« Ils ont décapité la France, les bourreaux ! »
(??-1563), à son fils, devant le château d’Amboise, mars 1560
La Vie d’un héros, Agrippa d’Aubigné (1913), Samuel Rocheblave.
Enfant de 8 ans, Agrippa d’Aubigné sera marqué à vie par la vue des conjurés protestants pendus sur la terrasse du château. C’est l’épilogue de la conjuration d’Amboise.
Les chefs protestants (Condé, Coligny, Henri de Bourbon) voulaient exprimer leurs doléances et d’abord soustraire le jeune roi François II à l’influence de ses oncles, le duc de Guise et le cardinal de Lorraine, catholiques responsables de la répression religieuse. Mais ils refusent la violence, et l’enlèvement est organisé par d’autres gentilshommes, dont Jean d’Aubigné. Le complot échoue et le « tumulte » d’Amboise est noyé dans le sang. Le prince de Condé sera arrêté, mais relâché, aussitôt prêt à une nouvelle conjuration.
Le père d’Aubigné demande à son fils de « venger ces chefs pleins d’honneur » au péril de sa vie : ce qu’il fera, la plume et l’épée à la main, soldat, poète et mystique, parfaite incarnation des excès et des vertus de son époque.
La guerre civile imminente est différée par un autre drame, la mort du jeune roi.
« Je veux peindre la France une mère affligée, Qui est, entre ses bras, de deux enfants chargée. »
Agrippa d’AUBIGNÉ (1552-1630), Les Tragiques (1616)
Témoin à 8 ans des horreurs de la guerre civile qui commence à déchirer le pays et jurant à son père calviniste de venger les pendus d’Amboise en 1560, il mourra à 78 ans, sous le règne de Louis XIII.
Combattant aussi farouche l’épée ou la plume à la main, il entreprend cette épopée de la foi en 1577 – long poème de sept livres, publié en 1616, quand le fond et la forme en apparaîtront totalement anachroniques. Cri de haine contre les catholiques, hymne à la gloire des protestants, chant d’amour à la France incarnée en femme.
Cette année 1577, la France vit sa sixième guerre de Religion. Parti catholique et parti protestant se sont également renforcés, structurés, au point que nul ne peut vraiment l’emporter. La paix de Bergerac ne sera que provisoire.
« Le printemps de l’Église et l’été sont passés. »
Agrippa d’AUBIGNÉ (1552-1630), Les Tragiques (1616)
Ce protestant pur et dur déplore la situation de l’Église réformée dont les fidèles se font de plus en plus rares. L’édit de Nantes n’est qu’un compromis provisoire pour l’Église catholique qui se veut toutepuissante, et même les Politiques, autrement dit le parti modéré, voient dans cette coexistence de deux religions un mal, l’idéal demeurant « Un sceptre, une foi ».
« Sire, vous n’avez encore renoncé Dieu que des lèvres, et il s’est contenté de les percer ; mais quand vous le renoncerez, alors il percera le coeur. »
Agrippa d’AUBIGNÉ (1552-1630), à Henri IV, au lendemain de l’attentat de Châtel. Étude historique et littéraire sur Agrippa d’Aubigné (1883), Eugène Réaume
Le très fervent protestant regrette qu’Henri IV ait fait l’échange de Paris contre une messe – pour ne pas dire son âme. L’abjuration l’a indigné, l’édit de Nantes ne le satisfera pas, ne faisant que tolérer sa religion.
Bien que resté fidèle au roi, il se retire dans ses terres de Vendée, comme gouverneur, reprenant du service sous Louis XIII, puis contraint de se réfugier à Genève où il meurt, à près de 80 ans. Ironie de l’histoire, sa petite-fille, Françoise d’Aubigné, devenue marquise de Maintenon et femme de Louis XIV, contribuera pour une large part à la révocation de l’édit de Nantes et aux nouvelles persécutions contre les protestants.
Sa citation est une référence à l’attentat de Jean Châtel, qui blesse le roi Henri IV à la lèvre d’un coup de couteau le 27 décembre 1594.
« Il faut que je dise ici que la France, en le perdant, perdit un des plus grands rois qu’elle eût encore eus ; il n’était pas sans défauts, mais en récompense il avait de sublimes vertus. »
Agrippa d’AUBIGNÉ (1552-1630). Histoire de France au dix-septième siècle, Henri IV et Richelieu (1857), Jules Michelet
Protestant ardent, mais resté fidèle au roi même après l’abjuration et l’édit de Nantes (qui ne le satisfaisait pas), d’Aubigné énonce une grande vérité à la mort d’Henri IV le Grand. L’assassinat frappe la France de stupeur, et fait du roi un martyr. Ce drame change aussitôt son image, fait taire toute critique et donne au personnage une immense popularité. La légende fera le reste. D’autant que la régente qui lui succède manque totalement de ces vertus politiques qui font les grands règnes.
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