Le règne commence bien : tous les espoirs se portent sur le roi de 20 ans, Louis XVI et sa femme Marie-Antoinette, dauphine adorée. Mais pour réussir à sauver la monarchie absolue de droit divin, il aurait fallu « de la force et du génie ». Sa politique hésitante aboutit à une valse de ministres : les réformateurs n’auront jamais le temps d’aller au bout de leur tâche, cependant que les privilégiés s’acharnent à défendre leurs privilèges. Sous la pression de l’opinion, Louis XVI doit se résoudre à convoquer les États généraux.
La Révolution commence bien, même si le roi la comprend mal. Il jure de maintenir la nouvelle Constitution à la Fête de la Fédération (14 juillet 1790). Mais les journées révolutionnaires s’enchaînent, les assemblées se suivent, Constituante, Législative, Convention. Le roi perd tout crédit populaire et tout pouvoir, avant d’être jugé comme Louis Capet et condamné d’avance. Les derniers mois et l’ultime martyre confèrent à Louis XVI le rang de personnage historique.
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1. La mauvaise réputation du jeune roi : un portrait à revoir.
« Les Français sont inquiets et murmurateurs, les rênes du gouvernement ne sont jamais conduites à leur gré […] On dirait que la plainte et le murmure rentrent dans l’essence de leur caractère. »1190
Dauphin LOUIS, futur LOUIS XVI (1754-1793), Réflexions sur les entretiens avec le duc de La Vauguyon
Richelieu n’aurait pas dit mieux et de Gaulle pensera de même ! C’est dire qu’il juge bien de la situation.
Le futur roi s’entretient avec son gouverneur au lendemain du « coup d’État royal » de 1770. Louis XV va vivre encore quatre ans, laissant gouverner le triumvirat Maupeou-Terray-d’Aiguillon qui tente de réformer la France. Mais la situation financière est sans issue. Il faudrait tout réformer, les privilégiés s’y opposent, attachés à leurs privilèges tandis que le peuple souffre et manifeste à sa manière. La tâche du contrôleur général des Finances, l’abbé Terray, est la plus ingrate et ses mesures prises dans l’urgence lui valent le surnom de « Vide-Gousset ».
« J’ai besoin d’être entouré d’honnêtes gens qui aient le courage de m’avertir de mon devoir. »1197
LOUIS XVI (1754-1793). Revue des deux mondes (1865)
Très consciencieux et même scrupuleux, mais apathique et d’une grande naïveté politique, le nouveau roi ne sait pas toujours s’entourer de bons ministres. Quand il aura les hommes capables de faire les indispensables réformes, il ne saura pas les soutenir durablement contre l’opinion publique ou les privilégiés.
« Dans les circonstances où se trouve la monarchie française, il faudra au jeune roi de la force et du génie. »1198
FRÉDÉRIC II de Prusse (1712-1786). Œuvres posthumes de Frédéric II, roi de Prusse : Correspondance (1788)
Admirateur de Richelieu, de Louis XIV et du Grand Siècle, il porte ce jugement qui vaut déjà condamnation de Louis XVI après un an de règne. Ce grand politique qui mena la puissance prussienne à son apogée (avec tous les excès de l’autoritarisme et du centralisme) prévoit la course à l’abîme de la monarchie française.
« Il n’aura probablement jamais ni la force ni la volonté de régner par lui-même. »1199
MERCY-ARGENTEAU (1727-1794). Correspondance secrète entre Marie-Thérèse et le comte de Mercy-Argenteau (posthume)
Ambassadeur d’Autriche à Paris (1780 à 1790), il influence Marie-Antoinette et sa correspondance avec sa mère Marie-Thérèse (archiduchesse d’Autriche) est un précieux document. Il note l’inquiétante sujétion du roi vis-à-vis de sa femme, quelques années après leur mariage : « Sa complaisance ressemble à de la soumission. »
Plus sévère, le ministre Choiseul voit en Louis XVI un « imbécile » au sens de handicapé cérébral ; selon ses frères et ses cousins, cette imbécillité aurait justifié un Conseil de régence (comme jadis pour Charles VI le Fou). En fait, Louis XVI est un timide maladif, de surcroît myope au point de ne pas reconnaître les gens.
« Le roi n’a qu’un homme, c’est sa femme. »1367
MIRABEAU (1749-1791). Marie-Antoinette, Correspondance, 1770-1793 (2005), Évelyne Lever
Ou selon d’autres sources : « Le roi n’a qu’un seul homme, c’est la reine. » Vérité connue de tous, éprouvée par Mirabeau devenu le conseiller secret de la couronne : il essaiera donc de convaincre la reine avant le roi dont la faiblesse, les hésitations, les retournements découragent les plus fervents défenseurs.
« Tout propos soutenu l’accable, toute réflexion le déroute. »1200
MARIE-ANTOINETTE (1755-1793). L’Autrichienne : mémoires inédits de Mlle de Mirecourt sur la reine Marie-Antoinette et les prodromes de la Révolution (1966), Claude Émile-Laurent
La reine parle du roi comme d’un homme aveugle à la nécessité, toujours incertain, peu aimable et pourtant désireux qu’on l’aimât. Il consulte tout le monde, suspecte les avis et ne cède qu’à la lassitude. Honteux de sa faiblesse, il revient en arrière, se renfrogne, boude, se dérobe et part à la chasse ou se renferme dans son cabinet.
« Pour vous faire une idée de son caractère, imaginez des boules d’ivoire huilées que vous vous efforceriez vainement de faire tenir ensemble. »1201
Comte de PROVENCE (1755-1824), entretien avec le comte de La Marck. Mirabeau et la cour de Louis XVI, Revue des deux mondes, tome XI (1851)
Le futur Louis XVIII parle de son frère dans les premiers mois de la période révolutionnaire. Louis XVI est à coup sûr le roi le moins armé pour affronter la tourmente à venir.
« L’amour de mon peuple a retenti jusqu’au fond de mon cœur. Ah ! l’on peut commander ailleurs, mais c’est en France qu’on règne. »1202
LOUIS XVI (1754-1793), Lettre à Marie-Antoinette. Mémoires secrets de 1770 à 1830 (1838), Armand François d’Allonville
Il écrit ces mots en prison, quelques mois avant sa mort (1792). Il n’a pas su régner – dans des circonstances plus que difficiles, mais il saura mourir - avec la même fermeté d’âme que beaucoup d’autres guillotinés.
« Il ne faut pas être plus royaliste que le roi. »1204
Phrase en vogue sous Louis XVI et devenue proverbe. La Monarchie selon la Charte (1816), François René de Chateaubriand
Maxime inventée à la veille de la Révolution pour critiquer les aristocrates qui défendent l’idée de monarchie et les intérêts du roi avec plus d’ardeur que le roi lui-même : privilégiés, noblesse et haut clergé, notables, tous attachés à leurs avantages acquis sans comprendre qu’ils jouent à terme contre leurs intérêts et contre le régime.
Louis XVI n’en est pas moins très « royaliste », imprégné de ses droits et devoirs de roi de droit divin : « C’est légal parce que je le veux. » Assez intelligent pour comprendre la nécessité des réformes, mais pas assez courageux pour soutenir durablement ceux qui en ont le projet, c’est un roi dramatiquement faible. Comme tous les faibles, il est capable de coups de tête qui surprennent son entourage et même de coups de force qui vont déchaîner le pays.
2. Chronique du règne de Louis XVI : fin du siècle des Lumières (1774-1789).
« Mon Dieu, guidez-nous, protégez-nous, nous régnons trop jeunes ! »1205
LOUIS XVI (1754-1793) et MARIE-ANTOINETTE (1755-1793), Versailles, 10 mai 1774. Mémoires sur la vie privée de Marie-Antoinette, reine de France et de Navarre ; suivis de souvenirs et anecdotes historiques sur les règnes de Louis XIV, de Louis XV et de Louis XVI (1823), Jeanne-Louis-Henriette Genet Campan
Louis XV est mort et les courtisans se ruent vers le nouveau roi. Son petit-fils, âgé de 20 ans, est effrayé par le poids des responsabilités plus qu’enivré par son pouvoir… Et Marie-Antoinette est d’un an sa cadette.
Premier acte politique : le roi, non sans regret (déjà !), renvoie le triumvirat de combat (Maupeou-Terray-d’Aiguillon) qui tentait les indispensables réformes, d’où son extrême impopularité à la fin du règne de Louis XV.
