Cinquième République sous de Gaulle
Mai 68 : la crise, d’abord universitaire, puis sociale, devient politique
Les premières réactions de Charles de Gaulle à la crise de mai 68 ne font qu’exacerber les tensions. Il annonce la tenue d’un référendum sur la participation, sans succès. La signature des accords de Grenelle le 27 mai ne calme que partiellement la colère ouvrière, car la base les refuse et poursuit sa mobilisation. Face à la fébrilité du pouvoir en place, le meeting du Stade Charléty, le même jour et en présence de Pierre Mendès France, laisse à penser qu’un changement de gouvernement devient possible
Les commentaires sont allégés, les coupes signalées (…) Retrouvez l’intégralité dans nos Chroniques de l’Histoire en citations.
« La récréation est finie. »3056
Charles de GAULLE (1890-1970), Orly, samedi 18 mai 1968. Mai 68 et la question de la révolution (1988), Pierre Hempel
Débarquant d’avion, de retour de Roumanie, avec douze heures d’avance. Il dit aussi : « Ces jeunes gens sont pleins de vitalité. Envoyez-les donc construire des routes. »
« La réforme, oui, la chienlit, non. »3057
Charles de GAULLE (1890-1970), Bureau de l’Élysée, dimanche matin, 19 mai 1968. Le Printemps des enragés (1968), Christian Charrière
(…) Le président réunit les responsables de l’ordre qui n’existe plus, demande le nettoyage immédiat de la Sorbonne et de l’Odéon. Mais cela risque de déclencher un engrenage de violences, et ses interlocuteurs obtiennent un sursis d’exécution. Il faut éviter l’irréparable.
Le terme « chienlit » désigne à l’origine un personnage typique du Carnaval de Paris, le postérieur recouvert de moutarde, qui traverse les rues en chemise de nuit.
La chienlit, c’est lui.3058
Slogan sous une marionnette en habit de général aux Beaux-Arts, 20 mai 1968
La chienlit ? Ce sont surtout 6 a 10 millions de grévistes.
Et tout ce qui s’ensuit : usines occupées, essence rationnée, centres postaux bloqués, banques fermées (…)
« Ce qui me semble le plus important, c’est qu’actuellement les fils de la bourgeoisie s’unissent aux ouvriers dans un esprit révolutionnaire. »3059
Jean-Paul SARTRE (1905-1980), Sorbonne, 20 mai 1968. Le Piéton de mai (1968), Jean Claude Kerbourc’h
Prestigieux invités à l’affiche de ce jour : Pierre Bourdieu (sociologue), Marguerite Duras (romancière), Max-Pol Fouchet (…)
Ce n’est pas une révolution, sire, c’est une mutation.3060
Slogan sur les murs de Nanterre, mai 1968
Cohn-Bendit, Dany le Rouge, l’« anarchiste allemand », l’« enragé de Nanterre », sait être aussi étonnamment lucide et raisonnable à 23 ans, quand il affirme le 20 mai : « Je ne crois pas que la révolution soit possible du jour au lendemain. Je crois que nous allons plutôt vers un changement perpétuel de la société, provoqué à chaque étape par des actions révolutionnaires […] Au mieux, on peut espérer faire tomber le gouvernement. Mais il ne faut pas songer à faire éclater la société bourgeoise. »
« Après les événements que nous venons de vivre, nous sommes entrés dans la période du post-gaullisme et ce, dans de mauvaises conditions. »3061
Gaston DEFFERRE (1910-1986), Assemblée nationale, 22 mai 1968. Mai 68 et ses suites législatives immédiates [en ligne], Assemblée nationale
Defferre, député-maire de Marseille, grand résistant, mais opposant socialiste a de Gaulle, s’adresse a Pompidou, Premier ministre : « Quelle que soit l’issue du scrutin et même si la censure n’est pas votée, vous sortirez diminué de cette épreuve. » (…)
« Je vivais au jour le jour […] Je n’avais aucune idée de l’issue. Je ne savais pas où était la limite, s’il y avait une limite. Je me sentais isolé, coupé. J’étais déraciné politiquement, incapable de mener le débat avec les militants gauchistes qui avaient, eux, leurs certitudes. Je suis parti parce que j’étais dépassé. C’était une fuite. »3062
Daniel COHN-BENDIT (né en 1945), témoignage de 1986. Génération, tome I, Les Années de rêve (1987), Hervé Hamon, Patrick Rotman
(…) Au cours d’un meeting fou, il déclare : « Le drapeau tricolore est fait pour être déchiré, pour en faire un drapeau rouge. »
Pour insulte au drapeau national a l’étranger, il est interdit de séjour en France, le 22 mai.
Nous sommes tous des juifs allemands.3063
Slogan, 23 mai 1968
En réponse à l’interdiction de séjour de Cohn-Bendit. Et « ça repart ». Le 23, jeudi de l’Ascension, manifs et bagarres, notamment au Quartier latin.
