Les années Pompidou, Giscard d’Estaing et Mitterrand
Le crépuscule de Mitterrand
La fin du second septennat de Mitterrand est crépusculaire : longue et douloureuse maladie du président, suicide de proches, climat propre aux « fins de règne » et nouvelle cohabitation (avec Édouard Balladur). C’est l’irrésistible retour au pouvoir de la droite qui se déchire pourtant - choc des egos et guerre des chefs toujours à suivre.
Les commentaires sont allégés, les coupes signalées (…) Retrouvez l’intégralité dans nos Chroniques de l’Histoire en citations.
« Dans un monde où la déloyauté est la règle, vous me permettrez d’afficher, de manière peut-être provocante, ma loyauté envers Jacques Chirac. »3305
Nicolas SARKOZY (né en 1955), juin 1992. « Le vrai Sarkozy », Marianne, 14 au 20 avril 2007 Sarkozy se pose en fils spirituel du futur président.
Jacques Chirac, Premier ministre de Giscard d’Estaing, rencontre Nicolas Sarkozy aux Assises de l’UDR à Nice, en juin 1975. « C’est toi Sarkozy ? Tu as cinq minutes ! » Le voila propulsé, à 20 ans, devant 6 000 militants. Baptême du feu, vingt minutes à la tribune : « Être jeune gaulliste, c’est être révolutionnaire… »
Ovations. Gratitude envers Chirac qui lui a offert son premier discours, et la certitude qu’il est fait pour « ça » (…)
« Toutes les explications du monde ne justifieront pas qu’on ait pu livrer aux chiens l’honneur d’un homme et, finalement, sa vie. »3306
François MITTERRAND (1916-1996), Discours aux funérailles de Pierre Bérégovoy, 4 mai 1993
Le président défend la mémoire de son ex-Premier ministre et ami, qui s’est tiré une balle dans la tête le 1er mai, après un acharnement médiatique injuste.
La presse (Canard enchaîné en tête) reprochait à cet homme honnête, luttant contre la corruption et les corrompus, un prêt sans intérêt, pour une somme relativement modeste (un million de francs). Cet ancien militant, fidèle a ses convictions comme à ses amis, mais attaqué, puis lâché par les siens et notoirement déprimé, se reprochait surtout la défaite de la gauche, aux législatives de mars 1993. La véhémence de Mitterrand a une autre raison : il est lui-même très attaqué sur son passé d’ex vichyste, devenu résistant (…)
« Dans une campagne, il faut aller chercher les électeurs avec les dents. »3307
Jacques CHIRAC (1932-2019). Le Dauphin et le régent (1994), Catherine Nay
Métaphore carnassière, sinon cannibale, qui sera reprise par Sarkozy. Chirac le battant annonce sa candidature à la présidentielle, le 4 novembre 1994 (La Voix du Nord).
Aux législatives de 1993, la droite a laminé la gauche, remportant 80 % des sièges : le septennat de Mitterrand se termine dans un climat délétère, entre les affaires, les révélations, les désillusions. Chirac ne veut plus jouer le Premier ministre, pour mieux préparer la présidentielle (…)
Dans ce duel à droite, Chirac, « dauphin » agité, bonapartiste de rupture, s’oppose a Balladur, le « régent » tranquille, l’orléaniste libéral. Toutes les élections présidentielles tournent au psychodrame, avec l’affrontement des personnages et des courants.
« L’électroencéphalogramme de la Chiraquie est plat. Ce n’est plus l’Hôtel de Ville, c’est l’antichambre de la morgue. Chirac est mort, il ne manque plus que les trois dernières pelletées de terre. »3308
Nicolas SARKOZY (né en 1955), 1994. « Le vrai Sarkozy », Marianne, 14 au 20 avril 2007
Guerre fratricide déclarée, au sein de la droite. Après vingt ans d’amitié (politique et personnelle), Sarkozy s’est rallié à Balladur, sans état d’âme. Il sera son porte-parole, pour la présidentielle de 1995.