« Or, écoutez, petits et grands,
L’histoire d’un roi de vingt ans
Qui va nous ramener en France
Les bonnes mœurs et l’abondance. »1206Charles COLLÉ (1709-1783), Or, écoutez, petits et grands, chanson (mai 1774). La Révolution française en chansons, anthologie, Le Chant du Monde
Le peuple célèbre la montée sur le trône de Louis XVI, surnommé Louis le Désiré. C’est dire les espoirs mis en lui, résumés par la chanson patriotique du nouvel auteur dramatique à la mode. Censurée, mais déjà jouée en privé et très connue, sa Partie de chasse de Henri IV peut enfin être donnée en public : elle célèbre le roi le plus populaire de l’histoire et Louis XV souffrait trop de la comparaison. Avec Louis XVI, on peut encore rêver.
« Sans moi, il est foutu ! »1209
René-Nicolas de MAUPEOU (1714-1792), apprenant que le roi se sépare de lui, 24 août 1774. Histoire de la France et des Français (1972), André Castelot, Alain Decaux
Courageux auteur du « coup d’État royal » en 1770-1771, mais ministre détesté qui manque d’être jeté à la Seine en partant, ce « grand coquin » est regretté par Louis XVI qui aurait voulu le garder auprès de lui. Sa disgrâce le rend très amer, non sans raison : « J’avais fait gagner au roi un procès qui durait depuis trois siècles. S’il veut le perdre encore, il est bien le maître. »
Le comte de Maurepas le remplace : après une longue disgrâce, il redevient ministre et premier conseiller de Louis XVI. Il s’entoure de compétences : Turgot et Vergennes, mais aussi Malesherbes rappelé en 1775 à la Maison du roi et Sartine qui va réformer la Marine. L’équipe gouvernementale présente des recrues de qualité. Mais il faudrait que le roi réduise ses libéralités et lutte contre son bon cœur ou sa faiblesse, notamment envers la reine. Il faudrait diminuer les dépenses militaires. Il faudrait que les privilégiés acceptent de perdre leurs privilèges fiscaux. Au lieu de cela, Louis XVI laissera tomber deux ans après ce personnel ministériel qui fit naître tant d’espoirs, pour redonner tous ses pouvoirs au Parlement qui bloquera systématiquement toute réforme.
« Le roi, notre aïeul, forcé par votre résistance à ses ordres réitérés, a fait ce que le maintien de son autorité et l’obligation de rendre la justice à ses peuples exigeaient de sa sagesse. Je vous rappelle aujourd’hui aux fonctions que vous n’auriez jamais dû quitter. Sentez le prix de mes bontés et ne les oubliez jamais. »1214
LOUIS XVI (1754-1793), au Parlement de Paris qu’il rétablit, 12 novembre 1774. Histoire des Français (1821-1844), Simonde de Sismondi
Le roi rappellera ensuite les Parlements de province - le vieux corps parlementaire lui semble trop lié à l’ordre monarchique pour qu’il règne sans lui. Turgot laisse faire, espérant concilier les magistrats à ses réformes. Erreur politique, ainsi résumée par Michelet : « Le Parlement rentra, hautain, tel qu’il était parti, hargneux et résistant aux réformes les plus utiles. Première défaite pour Turgot » (Histoire de France). Dès le 9 décembre, le Parlement fait des remontrances au roi qui les accepte. Plus aucune réforme ne sera possible. À terme, la monarchie est morte.
« Enfin, j’ons vu les Édits / Du roi Louis Seize !
En les lisant à Paris, / J’ons cru mourir d’aise […]
Je n’irons plus au chemin / Comme à la galère
Travailler soir et matin / Sans aucun salaire.
Le Roi, je ne mentons point, / A mis la corvée à bas. »1218Les Édits (1776), chanson des Jacques Bonhomme de France. Histoire de Louis XVI et de Marie-Antoinette (1850-1851), Alexandre Dumas
Turgot, en janvier 1776, demande au Conseil l’abolition de la corvée royale des paysans (les Jacques), remplacée par une taxe additionnelle payable par tous les propriétaires terriens. S’y ajoute une série de mesures fiscales pour plus de justice et d’efficacité. Au total, six édits. C’est l’amorce d’une véritable équité fiscale : la mesure est très populaire auprès du petit peuple, mais tous les privilégiés frappés fiscalement vont s’opposer aux édits de Turgot.
« Je vois qu’il n’y a que M. Turgot et moi qui aimions le peuple. »1219
LOUIS XVI (1754-1793), à ses conseillers du Parlement de Paris, 12 mars 1776. Vie de M. Turgot (1786), marquis de Condorcet
Le peuple chante… Mais les magistrats prient le roi de retirer les édits et tous les privilégiés de France font chorus contre le ministre des Finances. Le roi fait enregistrer les édits par lit de justice – autrement dit, il les fait passer en force et réduit le Parlement au silence. Ce sera son dernier effort pour soutenir Turgot qui ne peut rien, seul contre tous, sans l’appui du roi.
« Voilà le grand grief de M. Turgot. Il faut, aux amateurs des nouveautés, une France plus qu’anglaise ! »1220
LOUIS XVI (1754-1793), Note en marge du Mémoire de Turgot relatif à l’Administration. Louis XVI peint par lui-même, ou Correspondance et autres écrits de ce monarque
Le modèle anglais était considéré comme exemplaire par les philosophes et leurs amis. Louis XVI n’adhère pas à ces idées nouvelles, si loin de la monarchie de droit divin à laquelle il tient. Il hésite encore, Turgot comprend le danger. Il cherche à raffermir le roi, mission quasi impossible, malgré des arguments historiques et raisonnables.
« N’oubliez jamais que c’est la faiblesse qui a mis la tête de Charles Ier sur un billot ; c’est la faiblesse qui a rendu Charles IX cruel ; c’est elle qui a formé la Ligue sous Henri III ; qui a fait de Louis XIII, qui fait aujourd’hui du roi du Portugal des esclaves couronnés. »1221
TURGOT (1727-1781), Lettre à Louis XVI, printemps 1776. Histoire de France depuis les origines jusqu’à la Révolution (1910), Ernest Lavisse, Paul Vidal de la Blache
Le ministre sait sa disgrâce proche. Elle lui est signifiée le 12 mai 1776. Il a le geste de refuser la pension offerte par le roi. Les historiens s’interrogent. Turgot a-t-il voulu aller trop loin, trop vite, trop fort ? Fut-il victime d’un complot appuyé par Marie-Antoinette ? Ou la situation de la France d’Ancien Régime était-elle désespérée ?
« C’est détestable ! Cela ne sera jamais joué ! […] Il faudrait détruire la Bastille pour que la représentation de la pièce ne fût pas une inconséquence dangereuse. »1234
LOUIS XVI (1754-1793), qui vient de lire Le Mariage de Figaro avant sa création sur scène. Encyclopædia Universalis, article « Le Mariage de Figaro »
Depuis quatre ans, Paris parle de cette pièce dont l’auteur, Beaumarchais, est célèbre pour des raisons pas que littéraires – procès gagnés, aide à l’Amérique dans sa guerre d’Indépendance contre l’Angleterre. Soumise à six censeurs, interdite de représentation à Versailles au dernier moment en 1783, jouée en théâtre privé chez M. de Vaudreuil, le 23 septembre. Paris se presse pour la première publique à la Comédie-Française, le 27 avril 1784.
« Mais c’est du Necker tout pur que vous me donnez là ! »1245
LOUIS XVI (1754-1793), lisant le mémoire de Calonne, d’ordinaire moins rigoureux dans sa gestion publique. Histoire de France (1874), Victor Duruy
Le roi s’étonne du changement de politique proposé par son ministre. Plus que « du Necker », c’est du Turgot. Face à la crise économique et financière, le contrôleur général des Finances propose au roi un projet radical pour unifier l’administration des provinces et établir l’égalité fiscale. Mais jamais les Parlements n’accepteront de cautionner cette réforme remettant en cause tous les privilèges ! Calonne va convaincre le roi de convoquer une Assemblée des notables pour leur présenter son projet au début de 1787. C’est le type même de la fausse bonne idée.
