Siècle de Louis XIV - avant le règne personnel.
Deux personnages à la tête de l’État.
Mazarin succède à Richelieu dans le rôle de Premier (« principal ») ministre et Anne d’Autriche, mère de l’enfant-roi, assure la régence.
Les commentaires sont allégés, les coupes signalées (…) Retrouvez l’intégralité dans nos Chroniques de l’Histoire en citations.
Personnage de Mazarin
« Il se fit de la honte de tout ce que l’autre [Richelieu] s’était fait de l’honneur. Il se moqua de la religion. Il promit tout, parce qu’il ne voulut rien tenir. Il ne fut ni doux ni cruel, parce qu’il ne se ressouvenait ni des bienfaits ni des injures. Il s’aimait trop, ce qui est le naturel des âmes lâches. »752
(1613-1679), Mémoires (1671-1675)
(…) Chef de parti aux grandes ambitions politiques sous la Fronde, c’est l’un des vaincus de Mazarin (…) Son témoignage sur cet autre cardinal à la réussite politique exemplaire est partial, ses Mémoires n’en sont pas moins une précieuse évocation de ces temps de trouble (…)
« Son esprit, qui lui a rendu de si bons services en sa vie, était assurément de premier ordre, fin, délié, pénétrant, sage, judicieux, grave, modeste, grand et élevé. »753
Louis-Henri de LOMÉNIE de BRIENNE (1635-1698), Mémoires de Louis-Henri de Loménie, comte de Brienne (posthume, 1720)
Conseiller d’État à 16 ans, secrétaire d’État aux Affaires étrangères à 23, surnommé le Jeune pour le distinguer de son père (Henri-Auguste de Loménie de Brienne), il juge en connaisseur. Michelet appréciera en historien : « Mazarin, le rusé […] cette glissante couleuvre ».
« L’autorité du Roi, c’est le repos de l’État. »754
MAZARIN (1602-1661). Encyclopædia Universalis, article « Jules Mazarin, l’homme d’État »
Mazarin pense et parle ici comme Richelieu dont il fut le principal collaborateur, avant de lui succéder au Conseil du roi et au pouvoir. Il reflète aussi l’opinion universellement admise à l’époque (…) Le jeune roi, dont il fait l’éducation politique en l’initiant aux affaires, va se révéler l’élève surdoué de ce maître en politique (…)
« Ce que l’intérêt a uni, l’intérêt peut le désunir. »755
MAZARIN (1602-1661). Encyclopædia Universalis, article « Jules Mazarin, l’homme d’État »
Les opposants – nobles, représentants du clergé, parlementaires, tous les acteurs de la Fronde – se jalousent et leurs intérêts divergent. Mazarin le sait. Il négocie donc sans cesse pour diviser ses adversaires, souvent très habilement, mais parfois louvoyant à l’excès.
« Est-il heureux ? »756
MAZARIN (1602-1661). Mémoires de madame la duchesse d’Orléans, princesse Palatine (1832), Busoni
Mot bien connu du ministre, quand on lui proposait quelqu’un pour entrer à son service (…) Cela signifie en réalité : « La chance est-elle avec lui ? » Mazarin s’entoure des meilleurs collaborateurs au gouvernement, à tel point que Louis XIV, prenant le pouvoir à sa mort, garde à son service Colbert, Le Tellier, Lionne - pas Fouquet condamné pour avoir été « trop heureux » dans ses affaires personnelles.
« Jamais personne n’eut les manières si douces en public, si rudes dans le domestique. »757
Hortense MANCINI (1646-1699), Mémoires
La duchesse de Mazarin est la plus jolie des cinq « Mazarinettes », nièces de Mazarin qui ont quitté Rome pour suivre l’oncle allant faire carrière en France. Sa vie amoureuse et mondaine défraie la chronique, mais toute la famille Mazarin fait parler d’elle. Bien que le cardinal ait assuré la fortune des siens, ils ne lui en ont nulle reconnaissance.
