Consulat
Chronique
21 mars 1804, le pire et le meilleur du Consulat.
Les attentats s’enchaînent contre Bonaparte qui prend ce prétexte pour faire arrêter et exécuter le duc d’Enghien (21 mars 1804) : « Pire qu’un crime, c’est une faute », aux yeux de l’Europe indignée, et de l’histoire. Napoléon ne regrettera jamais cet assassinat.
Le même jour, promulgation du Code civil, dit Code Napoléon, monument juridique en partie hérité des révolutionnaires, qui fera école dans de nombreux pays. Napoléon en sera conscient et légitimement fier.
Les commentaires sont allégés, les coupes signalées (…) Retrouvez l’intégralité dans nos Chroniques de l’Histoire en citations.
« L’air est plein de poignards. »1741
Joseph FOUCHÉ (1759-1820), mi-janvier 1804. Fouché (1903), Louis Madelin
(…) Il apprend la présence de Pichegru à Paris, général traître, déporté par le Directoire, évadé du bagne. Cadoudal est complice, chef chouan charismatique, déjà impliqué dans l’attentat de la rue Saint-Nicaise, fin 1800 (…) Le général Moreau s’est joint au complot, s’estimant mal payé des services rendus au pouvoir (…) Ces hommes ont le projet d’enlever le Premier Consul. Bonaparte informé, la capitale est mise aussitôt en état de siège.
« Je vis dans une défiance continuelle. Chaque jour, on voit éclore de nouveaux complots contre ma vie. Les Bourbons me prennent pour leur unique point de mire ! »1742
Napoléon BONAPARTE (1769-1821), à son frère Joseph. Histoire de la France et des Français (1972), André Castelot, Alain Decaux
Ce n’est pas une paranoïa de dictateur. De son propre aveu, le comte d’Artois (frère du comte de Provence et futur Charles X) entretenait 60 assassins dans Paris. Et c’est lui qui a nommé Cadoudal, réfugié à Londres, lieutenant général des armées du roi, en 1800.
« Les Bourbons croient qu’on peut verser mon sang comme celui des plus vils animaux. Mon sang cependant vaut bien le leur. Je vais leur rendre la terreur qu’ils veulent m’inspirer […] Je ferai impitoyablement fusiller le premier de ces princes qui me tombera sous la main. »1743
Napoléon BONAPARTE (1769-1821), 9 mars 1804. Histoire du Consulat et de l’Empire (1847), Adolphe Thiers
Cadoudal vient d’être arrêté, au terme d’une course-poursuite meurtrière au Quartier latin. Il a parlé d’un prince français complice et de l’avis de tous, c’est le duc d’Enghien, émigré, qui vit près de la frontière, en Allemagne. Le lendemain, le Premier Consul, furieux, donne l’ordre de l’enlever, ce qui sera fait dans la nuit du 15 au 16 mars, par une troupe d’un millier de gendarmes, au mépris du droit des gens (droit international).
« Le gouvernement arrête que le ci-devant duc d’Enghien, prévenu […] de faire partie des complots tramés […] contre la sûreté intérieure et extérieure de la République, sera traduit devant une commission militaire. »1744
Procès-verbal du 20 mars 1804. Mémoires historiques sur la catastrophe du duc d’Enghien (1824), Louis-Antoine Henri de Bourbon
Le prince, qui préparait son mariage et ne comprend rien à ce qui lui arrive, se retrouve enfermé au château de Vincennes. Le soir même, il est jugé, condamné à mort.
« Qu’il est affreux de mourir ainsi de la main des Français ! »1745
Duc d’ENGHIEN (1772-1804), quelques instants avant son exécution, 21 mars 1804. Son mot de la fin. Les Grands Procès de l’histoire (1924), Me Henri-Robert
Bonaparte a maintenant la preuve que le prince de 32 ans, dernier rejeton de la prestigieuse lignée des Condé, n’est pour rien dans le complot Cadoudal (…) De tous les condamnés à mort réellement impliqués, il ne regrettera que Cadoudal (…) Mais l’histoire retient surtout le drame du duc d’Enghien. Bonaparte l’a laissé condamner après un simulacre de jugement, puis fusiller la nuit même dans les fossés de Vincennes. Sans regret ni remords.
« La saignée entre dans les combinaisons de la médecine politique. »1746
NAPOLÉON Ier (1769-1821). Le Bonapartisme (1980), Frédéric Bluche
Empereur, il écrira ces mots, en repensant à l’exécution du duc d’Enghien. Dans son testament à Sainte-Hélène, il revendique la responsabilité de cet acte que la postérité jugera comme un crime.
