« On a tué des rois bien avant le 21 janvier 1793. Mais Ravaillac, Damiens et leurs émules voulaient atteindre la personne du roi, non le principe […] Ils n’imaginaient pas que le trône pût rester toujours vide. »1484
Albert CAMUS (1913-1960), L’Homme révolté (1951)
L’histoire du monde est riche en régicides. Mais les assassins des rois qui tuent un homme ne font que renforcer le mythe de la royauté. Alors qu’un procès public, devant une Assemblée nationale devenue tribunal du peuple, devait mettre fin à la monarchie de droit divin.
La mort du roi, chacun en juge selon son camp, des royalistes aux révolutionnaires, en passant par toutes les nuances d’opinion, de la droite réactionnaire à la gauche extrême. Cela vaut de manière plus générale pour la Révolution, et aujourd’hui encore, on en discute.
« Quand l’opprimé prend les armes au nom de la justice, il fait un pas sur la terre de l’injustice. »
(1913-1960), « Les raisons de l’adversaire », L’Express, 28 octobre 1955
Né en Algérie, intellectuel épris de justice autant que de liberté, Camus est plus qu’un autre déchiré par les événements : « Telle est, sans doute, la loi de l’histoire. Il n’y a plus d’innocents en Algérie, sauf ceux, d’où qu’ils viennent, qui meurent. »
Le 2 avril 1955, l’état d’urgence est voté pour lutter contre la rébellion, les libertés publiques suspendues. Le gouverneur Soustelle tente une politique de réformes, mais l’insurrection dans le Constantinois et les massacres du FLN le 20 août poussent le gouvernement Edgar Faure à appeler les réservistes, le 24. Simples opérations de maintien de l’ordre ? La fiction est vite insoutenable. Il s’agit d’une guerre, une sale guerre.
« L’idée de révolution ne retrouvera sa grandeur et son efficacité qu’à partir du moment où elle mettra au centre de son élan la passion irréductible de la liberté. »
Albert CAMUS (1913-1960), L’Express, 4 juin 1955
Camus vient de passer à l’Express, autrement dit à l’ennemi, selon Sartre et ses compagnons. Au sein de la guerre des gauches, qui fait rage dans cette décennie, Camus défend l’objectivité journalistique dans un article qui fait sensation. Bien loin du militantisme révolutionnaire, il se veut lucide face aux vices inhérents au communisme soviétique.
« La liberté est un bagne aussi longtemps qu’un seul homme est asservi sur la terre. »
Albert CAMUS (1913-1960), L’Express, 4 juin 1955
Rédacteur en chef de Combat, il est de ces intellectuels qui se mêlent ardemment à l’actualité de leur temps marqué par le totalitarisme, pour crier sa soif de justice, revendiquer dans L’Homme révolté, « la liberté, seule valeur impérissable de l’Histoire » et préférer la révolte à la révolution : « Je me révolte, donc nous sommes. » Se défiant des idéologies, Camus s’oppose aux communistes, repousse les mirages de l’absolu et les violences révolutionnaires, contrairement à Sartre et à la revue des Temps modernes.
« L’Occident qui, en dix ans, a donné l’autonomie à une dizaine de colonies, mérite à cet égard plus de respect et, surtout, de patience que la Russie qui, dans le même temps, a colonisé ou placé sous un protectorat implacable une douzaine de pays de grande et ancienne civilisation. »
(1913-1960), Actuelles III : Chroniques 1939-1958, sous titrées Chroniques algériennes (1958), Avant-propos
L’exposé des motifs de la loi-cadre du 23 juin 1956 sur les territoires d’outre-mer, appelée loi Defferre, annonce clairement la couleur : « Il ne faut pas se laisser devancer et dominer par les événements pour ensuite céder aux revendications lorsqu’elles s’expriment sous une forme violente. Il importe de prendre en temps utile les dispositions qui permettent d’éviter des conflits graves. »
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