« Grand Cardinal, que la fortune
Qui t’élève en un si haut rang,
Ne te fasse oublier ton sang,
Et que tu es de la commune. »758Avertissement des enfarinés. La Vieille Fronde, 1648 (1832), Henri Martin
Le peuple déteste cet Italien de petite extraction qui, au terme d’une irrésistible ascension, possède un si grand pouvoir, en quelque sorte volé à la régente, puis au jeune roi (…) Mazarin accumule une immense fortune. À sa mort, il fait don à l’État de ses collections et de sa bibliothèque personnelle : la Mazarine, première bibliothèque ouverte au public (…)
« Qu’ils chantent, pourvu qu’ils paient. »759
MAZARIN (1602-1661). Dictionnaire de français Larousse, au mot « payer »
Un impôt de plus, des relations supposées avec la reine, une impopularité grandissante, tout est occasion de mazarinade (pamphlet), mais Mazarin se moque de ces chansons et de ceux qui les chantent. Il bravera toutes les formes d’opposition, gardant et renforçant son pouvoir jusqu’à sa mort (…)
Personnage d’Anne d’Autriche
« La régente espagnole ouvre son règne de quinze ans par un chemin de fleurs. Elle est femme et elle a souffert. Les cœurs sont attendris d’avance. Elle est faible. Chacun espère en profiter. »760
Jules MICHELET (1798-1874), Histoire de France au dix-septième siècle, Richelieu et la Fronde (1858)
Anne d’Autriche, fille de Philippe III d’Espagne, bénéficie selon Michelet de ce qu’on appellerait aujourd’hui un état de grâce : « Ce peuple singulier, qui parle tant de loi salique, est tout heureux de tomber en quenouille. Sans qu’on sache pourquoi ni comment, cette étrangère est adorée. » Pas longtemps.
« Je voudrais bien étrangler
Notre pute de Reine !
Ô gué, notre pute de Reine. »761Mazarin, ce bougeron, mazarinade. Histoire de France par les chansons (1982), France Vernillat, Pierre Barbier
L’attaque contre la vie privée est une constante à l’époque : la règle de cet art pamphlétaire est de ne rien respecter ; et les reines pas plus que les rois n’ont de « vie privée », au sens moderne du mot. Attaqué aussi, et même en premier, le cardinal détesté : « Mazarin, ce bougeron / Dit qu’il n’aime pas les cons / C’est un scélérat / C’est un bougre ingrat… »
« Je plains le sort de la Reine ;
Son rang la contraint en tout ;
La pauvre femme ose à peine
Remuer quand on la f… »762Le Frondeur compatissant, mazarinade (…)
Dès la mort de Louis XIII dont les chansons célébrèrent les insuffisances conjugales, voilà que l’on soupçonne les relations d’Anne d’Autriche avec « Mazarin ce bougeron » (…) On jasa beaucoup, on supposa tout, y compris un mariage secret. Anne d’Autriche nia toujours, assurant même que Mazarin « n’aimait pas les femmes » (…)
« La reine […] avait plus d’aigreur que de hauteur, plus de hauteur que de grandeur, plus de manière que de fond, […] plus de dureté que de fierté, plus de mémoire des injures que des bienfaits, plus d’intention de piété que de piété, plus d’opiniâtreté que de fermeté et plus d’incapacité que de tout ce que dessus. »763
Cardinal de RETZ (1613-1679), Mémoires (1671-1675)
Frondeur et chef de parti, l’auteur de ce portrait s’oppose à la régente qui fait d’ailleurs preuve d’une certaine fermeté, dans cette période très difficile à vivre.
« Adieu, mes draps de satin
Adieu ma mollette couche,
Car, sans mon Sicilien,
Rien au monde ne me touche. »764Mort d’Anne d’Autriche, chanson. Histoire de France par les chansons (1982), France Vernillat, Pierre Barbier
Sa réputation de « pute de Reine » la suit jusqu’à sa mort, en 1666. Elle s’est retirée dans l’abbaye du Val-de-Grâce qu’elle a fait construire à Paris, dès la mort de Mazarin et la prise du pouvoir par Louis XIV, en 1661 (…)
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