Règne personnel de Louis XIV - Prologue (fin)
Les commentaires sont allégés, les coupes signalées (…) Retrouvez l’intégralité dans nos Chroniques de l’Histoire en citations.
Finances, économie et société
« Qui presse trop la mamelle pour en tirer du lait, en l’échauffant et en la tourmentant, tire du beurre ; qui se mouche trop fortement fait venir le sang ; qui presse trop les hommes excite des révoltes et des séditions. C’est la règle que donne Salomon. »832
(1627-1704), Politique tirée de l’Écriture sainte (posthume)
Le prélat dénonce ici les méfaits d’une trop forte pression fiscale. Colbert tente en vain d’équilibrer le budget de l’État, mais la guerre et l’industrialisation du pays sont trop coûteuses et il n’ose pas s’attaquer au vrai problème : des impôts mal répartis et peu productifs (…)
« Par la gabelle et les aides, l’inquisition entre dans chaque ménage. »833
Hippolyte TAINE (1828-1893), Les Origines de la France contemporaine, tome I, L’Ancien Régime (1875)
(…) La levée des impôts est assurée par les « fermiers », traitants ou « partisans » privés qui passent contrat avec l’État : ils lui remettent une somme forfaitaire et prélèvent les taxes et droits sur les contribuables, en faisant leur bénéfice. Le fermier est un personnage aussi haï que l’intendant sous l’Ancien Régime, notamment du fait de nombreux abus.
« Toute la bourgeoisie fut tenue sous la terreur d’un arbitraire indéfiniment élastique qui croissait ou baissait à la volonté des commis. Ces commis gouvernèrent […] sous le nom d’“intendants”, armés d’un pouvoir triple de justice, police et finances […] Un seul roi reste en France […] c’est l’Intendant, l’envoyé du ministre. »834
Jules MICHELET (1798-1874), Histoire de France au dix-septième siècle, Richelieu et la Fronde (1858)
(…) Nommé par le roi, révocable à volonté, l’intendant est l’agent docile et dévoué du pouvoir central. Surchargé de travail, il s’entoure de subdélégués, eux-mêmes aidés par des adjoints sur lesquels certains se déchargent pratiquement du pouvoir d’administrer (…) Les préfets exerceront à partir de 1800 des fonctions analogues aux intendants (…)
« Il n’y a rien de plus nécessaire dans un État que le commerce […] Le commerce est une guerre d’argent. »835
Jean-Baptiste COLBERT (1619-1683), Mémoire sur le commerce (1664)
Infatigable homme-orchestre du gouvernement, il dresse un vaste programme qui résume la politique industrielle, commerciale, fiscale, maritime de la France (…) Ce mercantilisme – doctrine exaltant la mentalité et l’activité marchandes – poursuit un but moins économique que politique : plus que le bien-être des Français, Colbert veut la puissance de l’État.
« Si le financier manque son coup, les courtisans disent de lui : c’est un bourgeois, un homme de rien, un malotru ; s’il réussit, ils lui demandent sa fille. »836
Jean de LA BRUYÈRE (1645-1696), Les Caractères (1688)
De plus en plus nombreux sont les mariages entre gentilshommes pauvres et filles de riches roturiers. Un comportement utilitaire tend à remplacer le comportement traditionnel.
« Bon mariage, mon fils […] Il faut bien que vous preniez du fumier pour engraisser vos terres ! »837
Duchesse de CHAULNES (??-1699) à son fils, le duc de Picquigny. Mémoires (posthume), Saint-Simon
« La duchesse de Chaulnes avait beaucoup de dignité, une politesse choisie, un sens et un désir d’obliger qui tenaient lieu d’esprit », selon le mémorialiste. Son fils vient d’épouser la fille du riche financier Bonnier, septième fortune du royaume. C’est ce qui s’appelle un « bon mariage ».
