Louis XIV et Colbert. Duo presque sans fausse note.
Le ministre cumule quasiment tous les postes et n’est que le serviteur du roi. Une vie de galère : tâche épuisante, impopularité constante, jalousie des confrères courtisans. Et une menace de disgrâce, à la fin de sa vie… Colbert, venu après Mazarin, a meilleure réputation auprès des historiens : comme créateur du « colbertisme » et grand commis de l’État.
« Fouquet a sauvé sa vie profonde, laissant Colbert condamné à ramer sur la galère mondaine, avec des gants parfumés. Les dieux n’aiment pas l’homme heureux. »861
(1888-1976), Fouquet ou le soleil offusqué (1961)
Invité par Fouquet à une fête somptueuse en son château de Vaux le 17 août 1661, le roi charge Colbert d’enquêter sur l’insolente fortune du surintendant des Finances et le fait arrêter. Au terme d’un procès de trois ans, plein d’irrégularités, Fouquet est condamné pour abus, malversations et lèse-majesté, à la confiscation de ses biens et au bannissement. Le roi transforme la peine en prison perpétuelle, dans la forteresse de Pignerol - Fouquet est peut-être le « masque de fer ».
Colbert, qui briguait sa place, lui a succédé, comme intendant des Finances – poste de surintendant supprimé.
« Pro rege saepe ; pro patria semper. » « Pour le roi souvent ; pour la patrie toujours. »862
Jean-Baptiste COLBERT (1619-1683), sa devise
Fils de bourgeois anoblis (drapiers de Reims), il sera l’un des grands « commis de l’État » durant 22 ans, sachant rester au second plan pour ne pas faire d’ombre au Roi-Soleil. Homme de dossiers, mais aussi de clan et de famille, il place ses hommes et ses fils, marie ses filles à des ducs, lutte contre le clan Le Tellier (et surtout Louvois, ministre de la Guerre).
Travailleur infatigable, il cumule les postes clés. La France du Siècle de Louis XIV lui doit son rayonnement international. Une disgrâce royale imminente en fin de vie semble plus injuste que son impopularité dans le pays.
« Il n’y a rien de plus nécessaire dans un État que le commerce […] Le commerce est une guerre d’argent. »835
Jean-Baptiste COLBERT (1619-1683), Mémoire sur le commerce (1664)
Homme-orchestre du gouvernement, il dresse un vaste programme : « Il faut rétablir ou créer toutes les industries, même de luxe ; établir le système protecteur dans les douanes ; organiser les producteurs et les commerçants en corporations ; alléger les entraves fiscales nuisibles à la population ; restituer à la France le transport maritime de ses produits ; développer les colonies et les attacher commercialement à la France ; développer la marine militaire pour protéger la marine marchande. » Dans une France agricole à 90 %, il privilégie l’industrie et le commerce. Sa plus grande réussite, la marine française relevée et développée. Ce mercantilisme – doctrine exaltant la mentalité et l’activité marchandes – poursuit un but moins économique que politique : plus que le bien-être des Français, Colbert veut la puissance de l’État.
« Sollicitez fortement le particulier qui veut entreprendre un établissement de le réussir et, s’il a besoin de la protection du roi, vous pouvez lui assurer qu’elle ne lui manquera pas. »866
Jean-Baptiste COLBERT (1619-1683), Conseil donné à l’un de ses mandataires à Lille, vers 1665
Illustration d’une politique industrielle nationaliste, le « colbertisme » implique divers postulats favorables : dynamisme économique et goût du travail (première qualité de Colbert), volonté d’expansion extérieure à partir de solides bases nationales, aspiration à la croissance. Il débouche sur l’intervention de l’État : les manufactures « royales » se multiplient, entreprises privées, bénéficiant de subventions, d’exemptions fiscales ou d’un monopole de fabrication ou de vente (à ne pas confondre avec les manufactures « du Roi », ateliers d’État).
Ce mercantilisme à la française réussit au début du règne, mais les règles étatiques trop rigides finissent par devenir un frein. Dans le même temps, la conjoncture nationale et internationale se dégrade, en raison des guerres de Louis XIV, que Louvois encourage, en tant que ministre de la Guerre et rival politique de Colbert.
« Colbert avait un grand-père / Qui n’était pas si savant
Ni si riche que son père / Ni si dur aux pauvres gens. »881Colbert avait un grand-père, chanson
Choisir un bourgeois pour ministre est une initiative royale mal acceptée des Grands. Mais le peuple se méfie aussi : la fortune rapide de Colbert devient suspecte. Autre raison classique d’impopularité : les impôts accrus ou créés, indirects et injustes, qui causent des émeutes fiscales.
« Si j’avais fait pour Dieu ce que j’ai fait pour cet homme, je serais sauvé dix fois. »891
Jean-Baptiste COLBERT (1619-1683), sur son lit de mort, parlant de Louis XIV, début septembre 1683
Ce grand commis de l’État accomplit une tâche surhumaine et Louis XIV (dit le Grand) lui doit une part de cette grandeur dont il est si fier. À la veille de sa mort, le créateur du budget public (au sens moderne du mot) dut pourtant éprouver un sentiment d’échec : les dépenses de l’État ne peuvent plus être équilibrées par les recettes, à cause des dépenses militaires, et la cour parle d’une éventuelle disgrâce de Colbert, au profit de son rival, l’intrigant Louvois, ministre de la Guerre qui encourage le roi dans une politique extérieure toujours plus ambitieuse, aventureuse, bientôt ruineuse.
Après la chute du surintendant Fouquet, premier acte d’autorité du roi et véritable coup de théâtre (1661), Colbert l’infatigable ministre inspire la politique à la fois commerciale, maritime, industrielle, fiscale du pays, recherchant la puissance de l‘État plus que le bienêtre des Français. Une histoire à redécouvrir dans le tome 3 des Chroniques de citations historiques (Feuilletez les 20 premières pages de notre livre électronique).
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