Cela vaut trahison pour Chirac et les chiraquiens, de plus en plus rares à jouer la carte de la loyauté, la fidélité, face au clan des balladuriens.
« Il ne faut pas blesser une bête : on la caresse ou on la tue. »3309
Jacques CHIRAC (1932-2019). Mémoires, tome I, Chaque pas doit être un but (2009), Jacques Chirac
La haine va répondre au mépris. Chirac a lui-même beaucoup tué. Dans les couloirs de l’Assemblée, à la veille de la prochaine présidentielle (2002), Balladur préviendra Jospin : « Chirac a tué Chaban-Delmas, il a ensuite tué Giscard, puis il a tué Barre, et enfin il m’a tué. Méfiez-vous. » Il a blessé aussi (…)
« Je crois aux forces de l’esprit et je ne vous quitterai pas. »3310
François MITTERRAND (1916-1996) à la télévision, 31 décembre 1994
Le président adresse pour la dernière fois ses vœux à la nation, au terme de son second septennat (…)
Sa maladie (cancer), de notoriété publique, dramatise naturellement ce rendez-vous annuel et convenu d’un président avec un peuple.
« Il faut vaincre ses préjugés. Ce que je vous demande là est presque impossible, car il faut vaincre notre histoire. Et pourtant, si on ne la vainc pas, il faut savoir qu’une règle s’imposera. Mesdames et messieurs, le nationalisme, c’est la guerre ! La guerre n’est pas seulement le passé, elle peut être notre avenir ; et c’est vous, mesdames et messieurs les députés, qui êtes désormais les garants de notre paix, de notre sécurité et de notre avenir. »3311
François MITTERRAND (1916-1996), Discours prononcé devant le Parlement européen, 17 janvier 1995
L’un des derniers messages de Mitterrand l’européen, au bout de quelque soixante ans de vie politique.
Il a connu la montée des périls dans les années 1930, il a vécu la guerre. Et il met ses dernières forces dans ce plaidoyer pour un monde de paix (…)
« Bien sûr que je suis de gauche ! Je mange de la choucroute et je bois de la bière. »3312
Jacques CHIRAC (1932-2019), Libération, 17 février 1995
Bien sur que Chirac est en campagne ! Et Libé est un journal de gauche. Et le candidat de la droite, qui n’est pas seul sur ce terrain, doit impérativement séduire à gauche (…)
« Une fracture sociale se creuse. »3313
Jacques CHIRAC (1932-2019), Discours fondateur de sa campagne présidentielle, 17 février 1995
C’est un orateur né, mais il a besoin de conseillers. Au plus bas dans les sondages, le maire de Paris prépare son retour sur la scène nationale. Henri Guaino, gaulliste social, lui souffle l’idée de fracture sociale, empruntée à Marcel Gauchet, historien et philosophe de la lutte des classes (…)
Encore faut-il mettre l’idée en situation, trouver les mots, et le ton. Chirac y parvient, déjouant tous les pronostics de ses adversaires, et des observateurs.
Ce discours-programme crée un véritable espoir, chez les jeunes et dans les classes populaires(…)
« Tout le monde a menti dans ce procès, mais moi j’ai menti de bonne foi. »3314
Bernard TAPIE (né en 1943), lors du procès OM-Valenciennes, mars 1995. Le Spectacle du monde, nos 394 à 397 (1995)
(…) Le mot, qui vaut aveu, définit ce personnage atypique, cynique, talentueux dans son genre, popu et bling-bling à la fois, ogre hyperactif, qui touche à tous les métiers, est présent dans tous les milieux : chanson, télévision, sport, économie et politique. De 1988 à 1992, le voila député des Bouches-du-Rhône, député européen, ministre de la Ville, conseiller régional. Parallèlement, il a dirigé avec brio l’Olympique de Marseille jusqu’en 1993, date ou commencent les ennuis judiciaires.
Accusé d’abus de biens sociaux et de fraude fiscale, le présent procès l’implique dans une tentative de corruption, lors du match OM-VA (…)
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