« Prenons-y garde, nous aurons peut-être un jour à nous reprocher un peu trop d’indulgence pour les philosophes et pour leurs opinions […] La philosophie trop audacieuse du siècle a une arrière-pensée. »1246
LOUIS XVI (1754-1793), Lettre à M. de Malesherbes, 13 décembre 1786. Correspondance politique et confidentielle inédite de Louis XVI, avec ses frères, et plusieurs personnes célèbres, pendant les dernières années de son règne, et jusqu’à sa mort (posthume, 1803)
Le roi manifeste une prise de conscience tardive d’un siècle de Lumières déjà répandues dans une opinion publique toujours plus avide de réformes : Malesherbes a voulu la presse plus libre, il a aidé les philosophes à répandre leurs idées, permis à l’Encyclopédie de paraître malgré le Parlement hostile. Plusieurs fois disgracié, il revient au Conseil du roi en 1787 - et sera l’un de ses avocats au procès perdu d’avance, en 1792.
« La grande nouvelle du jour est la convocation d’une assemblée nationale, qui produit dans le public la plus vive sensation. On voit avec autant d’admiration que de reconnaissance notre monarque appeler à lui la nation. »1247
Chroniqueur. Montesquieu et le problème de la Constitution française au XVIIIe siècle (1927), Élie Carcassonne
On compare Louis XVI à Charlemagne ! Il a choisi les notables, personnalités prises dans les trois ordres. Mais c’est un contresens historique de voir dans les 144 membres, en majorité nobles, les représentants de la nation.
« Il faudrait au moins que l’archevêque de Paris crût en Dieu ! »1251
LOUIS XVI (1754-1793). Dictionnaire des parlementaires français de 1789 à 1889 (1889), Adolphe Robert et Gaston Cougny
Roi très pieux, il refusa en ces termes à Loménie de Brienne, archevêque de Toulouse, la place que Marie-Antoinette voulait lui faire obtenir à Paris. Louis XVI n’apprécie pas cet homme, ni ses mœurs. Il le refuse aussi comme successeur aux Finances de Calonne. Il sera bientôt contraint de le prendre comme Premier ministre.
Brienne reprend les projets de Calonne qu’il a tant combattus en qualité de notable. L’Assemblée se déclare incompétente pour voter de nouveaux impôts. Séance de clôture le 25 mai 1787 : le président annonce que la résistance va se poursuivre, côté Parlements.
« C’est légal parce que je le veux ! »1253
LOUIS XVI (1754-1793), au duc d’Orléans, Parlement, 19 novembre 1787. Histoire de France (1892), Victor Duruy
C’est l’un des derniers épisodes de la guerre entre le roi et ses magistrats. Louis XVI a fait enregistrer par lit de justice des édits refusés par le Parlement de Paris avant de l’exiler à Troyes. Ce coup de force royal déclenche des émeutes. Le roi cède et rappelle le Parlement qui apparaît comme l’âme de la résistance à un pouvoir arbitraire : rentrée triomphale dans la capitale, le 19 septembre 1787.
Le 19 novembre, Louis XVI se rend au Parlement pour imposer l’enregistrement d’un édit autorisant à émettre une série d’emprunts de 420 millions de livres. Le jeune duc d’Orléans (futur Philippe Égalité), chef de la branche cadette et premier prince de sang, l’un des plus constants opposants au roi son cousin, ose qualifier d’illégale la procédure, d’où la réplique du roi. Pour son insolence, le duc est exilé dans son château de Villers-Cotterêts.
« Parlement à vendre
Ministres à pendre
Couronne à louer. »1255Mots gravés sur les murs du Palais de justice, mai 1788. Histoire de France depuis les origines jusqu’à la Révolution (1911), Ernest Lavisse, Paul Vidal de La Blache
Face aux magistrats qui refusent d’enregistrer tous les édits fiscaux, Louis XVI va tenter le tout pour le tout : supprimer les Parlements. Des meneurs crient au coup d’État. Des soulèvements éclatent partout en France, orchestrés par une campagne de cabales et de pamphlets. En Languedoc à Toulouse, en Bretagne à Rennes, on manifeste. En Dauphiné à Grenoble le 7 juin 1788, on se soulèvera pendant la « journée des Tuiles ».
Les Parlements organisent la résistance, font la grève de la justice et demandent la réunion des États généraux. Les remontrances succèdent aux remontrances, les émeutes aux émeutes. Le roi doit fixer la date de la convocation tant redoutée : au 1er mai 1789.
« Ces grands États généraux / F’ront-ils du brouet d’andouille ?
Ces messieurs s’ront-ils si sots / Que d’s’en retourner chez eux bredouilles,
Quand par miracle un bon roi / Veut faire l’bien d’si bonne foi ? »1259Motion des harengères de la halle (1788), chanson. Histoire de France par les chansons (1982), France Vernillat, Pierre Barbier
Le peuple est reconnaissant à Louis XVI de la convocation des États généraux. Le « bon roi » ne pouvait prévoir que la face du monde va en être changée : « La convocation des États généraux de 1789 est l’ère véritable de la naissance du peuple. Elle appela le peuple entier à l’exercice de ses droits. » Jules Michelet, Histoire de la Révolution française. Les États généraux se réuniront pour la première fois dans la salle des Menus-Plaisirs à Versailles, le 5 mai 1789 : 1 139 représentants, dont 578 du tiers état.
3. Le roi de France dans la tourmente révolutionnaire (1789-1792).
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« Allez dire à votre maître que nous sommes ici par la volonté du peuple et qu’on ne nous en arrachera que par la puissance des baïonnettes. »1320
MIRABEAU (1749-1791), au marquis de Dreux-Brézé, salle du Jeu de paume, 23 juin 1789. Histoire de la Révolution française (1823-1827), Adolphe Thiers, Félix Bodin
Louis XVI a envoyé son grand maître des cérémonies, suite au Serment du Jeu de Paume (20 juin) « de ne jamais se séparer et de se rassembler partout où les circonstances l’exigeront, jusqu’à ce que la Constitution du royaume soit établie et affermie sur des fondements solides. » Dépourvu de valeur juridique, ce serment a une portée symbolique considérable : il bafoue publiquement la volonté du roi qui doit réagir à l’affront. Ce qu’il va faire, trois jours plus tard : il décide de faire évacuer la salle du Jeu de paume pour disperser les députés.
Le comte de Mirabeau, renié par son ordre et élu par le tiers, se révèle dès les premières séances de l’Assemblée : « Mirabeau attirait tous les regards. Tout le monde pressentait en lui la grande voix de la France » écrira Michelet. Et Hugo renchérit. « ‘Allez dire à votre maître…’ Votre maître ! c ‘est le roi de France devenu étranger. C’est toute une frontière tracée entre le trône et le peuple. C’est la révolution qui laisse échapper son cri. Personne ne l’eut osé avant Mirabeau. Il n’appartient qu’aux grands hommes de prononcer les mots décisifs des grandes époques. »
« Ils veulent rester ? Eh bien ! Foutre, qu’ils restent ! »1322
LOUIS XVI (1754-1793), au marquis de Dreux-Brézé, le soir du 23 juin 1789. Les Hommes de la liberté, tome 5, Le Sang de la Bastille (1987), Claude Manceron
Réponse sans cérémonie du roi à son grand maître des cérémonies, venu lui rendre compte du refus des députés. Un pas en avant, un pas en arrière. Le roi recule à l’idée du « sang versé » - une obsession, chez lui. Et les régiments dont il dispose sur place ne sont pas sûrs ou pas suffisants pour mater une éventuelle révolte.
Par sa faiblesse de caractère, sa naïveté politique, ses scrupules maladifs et ses perpétuels changements d’avis, c’est le roi le moins armé pour affronter les événements. Face à lui, la période fait naître une série de grands premiers rôles (Mirabeau, Danton, Robespierre…) dignes de l’événement majeur de notre histoire, la Révolution.
« 14, rien. »1331
LOUIS XVI (1754-1793), deux mots notés sur son carnet avant de se coucher, château de Versailles, soir du 14 juillet 1789. Histoire des Français, volume XVII (1847), Simonde de Sismondi
L’histoire lui a beaucoup reproché cette indifférence à l’événement. Précisons à sa décharge que le fameux carnet consigne surtout ses tableaux de chasse.
