L’humour, 9e épisode : Siècle de Louis XIV. Règne personnel (1661 - 1715).
Un règne très long, très bien rempli, consacré par Voltaire dans Le Siècle de Louis XIV.
Des faits divers et des faits de guerre, quelques grands ministres (Colbert, Louvois) et le plus grand roi de notre histoire…
Et surtout une vie culturelle exceptionnelle, encouragée par le mécénat royal et déjouant habilement la censure : les chefs-d’œuvre du classicisme français renforcent le prestige de la royauté dans une Europe baroque, mais fascinée par ce rayonnement de tous les arts.
Quant à l’humour… On en trouve aussi, avant le siècle des Lumières où il deviendra roi absolu.
« Mon frère, vous allez épouser tous les os des Saints Innocents. »856
(1638-1715), à son frère Philippe d’Orléans, fin mars 1661
Mémoires de Mlle de Montpensier.
L’humour n’est guère dans son caractère - le roi a trop de rigueur et de raison, un parfait contrôle de ses faits, gestes et mots, une trop haute idée de son métier de roi et une piété trop sincère pour badiner avec les symboles religieux. Ce mot est d’autant plus précieux. D’autant plus savoureux aussi, quand on connaît le contexte et la suite de l’histoire.
« Monsieur », frère du roi, est notoirement homosexuel. C’est Mazarin qui s’est chargé de l’efféminer plus que de nature, pour éliminer en lui toute velléité de rivalité avec son aîné. On le marie donc malgré lui à Henriette Anne d’Angleterre, princesse anglaise atrocement maigre, alors que la mode est aux femmes bien en chair. Mais Madame, femme de Monsieur, s’épanouira joliment et le roi lui-même deviendra son amant, parmi d’autres.
Aussi belle que spirituelle, elle vit au-dessus des moyens d’une santé fragile : passion pour la chasse et la danse, goût des intrigues, quatre maternités, scènes de jalousie de Monsieur qui voit sa femme dans les bras de son favori, le comte de Guiche… On parla d’un empoisonnement, démenti après autopsie. En tout cas, la mort subite d’Henriette, à 26 ans, cause un émoi dont Bossuet donne un juste écho, dans la plus célèbre de ses oraisons funèbres : « Madame se meurt, madame est morte… »
Toutes les citations ci-dessous sont commentées dans nos Chroniques en 10 volumes, qui racontent l’histoire de France de la Gaule à nos jours, en 3 500 citations numérotées, sourcées, replacées dans leur contexte, et signées par près de 1 200 auteurs.
« Après l’Agésilas,
Hélas !
Mais après l’Attila,
Holà ! »867BOILEAU, Épigramme (1667)
Cruauté du monde théâtral. Fin du règne du grand Corneille, après l’échec de ces deux tragédies créées à un an d’intervalle. Le jeune Racine triomphe à son tour, Molière est roi dans la comédie, La Fontaine use du bestiaire en fabuliste de génie, Lully invente l’opéra à la française. Décennie prodigieuse, floraison de chefs-d’œuvre, triomphe du mécénat artistique.
« Tu trembles, carcasse, mais tu tremblerais bien davantage si tu savais où je vais te mener ! »868
TURENNE, 1667
Il se parle à lui-même… ou à son cheval, nommé Carcasse. Le maréchal reprend du service, vingt ans après sa brillante guerre de Trente Ans. L’armée française, instrument du règne, est la plus puissante d’Europe. Cette armée de métier a tous les moyens nécessaires et un grand ministre de la Guerre, Louvois.
La guerre de Dévolution, dite aussi de Flandre ou des Droits de la Reine, première guerre de conquête de Louis XIV, se prépare depuis le début du règne par un jeu d’alliances. À la mort de Philippe IV d’Espagne (1665), Louis XIV, invoquant le traité des Pyrénées (1659), entend faire valoir les droits de sa femme sur les Pays-Bas (espagnols) : fille du roi d’Espagne, elle y a renoncé en épousant le roi de France, mais en échange d’une dot considérable, toujours impayée… Les victoires se succèdent, Louvois et Vauban ont bien préparé l’armée. En trois mois, cette année 1667, Turenne enlève la Flandre (dont Lille) à l’Espagne.
« Je m’en vais vous mander la chose la plus étonnante, la plus surprenante, la plus merveilleuse, la plus miraculeuse, la plus triomphante, la plus étourdissante, la plus inouïe, la plus singulière, la plus extraordinaire, la plus incroyable, la plus imprévue, la plus grande, la plus petite, la plus rare, la plus commune, la plus éclatante, la plus secrète jusqu’aujourd’hui, la plus brillante, la plus digne d’envie… »875
Marquise de SÉVIGNÉ, Lettre, 15 décembre 1670
Quelle « chose » déchaîne le talent de l’infatigable chroniqueuse du Grand Siècle ? Tout simplement le mariage annoncé pour dimanche prochain de M. de Lauzun avec… « Devinez qui ? Mademoiselle, la Grande Mademoiselle […] Mademoiselle, destinée au trône ; Mademoiselle, le seul parti de France qui fût digne de Monsieur. » En fait, Mademoiselle n’épousera pas Lauzun dimanche prochain. Le roi s’y oppose.
« Presque tous les hommes meurent de leurs remèdes et non pas de leurs maladies. »879
MOLIÈRE, Le Malade imaginaire (1673)
Malade d’une tuberculose que les médecins du temps sont impuissants à guérir et qu’il ridiculise à plaisir. Le plus génial auteur comique français, le plus joué au monde, le plus humain aussi, écrit et incarne le rôle-titre quatre fois, avant de mourir dans la nuit - chez lui et riche, contrairement à la légende.
Tous les commentaires de ces citations se trouvent dans la série des 10 Chroniques :
Les Chroniques, en 10 volumes, racontent l’histoire de France de la Gaule à nos jours, en 3 500 citations numérotées, sourcées, replacées dans leur contexte, et signées par près de 1 200 auteurs.
L’Histoire apparaît comme un scénario de film à grand spectacle, alternant avec une pièce de théâtre intime, toujours entre comédie et tragédie.
Elle s’incarne à travers toutes sortes de personnages. Les noms célèbres côtoient des inconnus, et le peuple, anonyme, occupe constamment la scène, prenant le premier rôle, de Révolution en Commune.
Toute époque tragique abonde en mots épiques et mots de la fin, mais l’esprit à la française résiste, même aux pires moments de la Terreur, des massacres ou des guerres.
Au fil des citations, l’action avance et rebondit, cependant que toutes les opinions et les passions s’expriment. Au final, il s’en dégage une réalité, voire une vérité historique, humaine et multiforme.
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