Naissance de la monarchie absolue (suite) - Règne d’Henri IV - Vie privée toujours mouvementée, jusqu’au drame final.
Le roi, bon père de famille et accumulant les bâtards, divorcé de la reine Margot et mal remarié à la Florentine Marie de Médicis, vit dans une atmosphère de complots perpétuels. Les tyrannicides n’ont pas désarmé. Henri IV échappe à une série d’attentats. Le dernier lui sera fatal. Il meurt, poignardé par Ravaillac (1610) et entre dans la légende qui va faire de lui le plus populaire de tous nos rois de France.
Les commentaires sont allégés, les coupes signalées (…) Retrouvez l’intégralité dans nos Chroniques de l’Histoire en citations.
« Hâtez-vous de me faire ce fils, de sorte que je puisse vous faire une fille. »651
HENRI IV (1553-1610), Lettre à Henriette d’Entragues, marquise de Verneuil, 1601. Henri IV (1933), Georges Slocombe
À la mort brutale de Gabrielle d’Estrées (1599), il se dit inconsolable (…) Trois mois après, il tombe fou de la nouvelle favorite et lui écrit une promesse de mariage fort bien libellée (…) Ce que roi veut… Henriette accouche de ce fils et, deux ans après, d’une fille. Entre-temps, et pour raison d’État, le roi a épousé Marie de Médicis (…)
« Vous faites tout ce que je veux ; c’est le vrai moyen de me gouverner : aussi ne veux-je jamais être gouverné que de vous. »652
HENRI IV (1553-1610), Lettre à Marie de Médicis, 27 janvier 1601. Henri IV écrivain (1855), Eugène Yung
Marie de Médicis, sitôt épousée, lui fait le fils qui devait lui succéder : le dauphin Louis naît à Fontainebleau le 27 septembre 1601. Louis XIII n’héritera pas de la santé du père. Mais la joie du roi et du royaume est grande : on attendait un héritier depuis quarante ans ! (…)
« Je ne trouve ni agréable compagnie, ni réjouissance, ni satisfaction chez ma femme […] faisant une mine si froide et si dédaigneuse lorsqu’arrivant du dehors, je viens pour la baiser, caresser et rire avec elle, que je suis contraint de dépit de la quitter là et de m’en aller chercher quelque récréation ailleurs. »653
HENRI IV (1553-1610), Lettre à Sully. Lettres intimes de Henri IV (1876), Louis Dussieux
Marie de Médicis n’a pas le tempérament de la reine Margot, sa première femme ! Ce mariage florentin fut un sacrifice à la raison d’État – les rois ne se mariaient pas par amour, pour cela, ils avaient les maîtresses. La belle-famille est très riche et très catholique : deux raisons qui auraient dû faire de ce mariage une bonne affaire pour le roi de France. Il n’en est rien (…)
« Adieu, baron de Biron ! »654
HENRI IV (1553-1610), à Biron, le 29 juillet 1602. Henri IV et Richelieu (1857), Jules Michelet
Il vit dans un climat de calomnies, d’intrigues et de complots ourdis par la haute noblesse (…) Amiral, maréchal et pair de France et parmi les favoris les plus comblés d’honneurs, cet ancien compagnon d’armes se laisse entraîner dans une conjuration en vue de renverser le roi (…) Reconnu coupable de trahison, condamné à mort, décapité le 31 juillet 1602 (…)
« La terreur de son nom [le roi] rendra nos villes fortes :
On n’en gardera plus ni les murs ni les portes,
Les veilles cesseront au sommet de nos tours ;
Le fer mieux employé cultivera la terre,
Et le peuple qui tremble aux frayeurs de la guerre,
Si ce n’est pour danser, n’orra plus de tambours. »655François de MALHERBE (1555-1628), Prière pour le roi Henri le Grand allant en Limousin (1605)
Ces stances saluent Henri IV, partant en Limousin pour y présider les Grands Jours (session d’un tribunal extraordinaire). L’agitation nobiliaire continue et il va remettre au pas les vassaux du duc de Bouillon qui arment en secret. Cet hymne à la paix est un poème de commande : Henri IV, charmé, prend et gardera Malherbe comme poète officiel (…)
« Vous ne traiteriez pas ainsi vos bâtards !
— Mes bâtards peuvent être à tout moment corrigés par le Dauphin, s’ils sont méchants, mais qui corrigera le Dauphin si je ne le fais moi-même ? »656HENRI IV (1553-1610), répondant à Marie DE MÉDICIS (1573-1642). Les Rois qui ont fait la France, Henri IV (1981), Georges Bordonove
Scènes fréquentes, entre les deux époux. Marie est jalouse des maîtresses du roi qui est fort généreux et galant avec toutes ces dames, alors qu’il a peu d’égard pour la reine. Elle lui reproche ici de frapper avec sa canne le petit Dauphin (futur Louis XIII). Il est vrai que le bon roi n’hésite pas à jouer les pères Fouettard (…)
« Priez Dieu, Madame, que je vive longtemps, car mon fils vous maltraitera quand je n’y serai plus. »657
HENRI IV (1553-1610), à Marie de Médicis. Les Rois qui ont fait la France, Henri IV (1981), Georges Bordonove
Sait-il que sa femme n’est pas étrangère à certains complots tramés autour de lui ? Cette phrase est en tout cas prémonitoire des relations entre la mère et le fils : une véritable guerre, au terme de laquelle Marie de Médicis perdra son pouvoir, ses amis, sa liberté, pour finir en exil.