Le roi a été prévenu de l’agitation à Paris par une députation de l’Assemblée. Le 11 juillet, il a renvoyé Necker, ministre des Finances jugé trop libéral, l’homme le plus populaire du royaume - rappelé le 16. En attendant, le mal est fait : manifestations le 12 juillet, municipalité insurrectionnelle à l’Hôtel de Ville, milice et foule armées le 13 (avec 28 000 fusils et 20 canons pris aux Invalides). À la Bastille, on est allé chercher la poudre et les munitions. La forteresse est avant tout le symbole historique de l’absolutisme royal : la révolution parlementaire est devenue soudain populaire et parisienne, en ce 14 juillet 1789. Mais contrairement à ce que l’on croit trop souvent, ce jour n’est pas l’origine de notre fête nationale. Il faut attendre l’année suivante, la Fête de la Fédération.
« Mais c’est une révolte ?
— Non, Sire, c’est une révolution ! »1333Duc de la ROCHEFOUCAULD-LIANCOURT (1747-1827) à Louis XVI (1754-1793), réveillé le soir du 14 juillet, à Versailles. Petite histoire de France depuis les temps les plus reculés jusqu’à nos jours (1883), Victor Duruy
Le grand maître de la garde-robe s’est permis de se manifester dans la nuit, pour informer le roi que la Bastille est prise et le gouverneur assassiné. Mieux que son maître, il a compris l’importance symbolique du fait.
« Voici une cocarde qui fera le tour du monde. »1336
LA FAYETTE (1757-1834), 17 juillet 1789. Petite histoire de France depuis les temps les plus reculés jusqu’à nos jours (1883), Victor Duruy
Nommé le 15 juillet commandant de la garde nationale, La Fayette prend la cocarde bleue et rouge aux couleurs de Paris, y joint le blanc, couleur du roi, et présente cette cocarde tricolore à Louis XVI, venu « faire amende honorable » à l’Hôtel de Ville de Paris. Le roi met la cocarde à son chapeau : par ce geste symbolique, il reconnaît symboliquement la Révolution. Le grand malentendu commence.
« Mes amis, j’irai à Paris avec ma femme et mes enfants : c’est à l’amour de mes bons et fidèles sujets que je confie ce que j’ai de plus précieux. »1355
LOUIS XVI (1754-1793), au matin du 6 octobre 1789 à Versailles. La Révolution française (1965), François Furet, Denis Richet
Le roi cède à la foule parisienne venue demander du pain et le retour du roi à Paris. Il se rend populaire, du moins il l’espère, d’autant que la foule fraternise avec les gardes. L’Assemblée se réunit sous la présidence de Mounier, bouleversé. Sur proposition de Mirabeau et Barnave, elle s’affirme inséparable du roi et décide de le suivre à Paris.
Un immense cortège s’ébranle à 13 heures : plus de 30 000 personnes. Des gardes nationaux portant chacun un pain piqué au bout de la baïonnette, puis les femmes escortant des chariots de blé et des canons, les gardes du corps et les gardes suisses désarmés, le carrosse de la famille royale escorté par La Fayette (chef de la garde nationale), suivi de voitures emmenant quelques députés, la majeure partie des gardes nationaux et le reste des manifestants.
« Nous ne manquerons plus de pain ! Nous ramenons le boulanger, la boulangère et le petit mitron. »1356
Cri et chant de victoire des femmes du peuple ramenant le roi, la reine et le dauphin de Versailles à Paris, 6 octobre 1789. Histoire de la Révolution française (1847), Louis Blanc
Épilogue des deux journées révolutionnaires, 5 et 6 octobre. 6 000 à 7 000 femmes venues la veille de Paris crient aujourd’hui victoire : le roi a promis le pain aux Parisiens. « Père du peuple », il doit assurer la subsistance et le pain tient une grande part dans le budget des petites gens, d’où l’expression : boulanger, boulangère, petit mitron.
Le soir à 20 heures, le maire de Paris accueille le carrosse royal sous les vivats et les bravos du peuple. Louis XVI peut enfin s’installer aux Tuileries. Il n’imagine pas qu’il est désormais prisonnier du peuple parisien.
« C’est une fête pour les Parisiens de posséder enfin le roi. »1357
MARAT (1743-1793), L’Ami du peuple, 7 octobre 1789
On pourrait croire à une forme d’humour. En réalité, le mot « posséder » doit être pris au premier degré. Le roi ne s’appartient plus, devenu le sujet de ses sujets qui ne veulent plus rester les sujets, mais exigent tous les pouvoirs.
« Moi, roi des Français, je jure […] de maintenir la Constitution. »1369
LOUIS XVI (1754-1793), Fête de la Fédération sur le Champ de Mars, 14 juillet 1790. Histoire de France depuis 1789 jusqu’à nos jours (1878), Henri Martin
Le jour anniversaire de la prise de la Bastille, toutes les provinces sont représentées à Paris par les délégations des gardes nationales venues de la France entière : c’est la Fête de la Fédération. Une messe est célébrée par l’évêque d’Autun, Talleyrand qui a répété la scène, d’autant plus qu’il ne célèbre pas souvent.
Le pays peut encore rêver à une monarchie constitutionnelle. Sitôt qu’il paraît et qu’il parle, il semble que le pacte millénaire entre les Français et le Capétien se renoue. Tous ces provinciaux qui voient Louis XVI pour la première fois oublient ce qu’on a pu dire du « tyran ». Le peuple est le plus sincère de tous les participants à ce grand spectacle, criant spontanément : « Vive le roi, vive la reine, vive le dauphin ! »
« Si Louis XVI avait su profiter de la Fédération, nous étions perdus. »1372
Antoine BARNAVE (1761-1793). La Chute de l’Ancienne France, La Fédération (1896), Marius Cyrille Alphonse Sepet
Le pilier du club des Jacobins, patriote modéré parmi les révolutionnaires, s’oppose ici aux deux députés qui espèrent toujours concilier Révolution et royauté : Mirabeau et La Fayette.
Cette Fête de la Fédération du 14 juillet 1790 est aussi le jour de gloire pour le général La Fayette : on baise ses mains et même la croupe de son cheval, on frappera des médailles à son effigie. Mais Mirabeau déteste ce « maire du palais » qu’il traite de « Gilles-César », de « sous-grand-homme » et Marat de « faux ami du peuple ».
« Les choses qu’on peut écrire sont si désagréables qu’on n’en est pas souvent tenté. Hélas ! […] Voilà une bien triste année de passée, et Dieu seul sait ce qui arrivera dans celle-ci. L’horizon ne s’éclaircit pas. »1383
LOUIS XVI (1754-1793), Lettre à Mme de Polignac (grande amie de Marie-Antoinette), 3 janvier 1791. Louis XVI, Marie-Antoinette et Madame Élisabeth : lettres et documents inédits (1865), Élisabeth de France
L’année à venir sera sombre pour le roi. Il a commencé à préparer sa fuite à la fin de 1790. Dernier et dramatique cas de conscience daté du 26 décembre : il a dû accepter la « loi du serment » obligeant les prêtres à respecter la Constitution civile du clergé – les « jureurs » seront moins nombreux que les « réfractaires ».
« Ce sont les femmes qui ont ramené le roi à Paris, et ce sont les hommes qui l’ont laissé échapper ! »1387
Cri de protestation des femmes de Paris, 21 juin 1791. Les 50 mots clefs de la Révolution française (1983), Michel Péronnet
Allusion aux journées révolutionnaires des 5 et 6 octobre 1789. Le 21 juin au matin, on constate la disparition de la famille royale au palais des Tuileries. L’alerte est donnée, La Fayette, commandant de la garde nationale, envoie des courriers tous azimuts pour faire arrêter les fuyards. Paris est en émoi.
Le 20 juin à minuit, la famille royale a donc fui avec la complicité du comte suédois Axel de Fersen, amant de la reine. Leur but : rejoindre à Metz la garnison royaliste du marquis de Bouillé pour se placer sous sa protection. Mais la berline royale est trop imposante, l’opération mal organisée, le roi déguisé en valet est reconnu à Sainte-Ménehould (en Champagne) par le fils du maître des postes qui précède le roi à Varennes et donne l’alerte. La berline royale est reconduite à Paris sous escorte.
Le peuple crie à la trahison. Il faut éviter l’émeute, on colle des affiches avec ce mot d’ordre : « Celui qui applaudira le Roi sera bâtonné, celui qui l’insultera sera pendu. » Toute manifestation est donc interdite, pour ou contre le roi et sa famille qu’on ramène de Varennes.
