Adolphe Thiers : « Pacifier, réorganiser, relever le crédit, ranimer le travail, voilà la seule politique possible et même concevable en ce moment. » | L’Histoire en citations
Chronique du jour

 

Troisième République

L’Assemblée monarchiste signe la paix

Après la capitulation de Paris et l’armistice (28 janvier 1871), une Assemblée nationale est élue, qui siège à Bordeaux et bientôt à Versailles : victoire des candidats de la paix et de la monarchie. Mais la guerre civile va de nouveau bouleverser le pays…

Les commentaires sont allégés, les coupes signalées (…) Retrouvez l’intégralité dans nos Chroniques de l’Histoire en citations.

« Pacifier, réorganiser, relever le crédit, ranimer le travail, voilà la seule politique possible et même concevable en ce moment. »2355

Adolphe THIERS (1797-1877), présentant son ministère et son programme à l’Assemblée, Bordeaux, 19 février 1871. Questions ouvrières et industrielles en France sous la Troisième République (1907), Pierre Émile Levasseur

(…) Après la défaite, voilà le second choc pour Paris : le pays est monarchiste – et veut la paix. Paris seul a voté républicain en masse, étant représenté par Louis Blanc, Hugo, Gambetta.

L’Assemblée se réunit à Bordeaux le 12 février – Paris est toujours assiégé. Elle accepte la démission du gouvernement de la Défense nationale et désigne à la quasi-unanimité Thiers chef du pouvoir exécutif de la République. C’est encore du provisoire, car les républicains sont minoritaires.

La France ayant d’autres priorités, Thiers, en vieux routier de la politique, s’engage à respecter la trêve des partis et à différer toute discussion sur la forme du régime et la Constitution. Son programme prend le nom de Pacte de Bordeaux (…)

« Nous déclarons encore une fois nul et non avenu un pacte qui dispose de nous sans notre consentement. »2356

Députés alsaciens et lorrains protestant à l’Assemblée nationale, Bordeaux, 1er mars 1871. Annales de l’Assemblée nationale, volume I (1871), Assemblée nationale


(…) La plus grande partie de l’Alsace-Lorraine est perdue : le 10 mai, le traité de Francfort consacrera l’annexion à l’Allemagne de l’Alsace (moins Belfort) et du nord-est de la Lorraine (avec Metz et Thionville).

158 000 Alsaciens-Lorrains, soit 10 % de la population, choisiront de rester Français, quittant leur terre pour la France (et l’Algérie, alors française).

« L’Assemblée refuse la parole à M. Victor Hugo, parce qu’il ne parle pas français ! »2357

Vicomte de LORGERIL (1811-1888), Assemblée nationale, Bordeaux, 8 mars 1871. Actes et Paroles. Depuis l’exil (1876), Victor Hugo

Ce député monarchiste, et poète à ses heures, coupe la parole à l’élu de Paris. Hugo le républicain est déjà monté à la tribune pour condamner la paix infâme le 1er mars, pour déplorer que Paris soit décapitalisée au profit de Bordeaux, le 6. En cette séance houleuse du 8, il se fait insulter pour avoir défendu l’Italien Garibaldi, élu député d’Alger : il conteste l’invalidation de ce vieux révolutionnaire italien « venu mettre son épée au service de la France » dans la guerre contre les Prussiens. Hugo va démissionner (…)

« Le peuple de Paris veut conserver ses armes, choisir lui-même ses chefs et les révoquer quand il n’a plus confiance en eux. Plus d’armée permanente, mais la nation tout entière armée ! » 2358

Comité central de la Commune, Manifeste à l’armée, 8 mars 1871. Cent ans de République (1970), Jacques Chastenet

(…) Thiers vient de supprimer la paye des gardes nationaux qui, toujours armés, se sont donné le nom de Fédérés – cette solde était la seule ressource des ouvriers mobilisés.

Une énorme pression révolutionnaire, avec une propagande encouragée par la liberté de la presse et des clubs, agite à nouveau la capitale : des rumeurs de Restauration courent - Chambord ou d’Orléans pourrait revenir au pouvoir !

« Plus de rois, plus de maîtres, plus de chefs imposés, mais des agents constamment responsables et révocables à tous les degrés du pouvoir. »2359

Fédération des bataillons de la garde nationale, Serment du 10 mars 1871. Enquête parlementaire sur l’insurrection du 18 mars (1872), Commission d’enquête sur l’insurrection du 18 mars, comte Napoléon Daru

Cette Fédération, nouveau pouvoir surgi lors des élections de février, jaillit spontanément du peuple, ouvriers, artisans, petits bourgeois confondus, unis dans le même amour de la patrie et de la République.

Ils rejettent le suffrage universel qui a fait l’Assemblée telle qu’elle est, ils revendiquent la démocratie directe. Voilà tout ce que redoutent la France profonde et l’Assemblée nationale, qui se rappellent la Terreur de 1793 et les désordres de la Deuxième République en 1848.

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