur de Bayard, s’est distingué à 20 ans en Italie, dans la « furia francese » à Fornoue, puis dans toutes les guerres suivantes, sous Charles VIII et Louis XII. Au « chevalier sans peur et sans reproche » passé dans la légende revient l’insigne honneur d’armer chevalier le roi de France, à sa demande, au soir de la victoire de Marignan. Milan est pris le lendemain. Le rêve italien réussit au nouveau roi de France. Le retentissement de la bataille est immense dans l’opinion, en Italie et dans toute la chrétienté.
Vous avez aimé ces citations commentées ?
Vous allez adorer notre Histoire en citations, de la Gaule à nos jours, en numérique ou en papier.