« Couple perfide, réservez vos larmes
Pour arroser le prix de vos forfaits […]
Un peuple libre reconnaît les charmes
De n’être plus au rang de vos sujets. »1389Poursuite et retour de la famille ci-devant royale (juin 1791), chanson anonyme. Histoire de France par les chansons (1982), France Vernillat, Pierre Barbier
Le peuple a perdu confiance en Louis XVI : « Un roi avait en fuyant abandonné sa souveraineté. Un autre roi, le peuple, assistait gravement au spectacle. » Denis Richet, Dictionnaire critique de la Révolution française.
Une foule terriblement silencieuse accueille le cortège à son retour, le 25 juin. La Constituante a suspendu Louis XVI de ses fonctions dès le 21. Ces cinq jours de vacance du trône prouvent que la France peut vivre sans roi, la République devient un régime possible. Pour l’historienne Mona Ozouf, c’est « la mort de la royauté ».
« Ô roi, montrez-vous digne d’une plus glorieuse destinée […] Vous pouvez encore vous placer au rang des bienfaiteurs de l’humanité […] Éteignez le flambeau de la guerre civile et étrangère qu’on allume en votre nom ! »1390
PÉTION de VILLENEUVE (1756-1794) et ROBESPIERRE (1758-1794), Suite et fin des observations à Louis XVI. Le Mercure universel, volume XIII (1792)
Observations rédigées après le retour de Varennes. Nombre de députés souhaitent le maintien de Louis XVI : la déchéance du roi entraînerait la coalition de toutes les monarchies européennes contre la France ! Et le pays est encore monarchiste. Mais la division en deux clans est profonde. Le mouvement démocratique et républicain s’exaspère, avec le club des Cordeliers fondé par Danton qui demande à l’Assemblée de proclamer purement et simplement la République : « Nous voilà enfin libres et sans roi. » Cette pétition recueille 6 000 signatures.
« Il faut une âme atroce pour verser le sang de ses sujets, pour opposer une résistance et amener une guerre civile en France […] Pour réussir, il me fallait le cœur de Néron et l’âme de Caligula. »1391
LOUIS XVI (1754-1793), Lettre à M. de Bouillé, 3 juillet 1791. Procès de Louis XVI (1814), Maurice Méjan
Le roi écrit à l’un des organisateurs de la fuite à Varennes, émigré à Coblenz qui tente d’obtenir sa libération auprès des cours européennes. Louis XVI est incapable de vouloir l’irréparable, le sang versé lui fait toujours horreur, il s’en excuse auprès du marquis et prend sur lui l’échec de toute l’opération manquée de Varennes.
Depuis son retour, assigné à résidence au palais des Tuileries « sous la surveillance du peuple », il entend les Parisiens hurler des injures derrière les grilles de la place Louis XV, rebaptisée place de la Révolution (aujourd’hui, place de la Concorde). La foule enragée menace de tuer « le roi traître » et son « Autrichienne ». « Plus de monarchie ! Plus de tyrans ! » Certains pensent à un régent, Philippe d’Orléans, cousin du roi qui se dit patriote.
« Sire… Votre Majesté a fini la Révolution. »1399
Jacques-Guillaume THOURET (1746-1794), Proclamation du 30 septembre 1791 à la Constituante
Avocat et député du tiers état, Thouret a participé à la rédaction de nombreux textes de lois, dont la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen. Dernière œuvre, la nouvelle Constitution qu’il présente au roi le 3 septembre, devant une députation de 60 membres. Il remercie solennellement et en ces termes Louis XVI d’avoir accepté le texte, de manière « si franche et si loyale ». En fait, le roi ne l’a signé que dans l’espoir de s’en affranchir bientôt et l’affaiblissement du pouvoir royal est tel que Thouret (sans le vouloir) prépare l’avènement de la République. La Révolution n’est donc pas finie !
« Que la nation reprenne son heureux caractère. »1400
LOUIS XVI (1754-1793), à la Constituante, 30 septembre 1791. Histoire politique de la Révolution française (1913), François-Alphonse Aulard
Tel est le vœu royal et sans doute sincère, en cette dernière séance de l’Assemblée. Le roi présent est acclamé. Mais qui peut vraiment croire à ce mot d’espoir, dans une France plus que jamais révolutionnaire et divisée ?
« Je fais assez ce que tout le monde désire pour qu’on fasse une fois ce que je veux ! »1406
LOUIS XVI (1754-1793), 19 décembre 1791. Louis XVI, Marie-Antoinette et Madame Élisabeth : lettres et documents inédits (1866), publiés par Félix Feuillet de Conches
Soudain, une manifestation de caractère ! Le roi use de son veto suspensif et refuse le décret contre les prêtres réfractaires : dans les huit jours et sous peine de prison, ils doivent prêter serment à la Constitution civile du clergé (votée le 12 juillet 1790). La moitié des curés et tous les évêques (sauf quatre) ont rejeté cette réforme de l’Église. Les autres, dits jureurs, assermentés ou constitutionnels, sont devenus des fonctionnaires ecclésiastiques.
Louis XVI est profondément croyant et la Révolution le choque par ses atteintes à l’autorité de l’Église, plus encore que par les limitations au pouvoir royal. L’assemblée s’incline devant son refus, car le roi est dans son droit. Mais le peuple dénonce « Monsieur Veto » et le roi ne va plus jouer le jeu de cette monarchie constitutionnelle qui le contrarie en tout, alors que ce régime de compromis voulu par des modérés déplaît aux révolutionnaires radicaux. Face à cette contradiction, la Législative ne vivra qu’un an.
À bas le Veto !
Avis à Louis XVI : le peuple est las de souffrir.
La liberté ou la mort !1415Slogans sur les enseignes, Manifestation du 20 juin 1792 à Paris. Histoire de la France et des Français (1972), André Castelot, Alain Decaux
Le palais des Tuileries est envahi par les sections de la Commune de Paris : elles protestent contre le droit de veto du roi et fêtent en même temps l’anniversaire de sa fuite à Varennes, dont l’échec, il y tout juste un an, a précipité les événements. La famille royale est molestée.
Louis XVI accepte de se coiffer du bonnet rouge, de boire à la santé de la nation – les gravures ne manquent pas de ridiculiser cette image de la monarchie bafouée. Mais le roi refuse de renoncer à son droit de veto.
« Je suis venu ici pour éviter un grand crime et je pense que je ne saurais être plus en sûreté qu’au milieu de vous. »1423
LOUIS XVI (1754-1793), venu se réfugier à l’Assemblée législative, 10 août 1792. Histoire parlementaire de la Révolution française ou Journal des Assemblées nationales (1834-1838), P.J.B. Buchez, P.C. Roux
Contexte à nouveau explosif : patrie en danger, blocage institutionnel, effervescence dans les clubs, agitation des sans-culottes, et manifeste de Brunswick (connu le 1er août) qui menace de détruire Paris et offense la fierté des Français. Danton a fait prendre d’assaut le palais des Tuileries par la Section du faubourg Saint-Antoine : 17 000 assaillants contre 1 800 défenseurs. Louis XVI ordonne à ses Suisses de ne pas tirer sur les émeutiers pour éviter un carnage et se rend à l’Assemblée avec sa famille. Mais les Suisses et les derniers fidèles sont massacrés par les patriotes, Parisiens, gardes nationaux et un bataillon de Marseillais – au chant de La Marseillaise.
Bilan des morts : quelque 600 Suisses, 200 aristocrates et gens de maison aux Tuileries. Le palais est pillé, les têtes promenées au bout des piques. Bonaparte, jeune officier d’artillerie présent au Carrousel, marqué par ce spectacle, méprisera dorénavant la foule.
4. Procès de Louis Capet et « belle mort » de Louis XVI - date mémorielle du 21 janvier 1793.
« La royauté est abolie en France. »1439
Convention, Décret du 21 septembre 1792. Archives parlementaires de 1787 à 1860 (1900), Assemblée nationale
Fin de la monarchie millénaire, votée à l’unanimité des 749 députés. Dans la nouvelle assemblée, leur place a une signification pas que formelle. Les Girondins sont à droite, alors qu’ils étaient à gauche à la Législative, et les Montagnards à gauche – ils siégeaient sur les bancs les plus élevés (la Montagne). Il existe une extrême gauche minoritaire, et une masse de centristes qui forment la Plaine (ou Marais) et se rallieront à la Montagne. Mais la Convention est majoritairement girondine – jusqu’au 2 juin 1793.