« J’aime un amour fondé sur un bon coffre-fort […]
Cette veuve, je crois, ne serait point cruelle ;
Ce serait une éponge à presser au besoin. »838Jean-François REGNARD (1655-1709), Le Joueur (1696)
L’argent occupe une place croissante dans la société : la littérature reflète ce changement dans les mœurs. Regnard, riche bourgeois, traite le fait avec un franc comique.
« C’est l’usurier le plus juif : il vend son argent au poids de l’or. »839
Alain René LESAGE (1668-1747), Turcaret ou le Financier (1709)
Auteur dramatique et romancier sans fortune, obligé de vivre de sa plume, il dénonce le règne de l’argent, dans ses comédies de mœurs trop impitoyablement réalistes pour n’être que comiques. Il crée le personnage de Turcaret, ancien laquais enrichi par la spéculation, parvenu insolent et sot, évoluant dans un monde corrompu, servi et trahi par son valet Frontin (…)
« Les enfants ne se soutiennent que par des herbes et des racines qu’ils font bouillir, et les enfants de quatre à cinq ans, auxquels les mères ne peuvent donner de pain, se nourrissent dans les prairies comme des moutons. »840
Procureur général du Parlement de Bourgogne. La Vie quotidienne sous Louis XIV (1964), Georges Mongrédien
Témoignage de 1709. Le Grand Hiver hantera les mémoires : la Seine gèle, de Paris à son embouchure ! Transports par eau paralysés, récoltes perdues, prix du blé décuplé (…) Hors circonstances exceptionnelles (…) la France profonde a beaucoup souffert de la misère et des famines (…) Les paysans des autres pays moins riches étaient sans doute plus malheureux.
« Toutes les guerres sont civiles, car c’est toujours l’homme contre l’homme qui répand son propre sang, qui déchire ses propres entrailles. »841
FÉNELON (1651-1715), Les Aventures de Télémaque (1699)
Écho d’un courant pacifiste nouveau, qui annonce les philosophes du siècle suivant : « La guerre épuise un État et le met toujours en danger de périr, lors même qu’on remporte les plus grandes victoires […] On dépeuple son pays, on laisse les terres presque incultes, on trouble le commerce… on affaiblit les meilleures lois et on laisse corrompre les mœurs. »
« Selon que vous serez puissant ou misérable
Les jugements de cour vous rendront blanc ou noir. »842Jean de LA FONTAINE (1621-1695), Fables, Les Animaux malades de la peste (1678)
La Fontaine se sert « d’animaux pour instruire les hommes », mais aussi pour faire une satire de son époque, comme Molière et La Bruyère.
« Si j’étais accusé d’avoir volé les tours de Notre-Dame, je commencerais par m’enfuir. »843
Appréciation sur la justice attribuée à divers hauts magistrats à la fin du XVIIe siècle. Dictionnaire de français Larousse, au mot « vol »
La monarchie absolue va de pair avec un certain arbitraire. Les intendants ne peuvent veiller à tout. Le seigneur demeure puissant sur ses terres, le noble de robe ou le bourgeois récent acquéreur de la seigneurie n’est pas moins âpre ! Magistrats trop peu nombreux (…) parfois complices des nobles. L’autorité royale n’intervient qu’en cas d’oppression flagrante (…)
« Il n’y a jamais rien à ajouter à la Religion, parce que c’est un ouvrage divin qui a d’abord la perfection […] Les hérésies n’ont jamais été que des opinions particulières, puisqu’elles ont commencé par cinq ou six hommes. »844
BOSSUET (1627-1704), Six Avertissements aux protestants (1689-1691)
Théologien passionné, l’évêque de Meaux s’exprime en véritable chef de l’Épiscopat français. Gallican défenseur de l’unité de l’Église de France, il lutte contre l’hérésie, notamment le protestantisme et le quiétisme (…) Les jansénistes de Port-Royal sont les premiers persécutés du règne, la révocation de l’édit de Nantes (…) étant l’une des plus graves erreurs politiques de Louis XIV.
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