Mourir SIMPLEMENT sur un dernier regret, un mot banal, mais émouvant, vue la situation. Mourir bien loin de la « pose » et du Panthéon, proche de l’humain et de la vérité. L’Histoire vaut d’être contée aussi par et pour cela.
« Si c’était un homme du moins ! C’est un goujat ! »524
(1519-1572), dans la nuit du 23 au 24 août 1572
Histoire de France au seizième siècle, Guerres de religion (1856), Jules Michelet.
Coligny toise l’homme qui va le frapper, un sbire des Guise, même pas un seigneur digne de lui ! Cette exclamation de mépris peut être considérée comme son « mot de la fin », avec le regret de n’être même pas mort en soldat !
Ce grand militaire a servi tous les rois de France, depuis François Ier, participé à toutes les guerres, quitté plusieurs fois la cour pour fuir ses intrigues, toujours rappelé pour ses qualités de courage, de diplomatie et même de tolérance, quand il se convertit à la religion réformée. Sa fin à 53 ans est des plus humiliantes : surpris dans son lit, achevé à coups de dague, son corps jeté par la fenêtre, éventré, émasculé, décapité, puis porté au gibet de Montfaucon, exhibé, pendu par les pieds, exposé à d’autres sévices, pour finir à nouveau pendu place de Grève.
« Ah ! le méchant moine, il m’a tué, qu’on le tue ! »573
HENRI III (1551-1589), Saint-Cloud, 1er août 1589
Dominicain de 22 ans, ligueur fanatique, Jacques Clément préparait son geste : le complot est connu, approuvé de nombreux catholiques et béni par le pape Sixte Quint. Le moine réussit à approcher le roi – seul, sur sa chaise percée. La garde personnelle (les Quarante-Cinq), alertée par les cris du roi poignardé, transperce l’assassin à coups d’épée : défenestré, le corps est sitôt tiré par quatre chevaux, écartelé, et brûlé sur le bûcher, pour régicide. La scène se rejouera avec Ravaillac et Henri IV.
« Ce n’est rien. »662
HENRI IV (1553-1610), 14 mai 1610
Mot de la fin minimal et paradoxal. Il vient d’être poignardé par Ravaillac : l’homme a sauté dans le carrosse bloqué par un encombrement, rue de la Ferronnerie, alors que le roi se rendait à l’Arsenal, chez Sully son ministre et ami, souffrant. Le blessé a tressailli sous le coup, et redit « Ce n’est rien », avant de mourir.
Le régicide sera écartelé, après avoir été torturé : il affirma avoir agi seul. Sully, dans ses Mémoires, n’y croit pas. Tous les complots et attentats contre les rois de l’époque s’inspirent de la théorie du tyrannicide : « Nulle victime n’est plus agréable à Dieu qu’un tyran. » (Jean Gerson)
« Oui ! Je tremble, mais c’est de froid. »1555
Jean-Sylvain BAILLY (1736-1793), avant son exécution dont les préparatifs s’éternisent, 12 novembre 1793
Il attend, dans le froid et sous la pluie. Exécution prévue au centre de l’esplanade, mais l’on décide de transporter la guillotine et de la remonter dans un coin obscur. Cela prend du temps et le condamné ne peut réprimer les tremblements de tout son corps. Un assistant du bourreau se moque du vieil homme : « Tu trembles, Bailly ! » D’où la réponse.
Ex-président de la Constituante et maire de Paris au lendemain de la prise de la Bastille, c’est un grand scientifique, astronome et mathématicien, membre de l’Académie des Sciences (1763) et de l’Académie française (1783). Il paie de sa vie son refus de témoigner à charge au procès de Marie-Antoinette, ainsi que la fusillade du Champ de Mars (17 juillet 1791), considérée comme un crime contre le peuple.
« Hélas ! je n’ai rien fait pour la postérité ; et pourtant, j’avais quelque chose là. »1599
André CHÉNIER (1762-1794), se frappant le front avant de monter à l’échafaud, 25 juillet 1794
L’une des dernières victimes de la Terreur (guillotiné deux jours avant l’arrestation de Robespierre) : avec autant de courage que de talent, de son « cœur gros de haine, affamé de justice », le poète crie jusqu’à la fin sa révolte contre les exactions. Il n’a que 32 ans. Il s’est engagé avec enthousiasme dans la Révolution, avant de s’opposer aux Girondins. Plutôt que d’émigrer, il a tenté de sauver Louis XVI. C’était un suspect idéal ! Son frère cadet, Marie-Joseph Chénier, lui-même suspect (et auteur), n’a rien pu faire pour le sauver.
« Qu’il est affreux de mourir ainsi de la main des Français ! »1745
Duc d’ENGHIEN (1772-1804), quelques instants avant son exécution, 21 mars 1804
Napoléon Bonaparte, Premier Consul, sait que le prince de 32 ans, dernier rejeton de la prestigieuse lignée des Condé, n’est pour rien dans le dernier complot (avec Cadoudal), même s’il est le chef d’un réseau antirépublicain qui projette de l’assassiner, à la veille de l’Empire. Il le fait condamner après un simulacre de jugement, et fusiller la nuit même dans les fossés de Vincennes. « Pire qu’un crime, c’est une faute » qui lui sera reprochée par l’histoire.
Cette exécution sommaire indigne l’Europe et tous les rois se ligueront bientôt contre l’empereur. Mais le drame émeut également la France : détails sordides de l’exécution et douleur de la princesse Charlotte de Rohan-Rochefort, qui portera toute sa vie le deuil de cet amour - le mariage était en préparation.
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