« Périssent les colonies plutôt qu’un principe. »
Pierre Samuel DUPONT de NEMOURS (1739-1817), Constituante, 13 mai 1791. Archives parlementaires de 1787 à 1860 (1888), Assemblée nationale
Réponse (résumée) aux défenseurs des colons pour qui l’application aux colonies de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen signifiait la fin du système colonial.
Le Moniteur, journal officiel de l’époque, reproduit le texte exact et intégral : « On nous menace du ressentiment de ces nobles d’outre-mer […] Ils se consoleront comme se sont consolés les nobles français qui avaient un peu de sens. Si toutefois cette scission devait avoir lieu, s’il fallait sacrifier l’intérêt ou la justice, il vaudrait mieux sacrifier les colonies qu’un principe. »
La phrase est aussi attribuée à Barnave par Lamartine dans son Histoire des Girondins. Et selon d’autres sources, à Robespierre, sous une forme plus concise : « Périssent les colonies ! »
Ces trois versions « sourcées » démontrent la difficulté, en même temps que l’intérêt, d’une histoire par les citations.
Quant au sort des colonies et des Noirs… Le décret sur le statut des Nègres sera bien timoré : seuls les mulâtres nés de père et de mère libres auront des droits politiques. C’est une minorité et les troubles vont continuer – l’esclavage sera aboli par la Convention, trois ans plus tard.
« Nous travaillons pour les générations futures, lançons la liberté dans les colonies ! »
DANTON (1759-1794), Convention, 4 février 1794
Danton va faire l’unanimité – fait rarissime, surtout dans cette Assemblée nationale à l’image de la France, divisée, bouleversée.
Il a l’habileté d’associer la liberté des esclaves avec la volonté de ruiner l’Angleterre. Il salue aussi l’entrée, la veille, de deux nouveaux députés de couleur (venus de Saint-Domingue), et place l’abolition sous le signe philosophique du « flambeau de la raison » et du « compas des principes ».
Les précédents décrets pour la liberté et l’égalité des Nègres avaient déçu leurs espoirs, et la situation devenait dramatique dans les colonies : Toussaint Louverture s’est rendu maître de Saint-Domingue, les esclaves noirs massacrent les colons blancs, incendient récoltes et plantations. « La Convention, sur la proposition de Grégoire, avait, en 1793, aboli la prime pour la traite des Nègres. Le 4 février 1794, elle décréta, par acclamation, l’abolition de l’esclavage dans les colonies », écrit Alfred Rambaud, dans son Histoire de la civilisation contemporaine en France (1888).
L’esclavage, rétabli en 1802, sera définitivement aboli après la Révolution de février 1848, sous la Deuxième République.
« Le saviez-vous, Républicains,
Quel sort était le sort du Nègre ?
Qu’à son rang, parmi les humains,
Un sage décret réintègre ;
Il était esclave en naissant,
Puni de mort pour un seul geste
On vendait jusqu’à son enfant. »Pierre-Antoine-Augustin de PIIS (1755-1832), La Liberté des Nègres (1794), chanson
L’auteur est le fils naturel d’un officier de Saint-Domingue, territoire faisant partie de ce que l’on nommait alors les « îles d’Amérique », englobant également la Guadeloupe et la Martinique.
Le « citoyen Piis » est poète de circonstance, comme il y en a beaucoup à l’époque. L’esclavage a été aboli le 4 février 1794. En juin, Victor Hugues, envoyé de la Convention, va porter en Guadeloupe la nouvelle de l’abolition de l’esclavage aux Noirs. Les planteurs, hostiles au décret, s’allient aux Anglais qui occupent Pointe-à-Pitre et Basse-Terre, mais sont battus par Hugues soutenu par les Noirs.
Piis a tout de suite mis sa plume au service de cette cause : dès le 8 février, il fit représenter La Liberté de nos colonies, « vaudeville républicain », au théâtre des Variétés-Amusantes. C’est dans cette pièce que l’on retrouve les couplets de La Liberté des Nègres. Chanson résolument engagée, la seule que le citoyen Piis laisse à la postérité. Mais il a beaucoup écrit, il a eu du succès sous l’Ancien Régime et jusqu’à la Restauration, en passant par la Révolution, et l’Empire. Son opportunisme, supérieur à son talent, lui vaut l’honneur du Dictionnaire des girouettes (1815). Sous la Terreur, il a fait comme Sieyès, « la taupe ».
« Attentat contre la dignité humaine, violation flagrante du dogme républicain : Liberté, Égalité, Fraternité. »
Victor SCHOELCHER (1804-1893), Le Moniteur, 2 mai 1848. Victor Schoelcher et l’abolition de l’esclavage (2004), Aimé Césaire
Sous-secrétaire d’État dans le gouvernement provisoire, il plaide contre l’esclavage et voit enfin l’aboutissement de sa longue lutte : « Par les décrets du 27 avril 1848, rendus sur l’initiative de Schoelcher, l’esclavage, aboli une première fois par la Convention, a été définitivement supprimé dans nos colonies primitives » (Alfred Rambaud, Histoire de la civilisation contemporaine).
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