« Je recommande à mon fils, s’il avait le malheur de devenir roi, de songer qu’il se doit tout entier au bonheur de ses concitoyens. »1203
LOUIS XVI (1754-1793), Testament écrit un mois avant sa mort (fin 1792)
Dans l’épreuve, Louis XVI acquiert une dignité et même une royauté qui le rachètent devant l’histoire, cependant que le martyre l’auréole aux yeux de nombreux historiens qui condamnent sans appel son prédécesseur Louis XV : la guillotine est plus noble que la petite vérole dont souffrit le Bien Aimé.
« L’Assemblée nationale renferme dans son sein les dévastateurs de ma monarchie, mes dénonciateurs, mes juges et probablement mes bourreaux ! On n’éclaire pas de pareils hommes, on ne les rend pas justes, on peut encore moins les attendrir. »1416
LOUIS XVI (1754-1793), Lettre à Malesherbes écrite à la prison du Temple, décembre 1792. Lettre LXXI, non datée. Collection des mémoires relatifs à la Révolution française (1822), Saint-Albin Berville, François Barrière
La Convention s’est érigée en tribunal : le procès du roi se tient donc dans la salle du Manège toujours ouverte au public, ce qui dramatise l’événement. Louis XVI, devenu Louis Capet (dynastie des Capétiens), choisit un avocat renommé, Target qui se dérobe pour ne pas être compromis. Un autre accepte, Tronchet, avec des réserves pour préserver sa responsabilité. Malesherbes (73 ans) propose ses services par fidélité au maître qui l’honora de sa confiance en tant que ministre – le roi est fort touché par ce geste. Et Desèze viendra assister ses deux confrères.
Le roi écrit dans la même lettre à Malesherbes : « Il faudrait s’adresser non à la Convention, mais à la France entière, qui jugerait mes juges, et me rendrait, dans le cœur de mes peuples, une place que je n’ai jamais mérité de perdre. » L’idée de l’appel au peuple, défendue par les Girondins, sera proposée mais rejetée par la majorité de l’Assemblée. Le procès se déroulera du 10 décembre 1792 au 20 janvier 1793.
« Citoyens, si un monarque est parmi vous plus difficile à punir qu’un citoyen coupable ; si votre sévérité est en raison inverse de la grandeur du crime et de la faiblesse de celui qui l’a commis, vous êtes aussi loin de la liberté que jamais ; vous avez l’âme et les idées des esclaves. »1459
ROBESPIERRE (1758-1794), Sur le parti à prendre à l’égard de Louis XVI, Convention, 3 décembre 1792. Œuvres de Maximilien Robespierre (1840), Maximilien Robespierre, Albert Laponneraye, Armand Carrel
Il fallut d’interminables discussions juridiques pour que, malgré l’inviolabilité constitutionnelle et les réticences des Girondins, Louis soit déclaré jugeable ce 3 décembre. Le procès commence une semaine plus tard. C’est une victoire des Montagnards, Robespierre en tête. Il va avoir l’occasion de développer sa rhétorique parfaitement construite, dans un mélange de passion et d’abstraction. Ce discours est l’un des plus célèbres.
« Foutre ! […] Il est bon que le peuple souverain s’accoutume à juger les rois. »1463
Jacques HÉBERT (1757-1794), Le Père Duchesne, décembre 1792. Histoire politique et littéraire de la presse en France (1860), Eugène Hatin
Son journal (dont le nom est peut-être inspiré par un marchand de fourneaux qui jurait et sacrait à chaque phrase) ne perd pas cette occasion de renchérir. Hébert s’exaspère de tant de lenteurs et craint que « le plus grand scélérat qui eût jamais existé reste impuni », entre jurons et injures contre les Conventionnels, les traîtres, l’« ivrogne Capet » et tous les « capons ».
« Louis, le peuple français vous accuse d’avoir commis une multitude de crimes pour établir la tyrannie en détruisant la liberté. »1464
Acte d’accusation de Louis XVI, Convention, 11 décembre 1792. Archives parlementaires de 1787 à 1860 (1899), Assemblée nationale
Chefs d’accusation les plus graves : haute trahison, double jeu politique avec les assemblées, complot avec l’ennemi autrichien, tentative de fuite à l’étranger (Varennes), responsabilité des morts aux journées d’octobre (1789) et à la fusillade du Champ de Mars (17 juillet 1791). Le lendemain, la Convention accorde trois défenseurs au roi. Mais il n’y aura aucun témoin, ni à charge ni à décharge.
« Je subirai le sort de Charles Ier, et mon sang coulera pour me punir de n’en avoir jamais versé. »1465
LOUIS XVI (1754-1793), Lettre à Malesherbes, écrite au Temple, décembre 1792. Mémoires du marquis de Ferrières (1822)
Précédent historique maintes fois rappelé : Charles Ier, roi d’Angleterre, d’Écosse et d’Irlande, victime de la révolution anglaise, jugé par le Parlement, décapité en 1649.
Louis XVI, ce roi si faible, incapable de régner quand il avait le pouvoir et les hommes (quelques grands ministres), cet homme de 38 ans prématurément vieilli, parfois comparé à un vieillard, va faire preuve de courage et de lucidité dans ces deux derniers mois. Toujours à son ami et avocat Malesherbes, il écrit : « Je ne me fais pas d’illusion sur mon sort ; les ingrats qui m’ont détrôné ne s’arrêteront pas au milieu de leur carrière ; ils auraient trop à rougir de voir sans cesse sous leurs yeux leur victime. »
« Louis XVI hors de Versailles, hors du trône, seul et sans cour, dépouillé de tout l’appareil de la royauté, se croyait roi malgré tout, malgré le jugement de Dieu, malgré sa chute méritée, malgré ses fautes […] C’est là ce qu’on voulut tuer. C’est cette pensée impie. »1466
Jules MICHELET (1798-1874), Histoire de la Révolution française (1847-1853)
L’historien dit le paradoxe de cette tragédie à la fois personnelle et nationale. Louis XVI, profondément croyant, demeure en son âme et conscience « roi de droit divin » et non pas roi des Français dans une monarchie constitutionnelle. La France profonde, très catholique, partage cette « pensée impie », d’où le traumatisme causé par ce procès public à l’issue passionnément attendue, quoique prévisible.
« Le véritable patriote ne connaît point les personnes, il ne connaît que les principes. »1467
Camille DESMOULINS (1760-1794), 15 décembre 1792 au procès du roi. Œuvres de Camille Desmoulins (posthume, 1874), Camille Desmoulins, Jules Claretie
Camille Desmoulins, Montagnard, membre des Cordeliers et ami de Danton, exprime la pensée devenue majoritaire dans le personnel politique. Le roi qui n’est plus roi, mais seulement Louis Capet (dernier des Capétiens), est un justiciable comme les autres dans ce procès.
« Louis sera-t-il donc le seul Français pour lequel on ne suive nulle loi, nulle forme ? Louis ne jouit ni du droit de citoyen, ni de la prérogative des rois : il ne jouira ni de son ancienne condition, ni de la nouvelle ! Quelle étrange exception. »1468
Romain DESÈZE (1748-1828), Plaidoirie pour Louis XVI, 26 décembre 1792. Histoire de France depuis la Révolution de 1789 (1803), François-Emmanuel Toulongeon
L’avocat témoignera plus tard du grand œuvre de sa vie : « Trois jours et quatre nuits, j’ai lutté pied à pied avec les documents pour édifier avec Malesherbes et Tronchet, et surtout avec mon Roi, la défense de celui qui était déjà condamné par la Convention. J’ai voulu plaider avec la justice, le cœur, le talent que l’on me reconnaissait alors. Mon maître ne me laissa combattre que sur le terrain du droit : il se souciait de balayer les accusations dont il était l’objet, non d’apitoyer. Pendant plus d’une heure, je lui ai donné ma voix. En vain… »
« Il a bien travaillé. »1469
LOUIS XVI (1754-1793), après la plaidoirie de son avocat Romain Desèze, 26 décembre 1792. Histoire socialiste, 1789-1900, Volume 4, La Convention (1908), Jean Jaurès
Desèze s’est assis, épuisé après la plaidoirie. En sueur, il demande une chemise. « Donnez-la lui, car il a bien travaillé » dit le roi. Dans son discours de réception à l’Académie française sous la Restauration (en 1828), le baron de Barante rendra cet hommage à Desèze : « Son éternel honneur sera d’avoir été associé à l’événement le plus tristement religieux de notre Révolution ».