« Faire confiance aux “leaders” de cette espèce serait creuser la tombe du mouvement ouvrier. »3064
René ANDRIEU (1920-1998), L’Humanité. Mort d’une révolution : la gauche de mai (1968), Jean Ferniot
Au lendemain de l’interdiction de séjour frappant Cohn-Bendit, comme depuis le début des événements qui leur échappent en grande partie, PC et CGT affichent une méfiance viscérale face à ce genre de perturbateurs (…)
La Ve au clou, la Ve c’est nous !
Ouvriers, paysans, étudiants, tous unis.3065Slogans lors de la manifestation du 24 mai 1968
Le 24 mai, la manifestation prévue prend un tour imprévu. Malgré l’hostilité de la CGT, des ouvriers se sont joints aux étudiants et scandent en chœur : trahison – ni Mitterrand, ni de Gaulle – les usines aux travailleurs (…)
« J’entreprendrai […] de faire changer, partout où il le faut, des structures étroites et périmées, et ouvrir plus largement la route au sang nouveau de la France. »3066
Charles de GAULLE (1890-1970), Allocution radiotélévisée, vendredi 24 mai 1968. Discours et messages : vers le terme, janvier 1966-avril 1969 (1970), Charles de Gaulle
Le président annonce un référendum sur la participation. Mais ce jour-la, le message ne passe pas (…)
Mendès France répond : « Un plébiscite, cela ne se discute pas, cela se combat. » (…)
« Je demande à Paris de vomir cette pègre qui la déshonore […] pègre qui sort des bas-fonds de Paris et qui est véritablement enragée, dissimulée derrière les étudiants. »3067
Christian FOUCHET (1911-1974), ministre de l’Intérieur, Déclaration aux journalistes, à l’aube du 25 mai 1968. Le Printemps des enragés (1968), Christian Charrière
Paris vit une nuit d’émeutes : des mouvements extrémistes et anarchistes sont rejoints par les bandes de « loubards » de la banlieue. Chaque groupe, lancé à travers la capitale, improvise sa manif et se demande quel symbole de la société il faut d’abord détruire. La Bourse brûle (…)
« L’opinion avait cessé de rire, d’applaudir le désordre ; elle commençait à avoir peur. »3068
Édouard BALLADUR (né en 1929), L’Arbre de mai (1979)
(…) Après la nuit d’émeute en divers quartiers de Paris, le préfet de police Grimaud fait cette analyse (dans son livre témoignage, En mai, fais ce qu’il te plaît) : « Du côté des manifestants, ce ne sont plus les étudiants exaltés du 10 mai qui voulaient « mourir sur les barricades » et libérer la Sorbonne de l’occupation policière, mais de petites troupes de guérilleros, très mobiles, très décidées, rompues au harcèlement des forces de l’ordre, à l’édification rapide d’obstacles, de barricades (…) »
« Les révolutionnaires du Quartier latin ont compris. Pompidou, malin comme un maquignon auvergnat, déchire son bas de laine afin d’acheter sur pied la classe ouvrière. Et la CGT est à vendre. »3069
Hervé HAMON (né en 1946), Patrick ROTMAN (né en 1949), Génération, tome I, Les Années de rêve (1987)
Samedi 25 mai 1968, 15 heures, salon d’honneur du ministère des Affaires sociales, rue de Grenelle : une négociation marathon commence (…)
La grande braderie de printemps s’achève après 25 heures de négociations : 10 % d’augmentation de salaires.
« La situation où nous sommes est révolutionnaire, tout est possible. »3070
André BARJONET (1921-2005), Stade Charléty, 27 mai 1968. Mai 68 : histoire des événements (1998), Laurent Joffrin
(…) La base a refusé les accords de Grenelle entre gouvernement, patronat et CGT. Des syndicalistes scandent : « Séguy, démission ! » 300 000 manifestants manifestent, un seul est silencieux : Mendès France, qui a refusé la tribune offerte.
« En France, depuis le 3 mai 1968, il n’y a plus d’État et ce qui en tient lieu ne dispose même pas des apparences du pouvoir […] Il convient dès maintenant de constater la vacance du pouvoir et d’organiser la succession. »3071
François MITTERRAND (1916-1996), Conférence de presse, mardi 28 mai 1968. Vie politique sous la Cinquième République (1981), Jacques Chapsal
C’est l’événement du jour. Le leader de la gauche qui n’est ni gauchiste ni communiste a pris rendez-vous avec 500 journalistes, a 11 heures, salon de l’hôtel Intercontinental.
Il envisage un « gouvernement provisoire de gestion, une élection en juillet du président de la République, un renouvellement de l’Assemblée nationale en octobre. » (…)
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