« C’est pire qu’un crime, c’est une faute. »1747
Antoine Claude Joseph BOULAY de la MEURTHE (1761-1840), apprenant l’exécution du duc d’Enghien, le 21 mars 1804. Mot parfois attribué, mais à tort, à FOUCHÉ (1759-1820) ou à TALLEYRAND (1754-1838) (…)
Conseiller d’État et pourtant fidèle à Bonaparte du début (coup d’État de brumaire) à la fin (Cent-Jours compris), il a ce jugement sévère (…) Cette exécution sommaire indigne l’Europe et toutes les têtes couronnées se ligueront contre l’empereur - là est « la faute ». Le drame émeut la France (…) Mais les royalistes se rallieront majoritairement à Napoléon – et en cela, il a politiquement bien joué.
« Je suis prince sanguin, mon cousin,
On en a preuve sûre,
Prince du sang d’Enghien, mon cousin ;
Oh ! la bonne aventure […]
On n’est pas à la fin, mon cousin,
De sang, je vous l’assure,
J’en prétends prendre un bain, mon cousin. »1748Je suis prince sanguin, chanson (…)
Postérieure à l’exécution du duc d’Enghien, la chanson résonne lugubrement, jouant sur le sang dont le criminel se vante d’être doublement imprégné. Allusion y est faite à une lettre adressée par Napoléon aux évêques de France qu’il appelle individuellement « mon cousin » comme il était de tradition pour le roi, et où il leur demande de faire chanter un Te Deum pour son sacre.
« La femme doit obéissance à son mari. »1749
Code civil (21 mars 1804), article 213
(…) Reflet de la position sociale des femmes et de la misogynie de Napoléon (…) : « Nous autres peuples d’Occident, nous avons tout gâté en traitant les femmes trop bien. Elles ne doivent pas être regardées comme les égales des hommes, et ne sont, en réalité, que des machines à faire des enfants. Il vaut mieux qu’elles travaillent de l’aiguille que de la langue. » Le Code, 2 281 articles réunis en 36 lois, vaut naturellement pour d’autres raisons.
« Tout fait quelconque de l’homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer. »1750
Code civil (21 mars 1804), article 1382
Aux dires de nombreux juristes, cette définition concise et générale de la responsabilité civile est le plus lumineux passage du Code Napoléon. Il est promulgué le jour même de la mort du duc d’Enghien, enlevé et exécuté au mépris de toutes les lois. Impossible de ne pas rapprocher ces deux aspects antinomiques du personnage de Napoléon Bonaparte, et de son règne.
« Ma vraie gloire, ce n’est pas d’avoir gagné quarante batailles ; Waterloo effacera le souvenir de tant de victoires. Ce que rien n’effacera, ce qui vivra éternellement, c’est mon Code civil. »1751
NAPOLÉON Ier (1769-1821). Histoire générale du ive siècle à nos jours, volume IX (1897), Ernest Lavisse, Alfred Rambaud
En exil, l’empereur déchu imagine-t-il l’avenir de ce monument juridique, voulu par lui et mené à terme grâce à la stabilité politique revenue en fin de Consulat ?
« Au-delà du Code civil, mais par le Code civil. »1752
Raymond SALEILLES (1855-1912). « La Méthode du droit civil : analyse des conceptions françaises », André Tunc, Revue internationale de droit comparé, volume XXVII, n° 4 (1975)
Cette formule d’un grand historien du droit comparé dit l’importance du Code Napoléon : fondement du droit civil, et point de départ pour des développements juridiques ultérieurs.
« Ce n’est […] point par une plate flatterie, mais par le plus juste hommage, que le Code civil devait recevoir le nom de « Code Napoléon » sous lequel il a passé à la postérité. »1753
Louis MADELIN (1871-1956), Histoire du Consulat et de l’Empire. Le Consulat (1937-1954)
Le Code s’inspire du travail décidé par la Constituante et commencé sous la Convention par Cambacérès, Portalis venant ensuite en « bon génie » attelé à la rédaction. Il fait suite à l’entreprise de codification préparée par les ordonnances de l’Ancien Régime, et unifie le droit pour tout le pays. Toujours en vigueur en France, bien que largement modifié, le Code a inspiré les législations de nombreux États d’Europe (…) et bien au-delà.
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