Ils étaient trois pour cette mission impossible et périlleuse. Desèze, arrêté peu après le procès, libéré à la chute de Robespierre, finira pair de France et premier président de la Cour de cassation. François Denis Tronchet se cachera sous la Terreur et se retrouvera au Sénat sous le Consulat. Chrétien Guillaume de Lamoignon de Malesherbes, émigré au début de la Révolution, rentré en France pour défendre son roi, sera exécuté sous la Terreur.
« On ne peut point régner innocemment : la folie en est trop évidente. Tout roi est un rebelle et un usurpateur. »1471
SAINT-JUST (1767-1794), Question concernant le jugement de Louis XVI, 13 novembre 1792. Œuvres de Saint-Just, représentant du peuple à la Convention nationale (posthume, 1834), Saint-Just
Jeune théoricien de la Révolution, il s’est exprimé sur le procès du siècle avant le procès, dans le même esprit, fond et forme, que son ami Robespierre. Il votera bien évidemment pour la mort du roi. D’autres Montagnards, bien que juristes, auront des arguments moins juridiques. Mais les Girondins vont tenter de sauver la vie du roi.
« Quand la justice a parlé, l’humanité doit avoir son tour. »1472
Pierre Victurnien VERGNIAUD (1753-1793), Discours du 17 janvier 1793. Les Grands Orateurs de la Révolution, Mirabeau, Vergniaud, Danton, Robespierre (1914), François-Alphonse Aulard
Girondin (du département de la Gironde), avocat au Parlement de Bordeaux, maintenant à la tête des Girondins de Paris et président de séance, il cherche à sauver Louis XVI. Les Girondins craignent d’en faire un martyr, d’autres redoutent que la Révolution se radicalise à l’extrême.
Première question posée le 15 janvier : Louis Capet est-il « coupable de conspiration contre la liberté de la nation et d’attentats contre la sûreté générale de l’État ? » Oui, pour 707 députés sur 718 présents. C’est la quasi-unanimité pour une culpabilité évidente. La « justice a parlé ».
Deuxième question, même jour : le jugement de la Convention sera-t-il soumis à la ratification populaire ? Les Girondins sont globalement pour, persuadés que la clémence l’emportera : l’« humanité » aurait son tour. Mais cela risque de diviser la France et de faire croire à une démission de la Convention. Les Montagnards sont massivement contre et le Non l’emporte : 424 voix contre 283, une dizaine d’abstentions et une trentaine d’absents. Troisième question, posée dans la séance du 16 au 17 janvier : la peine encourue.
« Je vote pour la mort du tyran dans les vingt-quatre heures. Il faut se hâter de purger le sol de la patrie de ce monstre odieux. »1473
Nicolas RAFFRON de TROUILLET (1723-1801). Base de données des députés français depuis 1789, Assemblée nationale
Avocat et diplomate, il s’est rangé du côté de la Montagne durant le procès du roi.
« Pour préserver les âmes pusillanimes de l’amour de la tyrannie, je vote pour la mort dans les vingt-quatre heures ! »1474
Claude JAVOGUES (1759-1796). Base de données des députés français depuis 1789 [en ligne], Assemblée nationale
Huissier en province avant la Révolution, acquis aux « idées nouvelles », il se range du côté de la Montagne et sans état d’âme. Il continuera de se distinguer par une sauvagerie punitive qui étonne même les Jacobins les plus durs.
366 députés votent pour la mort sans condition, 72 pour la mort sous diverses conditions et 288 pour d’autres peines (prison, bannissement). Cela trahit un embarras certain des députés. D’où la décision de voter à nouveau pour un éventuel sursis à l’exécution, quatrième question posée les 19 et 20 janvier : sursis rejeté par 380 députés contre 310. Contrairement à la légende, Louis XVI n’a pas été condamné à mort à une voix de majorité ! Mais son cousin Philippe Égalité s’est totalement déconsidéré en votant pour la mort.
Les votes se sont déroulés sur quatre jours, nuits comprises, avec appel nominal, chaque député montant à la tribune pour justifier chaque fois son vote sur la peine à appliquer. Le jugement, l’appel au peuple et le sursis une fois rejetés, la sentence est exécutoire dans les 24 heures.
« L’arbre de la liberté ne saurait croître s’il n’était arrosé du sang des rois. »1475
Bertrand BARÈRE de VIEUZAC (1755-1841), à la tribune, 20 janvier 1793. Mémoires de M. de Bourrienne, ministre d’État : sur Napoléon, le Directoire, le Consulat, l’Empire et la Restauration (1829), Louis Antoine Fauvelet de Bourrienne
Le président de la Convention justifie ainsi la condamnation à mort de Louis XVI contre la partie la plus modérée de l’assemblée qui souhaitait atténuer la peine. On le retrouvera en juillet 1793, membre du Comité de salut public, l’un des organisateurs les plus zélés de la Terreur, nommé l’Anacréon de la guillotine.
« Louis doit mourir pour que la patrie vive. »1476
ROBESPIERRE (1758-1794), « célèbre sentence ». Dictionnaire critique de la Révolution française (1992), François Furet, Mona Ozouf
Mots prononcés au début du procès : « Je n’ai pour Louis ni amour ni haine : je ne hais que ses forfaits… » En fait, le roi était jugé d’avance. La Révolution, c’est la souveraineté du peuple et elle ne peut composer avec la souveraineté du roi. Ce n’est pas l’homme Capet qui est en cause, aux yeux des théoriciens tels Robespierre et Saint-Just, c’est l’extravagante condition du monarque. On peut seulement s’étonner de l’hypocrite humanité de Robespierre déclarant dans le même discours : « J’abhorre la peine de mort prodiguée par vos lois. »
Les partisans d’un despotisme éclairé (Autriche, Prusse, Russie, Espagne) ou d’une monarchie constitutionnelle (à l’anglaise ou à la française sous la Restauration) auraient eu besoin d’une personnalité plus forte que celle de ce roi jouet, et jamais acteur de l’histoire. Au terme de la procédure, l’exécution aura lieu le 21 janvier 1793.
« Ô mon peuple, Que vous ai-je donc fait ?
J’aimais la vertu, la justice.
Votre bonheur fut mon unique objet,
Et vous me traînez au supplice ! »1477Complainte de Louis XVI aux Français, quand le verdict fatal est connu à la fin du procès, chanson anonyme. Prières pour le roi, la France, etc. précédées du Testament de Louis XVI et de quelques notes historiques (1816)
« Glapie dans les guinguettes par des chanteurs à gages » sur l’air d’une romance célèbre chantée par Marie-Antoinette, cette complainte a tant de succès qu’elle éclipse un temps La Marseillaise.
« Fils de Saint Louis, montez au ciel. »1478
Abbé EDGEWORTH de FIRMONT (1745-1807), confesseur de Louis XVI, au roi montant à l’échafaud, 21 janvier 1793
Le mot est rapporté par les nombreux journaux du temps. La piété de Louis XVI est notoire et en cela, il est fils de Saint Louis. C’est aussi le dernier roi de France appartenant à la dynastie des Capétiens, d’où le nom de Louis Capet sous lequel il fut accusé et jugé.
« Peuple, je meurs innocent ! »1479
LOUIS XVI (1754-1793), à la foule, place de la Révolution à Paris (aujourd’hui place de la Concorde), 21 janvier 1793. Mémoires d’outre-tombe (posthume), François René de Chateaubriand
« Premier mot de la fin » du roi. L’importance de l’événement est telle que l’imagination populaire ou historienne se donne libre cours. Le roulement de tambours de la garde nationale interrompt la suite de sa proclamation, entendue seulement par le bourreau Sanson et ses aides. La scène sera maintes fois reproduite en gravures et tableaux, avec le bourreau qui brandit la tête du roi, face au peuple amassé.