« Monsieur l’Ambassadeur, avez-vous des enfants ? »658
HENRI IV (1553-1610). Dictionnaire encyclopédique d’anecdotes modernes, anciennes, françaises et étrangères (1872), Victor Fournel
Le dialogue est banal, c’est l’image qui frappe, souvent reproduite dans les livres d’histoire (…) Le non-formalisme de la cour est typique de ce règne (…) La présence des enfants à la cour est tout aussi remarquable. D’habitude, on les cache, ou on les déguise en petits adultes. Outre ses nombreux bâtards, Henri IV eut six enfants en dix ans de mariage avec Marie de Médicis (…)
« La plus belle mine que je sache, c’est du blé et du vin, avec la nourriture du bétail. »659
Marc LESCARBOT (vers 1580-vers 1630), Histoire de la Nouvelle-France (1609)
Avocat parisien, écrivain et grand voyageur, il s’est rendu en Acadie en 1606, devenant l’un des premiers colons dans cette partie du Canada, à l’est du Québec (…) Au début du XVIIe siècle, la véritable colonisation commence, alors que Sully lance cette idée neuve et fort juste, à savoir que « labourage et pâturage » sont les vraies richesses d’un pays.
« Ôtez tout cela de votre esprit. Dites des chapelets, mangez de bons potages et retournez en votre pays ! »660
Père d’AUBIGNY (fin XVIe-début XVIIe siècle) à Ravaillac, au matin du 14 mai 1610. La Politique des jésuites (1955), Pierre Dominique
(…) Ravaillac, sûr de sa mission, exalté par ses visions, se dit l’homme du destin et va confesser son intention : ne pouvant approcher le roi pour lui parler, il veut le poignarder. Le père n’y croit pas – ou feint de ne pas le croire.
« Je mourrai un de ces jours et, quand vous m’aurez perdu, vous connaîtrez lors ce que je valais et la différence qu’il y a de moi aux autres hommes. »661
HENRI IV (1553-1610), à ses compagnons, au matin du 14 mai 1610. Mémoires (posthume, 1822), Maximilien de Béthune Sully
(…) Le roi est assailli de pressentiments. Il se sait menacé, après douze tentatives en dix ans – dix-huit, selon d’autres calculs et vingt-cinq durant son règne ! Outre la théorie du tyrannicide qui causa la mort d’Henri III, d’autres motifs existent : fiscalité (…) nobles jaloux des honneurs qu’ils n’ont pas (…) conspiration avec l’Espagne, née dans l’entourage de la reine (…)
« Ce n’est rien. »662
HENRI IV (1553-1610), mot de la fin, 14 mai 1610. Histoire du règne de Henri IV (1862), Auguste Poirson
Il vient d’être poignardé par Ravaillac : l’homme a sauté dans le carrosse bloqué par un encombrement (…) alors que le roi se rendait à l’Arsenal, chez Sully son ministre et ami, souffrant (…) Le régicide sera écartelé, après avoir été torturé : il affirma avoir agi seul (…) Sully, dans ses Mémoires, n’y croit pas. Le mystère demeure, une des grandes énigmes de l’histoire.
« Je voudrais n’être point roi et que mon frère le fût plutôt : car j’ai peur qu’on me tue, comme on a fait du roi mon père. »663
LOUIS XIII (1601-1643), le soir du 14 mai 1610. Journal pour le règne de Henri IV et le début du règne de Louis XIII (posthume, 1960), Pierre de L’Estoile
L’enfant qui n’a pas 9 ans restera traumatisé à jamais par ce drame, où sa mère est sans doute compromise
« Votre Majesté m’excusera. Les rois ne meurent point en France. »664
Nicolas Brulart de SILLERY (1544-1624), 14 mai 1610. Le Mercure français (1611), Jean Richier
Ainsi parle le chancelier, devant le petit Louis XIII, cependant que la reine se lamente bien fort sur le corps du roi ramené au Louvre (…) En juriste, Sillery rappelle un très ancien précepte de la monarchie française : « Le Roi de France ne meurt jamais », de sorte que le trône ne soit jamais vacant, d’où l’expression : « Le Roi est mort. Vive le roi ! »
« Il faut que je dise ici que la France, en le perdant, perdit un des plus grands rois qu’elle eût encore eus ; il n’était pas sans défauts, mais en récompense il avait de sublimes vertus. »665
Agrippa d’AUBIGNÉ (1552-1630). Histoire de France au dix-septième siècle, Henri IV et Richelieu (1857), Jules Michelet
Protestant ardent, mais resté fidèle au roi même après l’abjuration et l’édit de Nantes (qui ne le satisfaisait pas), il énonce une grande vérité à la mort d’Henri IV le Grand. L’assassinat frappe la France de stupeur et fait du roi un martyr. Ce drame change aussitôt son image, fait taire toute critique et donne au personnage une immense popularité. La légende fera le reste (…)
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