Troisième jour de notre série de citations historiques sur le travail : le XVIIIe, siècle des Lumières. La philosophie qui s’intéresse à tout s’attaque au problème et à l’ambivalence du travail. Corvée pour le peuple - prise au sens propre et figuré. Mais pouvait-on vraiment réformer le pays et faire l’économie d’une révolution - la Révolution de 1789 ? On y a cru, jusqu’au dernier moment.
« L’intérêt est le plus grand monarque de la terre. Cette ardeur pour le travail, cette passion de s’enrichir, passe de condition en condition, depuis les artisans jusques aux grands. »983
L’auteur joue le Persan pour feindre l’étonnement face aux paradoxes du siècle des Lumières. Ses Lettres, plusieurs fois rééditées, remportent un succès public qui montre à quel point le Français aime se contempler dans ce miroir à la fois satirique et fidèle.
Ambivalence de cette civilisation d’un côté raffinée, charmante, luxueuse et philosophante, et de cette société affairiste où la course à l’argent devient la préoccupation permanente d’une noblesse descendue dans l’arène, aussi bien que de la bourgeoisie toujours soucieuse d’ascension sociale : « Vous voyez à Paris un homme qui a de quoi vivre jusqu’au jour du jugement, qui travaille sans cesse et court le risque d’accourcir ses jours, pour amasser, dit-il, de quoi vivre. » Étonnante modernité de cette réflexion vieille de trois siècles…
Toutes les citations qui suivent
sont commentées dans nos Chroniques.
« Paris est peut-être la ville du monde la plus sensuelle et où l’on raffine le plus sur les plaisirs ; mais c’est peut-être celle où l’on mène une vie plus dure. Pour qu’un homme vive délicieusement, il faut que cent autres travaillent sans relâche. »982
MONTESQUIEU, Lettres Persanes (1721)
Contraste plus que jamais affiché, donc choquant pour le premier philosophe du siècle, entre la minorité de privilégiés et les autres. Tant d’injustices et d’inégalités mèneront à la Révolution. Là encore, « Plus ça change, plus c’est la même chose » (Alphonse Karr, 1849).
« J’aime mieux leur [aux paysans] demander des bras qu’ils ont que de l’argent qu’ils n’ont pas. »1104
Philibert ORRY, contrôleur général des Finances de 1730 à 1745
Remarquable financier, Orry bénéficie d’un record de longévité battu seulement par Colbert (au XVIIe siècle). Il défend ici, de manière pragmatique, le principe de la corvée royale, impôt en nature sous forme de travail obligatoire (six jours à un mois par an), destiné à un grand chantier de travaux publics indispensable au pays. Travail accompli pour le bien du pays.
« Enfin, j’ons vu les Édits / Du roi Louis Seize !
En les lisant à Paris, / J’ons cru mourir d’aise […]
Je n’irons plus au chemin / Comme à la galère
Travailler soir et matin / Sans aucun salaire.
Le Roi, je ne mentons point, / A mis la corvée à bas. »1218Les Édits (1776), chanson des Jacques Bonhomme de France
Turgot demande au Conseil l’abolition de la corvée royale des paysans (les Jacques), remplacée par une taxe additionnelle payable par tous les propriétaires terriens. S’y ajoute une série de mesures fiscales. C’est l’amorce d’une véritable équité fiscale, mais tous les privilégiés qui se retrouvent frappés fiscalement vont s’opposer aux édits de Turgot.
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