« Je pardonne aux auteurs de ma mort. Je prie Dieu que mon sang ne retombe pas sur la France. »1480
LOUIS XVI (1754-1793), au bourreau Sanson et à ses aides, 21 janvier 1793. « Second mot de la fin » du roi. Histoire de France depuis les temps les plus reculés (1867), Antonin Roche
Autre mot de la fin attribué au roi, toujours dans le même esprit : « Je souhaite que mon sang puisse cimenter le bonheur des Français. » Et encore : « Dieu veuille que ce sang ne retombe pas sur la France. » Cela relève de la « belle mort », comme pour alimenter la légende. Reste un fait avéré. Louis XVI, tout au long de sa vie, eut une obsession louable et rare chez un roi : ne pas faire couler le sang des Français.
« Louis ne sut qu’aimer, pardonner et mourir !
Il aurait su régner s’il avait su punir. »1481Comte de TILLY (1764-1816). Biographie universelle, ancienne et moderne (1826), Joseph Michaud, Louis Gabriel Michaud
Dans ce célèbre distique (deux vers), le comte de Tilly, défenseur du roi au palais des Tuileries (le 10 août 1792) et auteur de Mémoires (surtout galants) témoigne de cette horreur de la violence, dans une époque où elle fait loi.
« J’ai, au Champ de Mars, déclaré la guerre à la royauté, je l’ai abattue le 10 août, je l’ai tuée au 21 janvier, et j’ai lancé aux rois une tête de roi en signe de défi. »1482
DANTON (1759-1794), La Mort de Danton (1835), drame historique de Goerg Büchner (1813-1837)
Cette réplique lui est prêtée par le poète allemand âgé de 21 ans (mort du typhus à 23). Elle illustre le grand premier rôle révolutionnaire que se donne Danton et qu’il joue effectivement jusqu’à sa chute.
« Le jour où la France coupa la tête de son roi, elle commit un suicide. »1483
Ernest RENAN (1823-1892), La Réforme intellectuelle et morale de la France (1871)
Historien chrétien, il fait référence au lien charnel entre le pays et le roi, allant jusqu’à l’identification à la fin du Moyen Âge, Louis XI affirmant : « Je suis France ». Cette réflexion de Renan intervient au lendemain de la défaite face à l’Allemagne, quand la France amputée, désemparée, n’est pas encore acquise à la République. Peinant à faire son deuil d’un régime monarchique constitutionnel, il parle donc à ses contemporains. Il incrimine la Révolution, son culte de la « table rase » et de l’homme nouveau, regrettant cette irrémédiable rupture dans la continuité historique, dont la mort du roi fut le symbole.
« J’ons plus de roi dans la France […] / À présent tout ira bien
À Paris comme à la guerre. / Je n’craindrons plus le venin
Qui gâtait toute c’t’affaire, / J’aurons vraiment la liberté
En soutenant l’égalité ! »1485Citoyenne Veuve FERRAND (fin du XVIIIe siècle), Joie du peuple républicain (début 1793), chanson. Histoire de France par les chansons (1982), France Vernillat, Pierre Barbier
Chaque événement historique est ponctué de paroles et musique. Cette Joie du peuple républicain est assurément une « chanson de circonstance » : tout ira bien après la mort du roi. Au-delà de cette joie, le choc est immense.
« On a tué des rois bien avant le 21 janvier 1793. Mais Ravaillac, Damiens et leurs émules voulaient atteindre la personne du roi, non le principe […] Ils n’imaginaient pas que le trône pût rester toujours vide. »1484
Albert CAMUS (1913-1960), L’Homme révolté (1951)
L’histoire du monde est riche en régicides, mais les assassins des rois qui tuent un homme ne font que renforcer le mythe de la royauté. Alors qu’un procès public, devant une Assemblée nationale devenue tribunal du peuple, devait mettre fin à la monarchie de droit divin. La mort du roi, chacun en juge selon son camp, des royalistes aux révolutionnaires en passant par toutes les nuances d’opinion, de la droite réactionnaire à la gauche extrême. Cela vaut de manière plus générale pour la Révolution.
Les émigrés royalistes proclament roi, sous le nom de Louis XVII, le jeune dauphin enfermé au Temple. Le comte de Provence (frère aîné de Louis XVI, futur Louis XVIII) est nommé régent du royaume. Autre conséquence directe et tragique, la guerre de Vendée. Cette guerre civile va déchirer, endeuiller, marquer durablement le pays.
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Les personnages marquent leur époque et bien au-delà : ils sont les auteurs et acteurs de l’Histoire, avant que les historiens ne commentent et réécrivent le récit national.
Quant aux citations, leur intérêt n’est plus à prouver : en quelques mots bien choisis, sourcés et contextualisés, le passé reprend vie et fait sens.
Plus ou moins connus, voire célèbres et toujours à redécouvrir, voici 200 noms avec plus d’un quart de femmes et un invité surprise, le peuple anonyme (chansons, slogans…)
Aiglon l’- Anne d’Autriche - Anne de Bretagne - Anne de France - Aragon - Aron - Aubigné d’- Auclert Hubertine - Auriol - Badinter - Baker Joséphine - Barre - Beaumarchais - Beauvoir Simone de - Bellay du - Béranger - Bernhardt Sarah - Berry duchesse de - Bismarck - Blanc (Louis) - Blanche de Castille - Blanqui - Blum - Bonaparte Pauline - Bossuet - Boulanger général - Brasillach - Briand - Bugeaud - Callas Maria - Cambacérès - Camus - Catherine de Médicis - César - Chaban-Delmas - Chamfort - Chanel Coco - Charlemagne - Charles IX - Charles X - Chateaubriand - Châtelet Émilie du - Chirac - Claudel - Claudel Camille - Clemenceau - Clotilde - Clovis - Colbert - Colette (Mme) - Condorcet - Corday Charlotte - Cresson Édith - Curie Marie et Pierre - Danton - Debré - Deffand Mme du - Descartes - Deschanel - Desmoulins - Diderot - Dreyfus - Du Guesclin - Dubois abbé - Dumont (René) - Eugénie de Montijo - Fabius - Ferry - Flaubert - Foch - Fouché - Fouquet - Fouquier-Tinville - France (Anatole) - François Ier - Gambetta - Gaulle de - Gaulle Yvonne de - Giroud Françoise - Giscard d’Estaing - Gouges Olympe de - Grégoire abbé - Grévy - Guillotin - Guizot - Guy Alice - Halimi Gisèle - Henri III - Henri IV - Henriette d’Angleterre - Hugo - Isabeau de Bavière - Jaurès - Jeanne d’Arc - Joffre - Joséphine de Beauharnais - L’Hospital de - La Bruyère - La Fayette - Lamartine - Louis IX - Louis XI - Louis XII - Louis XIII - Louis XIV - Louis XV - Louis XVI - Louis XVII (Dauphin) - Louis XVIII - Louis-Philippe - Louise de Savoie - Lyautey - Mac-Mahon - Macron - Madame Mère - Madame Royale - Mademoiselle la Grande - Maintenon Mme de - Malraux - Marat - Marchais - Marguerite de Navarre - Marguerite de Valois - Marie de Médicis - Marie Leczinska - Marie Stuart - Marie-Antoinette - Marie-Louise - Marvingt Marie - Marx - Mauriac - Mauroy - Maurras - Mazarin - Michel Louise - Michelet - Mirabeau - Mitterrand - Molière - Monnet - Montaigne - Montespan marquise de - Montesquieu - Montherlant - Moulin - Napoléon - Napoléon III - Palatine La (princesse) - Pascal - Péguy - Pétain - peuple (le) - Philippe Auguste - Philippe d’Orléans (le Régent) - Philippe le Bel - Picasso - Pinay - Pisan Christine de - Poincaré - Poitiers Diane de - Pompadour marquise de - Pompidou - Proudhon - Rabelais - Récamier Juliette - Richelieu - Rivarol - Robespierre - Rocard - Rochefort - Roland Mme - Ronsard - Rousseau - Saint-Exupéry - Saint-Just - Saint-Simon comte de - Saint-Simon duc de - Sand George - Sarkozy - Sartre - Schoelcher - Schuman - Sévigné marquise de - Sieyès abbé - Sorel Agnès - Staël Mme de - Sully - Talleyrand - Tallien - Tallien Mme - Thiers - Thorez - Tocqueville - Turgot - Valéry - Veil Simone - Vercingétorix - Vergniaud - Villepin - Voltaire - Weill Simone - Weiss Louise - Zola
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